CLITON. Mais sa compagne enfin n'est autre que Clarice. DORANTE. Je me suis donc rendu moi-même un bon office. CLITON. Vous en voilà défait aussi bien que d'Orphise. DORANTE. Reportons à Lucrère un esprit ébranlé, Que l'autre à ses yeux même avait presque volé. SCENE V. DORANTE, SABINE, CLITON. DORANTE. Qu'as-tu fait de ma lettre? En de si belles mains as-tu su la remettre? Ah! si vous aviez vu comme elle m'a grondée! Elle me va chasser, l'affaire en est vidée. DORANTE. Elle s'apaisera; mais, pour t'en consoler, Tends la main. SABINE. Eh! monsieur! DORANTE. Ose encor lui parler. Je ne perds pas sitôt toutes mes espérances. CLITON. Voyez la bonne pièce avec ses révérences! DORANTE. Elle a donc déchiré mon billet sans le lire ? Elle m'avait donné charge de vous le dire; CLITON. Sait-elle son métier ! SABINE. Elle n'en a rien fait, et l'a lu tout entier. Je ne puis si longtemps abuser un brave homme. CLITON. Si quelqu'un l'entend mieux, je l'irai dire à Rome. Quand elle me croira? Que ma joie est extrême! SABINE. Quand elle vous croira, dites qu'elle vous aime. DORANTE. Je le dis déjà donc, et m'en ose vanter, SABINE. La voici qui vient avec Clarice. SCÈNE VI. CLARICE, LUCRÈCE, DORANTE, SABINE, CLITON, 'CLARICE, bas, à Lucrèce. Il peut te dire vrai, mais ce n'est pas son vice. DORANTE, à Clarice. Beauté qui pouvez seule et mon mal et mon bien..... On dirait qu'il m'en veut, et c'est moi qu'il regarde. Quelques regards sur toi sont tombés par mégarde. DORANTE, à Clarice. Ah! que loin de vos yeux Les moments à mon coeur deviennent ennuyeux ! Et que je reconnais par mon expérience Quel supplice aux amants est une heure d'absence! (bas, à Lucrèce). (haut, à Dorante.) Éclaircissons-nous-en. Vous m'aimez donc, Dorante? DORANTE, à Clarice. Hélas! que cette amour vous est indifférente! CLARICE, bas, à Lucrèce. Crois-tu que le discours s'adresse encore à toi? LUCRÈCE, bas, à Clarice. Je ne sais où j'en suis! CLARICE, bas, à Lucrèce. Oyons la fourbe entière. LUCRÈCE, bas, à Clarice. Vu ce que nous savons, elle est un peu grossière. C'est ainsi qu'il partage entre nous son amour; DORANTE, à Clarice. Vous consultez ensemble! Ah! quoi qu'elle vous die, Sur de meilleurs conseils disposez de ma vie ; LUCRÈCE, en elle-même. Ce qu'elle me disait est de vrai fort étrange. DORANTE. C'est quelque invention de son esprit jaloux. CLARICE. Je le crois mais enfin me reconnaissez-vous? : DORANTE. Si je vous reconnais? Quittez ces railleries, CLARICE. Si je veux toutefois en croire son rapport, DORANTE. Pour une autre déjà je vous aurais quittée? CLARICE. Bien plus, si je la crois, vous êtes marié. DORANTE. Vous me jouez, madame; et, sans doute pour rire, Vous prenez du plaisir à m'entendre redire Qu'à dessein de mourir en des liens si doux Je me fais marié pour toute autre que vous. CLARICE. Mais avant qu'avec moi le nœud d'hymen vous lie, Vous serez marié, si l'on veut, en Turquie. DOKANTE. Avant qu'avec toute autre on me puisse engager, CLARICE. Mais enfin vous n'avez que mépris pour Clarice. DORANTE. Mais enfin vous savez le nœud de l'artifice, CLARICE. Je ne sais plus moi-même à mon tour où j'en suis. Lucrèce, écoute un mot. DORANTE, bas, à Cliton. Lucrèce ! que dit-elle? CLITON, bas, à Dorante. Vous en tenez, monsieur : Lucrèce est la plus belle; DORANTE, bas, à Cliton. Cette nuit à la voix j'ai cru la reconnaître. CLITON, bas, à Dorante. Clarice sous son nom parlait à sa fenêtre; |