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deinde, ne se, quem paulo ante cum egregia stirpe conspexissent, orbum liberis facerent. Inter hæc senex juvenem amplexus, spolia Curiatiorum fixa eo loco, qui nunc Pila Horatia appellatur, ostentans: << Hunccine, aiebat, quem modo decoratum, ovan<< temque victoria, incedentem vidistis, Quirites, eum sub furca «< vinctum inter verbera et cruciatus videre potestis? quod vix " Albanorum oculi tam deforme spectaculum ferre possent. I, « lictor, colliga manus, quæ paulo ante armatæ, imperium populo « Romano pepererunt. I, caput obnube liberatoris urbis hujus: arbori infelici suspende: verbera, vel intra pomoerium, modo << inter illa pila et spolia hostium: vel extra pomoerium, modo << inter sepulcra Curiatiorum. Quo enim ducere hunc juvenem potestis, ubi non sua decora eum a tanta fœditate supplicii vindi<<< cent? >> Non tulit populus nec patris lacrymas, nec ipsius parem in omni periculo animum: absolveruntque admiratione magis virtutis, quam jure causæ. Itaque ut cædes manifesta aliquo tamen piaculo lueretur, imperatum patri, ut filium expiaret pecunia publica. Is quibusdan piacularibus sacrificiis factis, quæ deinde genti Horatiæ tradita sunt, transmisso per viam tigillo, capite adoperto, velut sub jugum misit juvenem. Id hodie publice quoque semper refectum manet: sororium tigillum vocant. Horatiæ sepulcrum, quo loco corruerat icta, constructum est saxo quadrato.

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HORACE, son fils.

CURIACE, gentilhomme d'Albe, amant de Camille.
VALÈRE, chevalier romain, amoureux de Camille.

SABINE, femme d'Horace et sœur de Curiace.
CAMILLE, amante de Curiace et sœur d'Horace.

JULIE, dame romaine, confidente de Sabine et de Camille.
FLAVIAN, soldat de l'armée d'Albe.

PROCULE, soldat de l'armée de Rome,

La scène est à Rome, dans une salle de la maison d'Horace.

ACTE PREMIER.

SCÈNE PREMIÈRE.

SABINE, JULIE.

SABINE.

Approuvez ma faiblesse, et souffrez ma douleur;
Elle n'est que trop juste en un si grand malheur :
Si près de voir sur soi fondre de tels orages,
L'ébranlement sied bien aux plus fermes courages;
Et l'esprit le plus mâle et le moins abattu
Ne saurait sans désordre exercer sa vertu.
Quoique le mien s'étonne à ces rudes alarmes,

Le trouble de mon cœur ne peut rien sur mes larmes,
Et, parmi les soupirs qu'il pousse vers les cieux,
Ma constance du moins règne encor sur mes yeux :
Quand on arrête là les déplaisirs d'une âme,

Si l'on fait moins qu'un homme, on fait plus qu'une femme;
Commander à ses pleurs en cette extrémité,

C'est le titre que Corneille donna toujours à cette tragédic. Celu des Horaces a prévalu depuis dans la conversation et sur les affiches des spectacles. Ainsi l'usage étend son empire même sur des objets qui ne sont pas de sa compétence. (P.)

C'est montrer pour le sexe assez de fermeté.

JULIE.

C'en est peut-être assez pour une âme commune
Qui du moindre péril se fait une infortune;

Mais de cette faiblesse un grand cœur est honteux;
Il ose espérer tout dans un succès douteux.

Les deux camps sont rangés au pied de nos murailles;
Mais Rome ignore encor comme on perd des batailles.
Loin de trembler pour elle, il lui faut applaudir :
Puisqu'elle va combattre, elle va s'agrandir.
Bannissez, bannissez une frayeur si vaine,
Et concevez des vœux dignes d'une Romaine.

SABINE.

Je suis Romaine, hélas! puisque Horace est Romain:
J'en ai reçu le titre en recevant sa main;

Mais ce nœud me tiendrait en esclave enchaînée,
S'il m'empêchait de voir en quels lieux je suis née.
Albe, où j'ai commencé de respirer le jour,
Albe, mon cher pays, et mon premier amour ';
Lorsque entre nous et toi je vois la guerre ouverte,
Je crains notre victoire autant que notre perte.
Rome, si tu te plains que c'est là te trahir,
Fais-toi des ennemis que je puisse haïr 2.

Quand je vois de tes murs leur armée et la nôtre,
Mes trois frères dans l'une, et mon mari dans l'autre,
Puis-je former des vœux, et sans impiété

Importuner le ciel pour ta félicité?

Je sais que ton État, encore en sa naissance,

Ne saurait, sans la guerre, affermir sa puissance;

Je sais qu'il doit s'accroître, et que tes grands destins
Ne le borneront pas chez les peuples latins;

Que les dieux t'ont promis l'empire de la terre,
Et que tu n'en peux voir l'effet que par la guerre :
Bien loin de m'opposer à cette noble ardeur
Qui suit l'arrêt des dieux et court à ta grandeur,

Voyez comme ces vers sont supérieurs à ceux du commencement : c'est ici un sentiment vrai; il n'y a point là de lieux communs, point de vaines sentences, rien de recherché, ni dans les idées, ni dans les expressions. Albe, mon cher pays, est la nature seule qui parle : cette comparaison de Corneille avec lui-même formera mieux le goût que toutes les dissertations et les poétiques. (V).

Ce vers est resté en proverbe. (V).

Je voudrais déjà voir tes troupes couronnées,
D'un pas victorieux franchir les Pyrénées.
Va jusqu'en l'Orient pousser tes bataillons;
Va sur les bords du Rhin planter tes pavillons;
Fais trembler sous tes pas les colonnes d'Hercule,
Mais respecte une ville à qui tu dois Romule.
Ingrate, souviens-toi que du sang de ses rois
Tu tiens ton nom, tes murs, et tes premières lois.
Albe est ton origine; arrête, et considère

Que tu portes le fer dans le sein de ta mère.
Tourne ailleurs les efforts de tes bras triomphants;
Sa joie éclatera dans l'heur de ses enfants;
Et, se laissant ravir à l'amour maternelle',

Ses vœux seront pour toi, si tu n'es plus contre elle.

JULIE.

Ce discours me surprend, vu que depuis le temps
Qu'on a contre son peuple armé nos combattants,
Je vous ai vu pour elle autant d'indifférence
Que si d'un sang romain vous aviez pris naissance.
J'admirais la vertu qui réduisait en vous
Vos plus chers intérêts à ceux de votre époux;
Et je vous consolais au milieu de vos plaintes,
Comme si notre Rome eût fait toutes vos craintes.

SABINE.

Tant qu'on ne s'est choqué qu'en de légers combats,

Trop faibles pour jeter un des partis à bas 2,
Tant qu'un espoir de paix a pu flatter ma peine,
Oui, j'ai fait vanité d'être toute Romaine.
Si j'ai vu Rome heureuse avec quelque regret,
Soudain j'ai condamné ce mouvement secret;
Et si j'ai ressenti, dans ses destins contraires,
Quelque maligne joie en faveur de mes frères 3,

1 Cette phrase est équivoque. Le mot de ravir, quand il signifie joie, ne prend point un datif: on n'est point ravi à quelque chose; c'est un solécisme de phrase. (V.)

2 Jeter à bas est une expression familière qui ne serait pas même admise dans la prose. Corneille n'ayant aucun rival qui écrivit avec noblesse, se permettait ces négligences dans les petites choses, et s'abandonnait à son génie dans les grandes. (V)

3 La joie des succès de sa patrie et d'un frère peut-elle être appelée maligne? Elle est naturelle on pouvait dire, une secrète joie en faveur de mes frères. Ce mot de maligne joie est bien plus à sa place dans ces deux admirables vers de la Mort de Pompée :

Soudain, pour l'étouffer rappelant ma raison,

J'ai pleuré quand la gloire entrait dans leur maison.
Mais aujourd'hui qu'il faut que l'une ou l'autre tombe,
Qu'Albe devienne esclave, ou que Rome succombe,
Et qu'après la bataille il ne demeure plus

Ni d'obstacle aux vainqueurs, ni d'espoir aux vaincus,
J'aurais pour mon pays une cruelle haine,

Si je pouvais encore être toute Romaine,
Et si je demandais votre triomphe aux dieux,
Au prix de tant de sang qui m'est si précieux.

Je m'attache un peu moins aux intérêts d'un homme;
Je ne suis point pour Albe, et ne suis plus pour Rome;
Je crains pour l'une et l'autre en ce dernier effort,
Et serai du parti qu'affligera le sort.

Égale à tous les deux jusques à la victoire',

Je prendrai part aux maux sans en prendre à la gloire;
Et je garde, au milieu de tant d'âpres rigueurs,
Mes larmes aux vaincus, et ma haine aux vainqueurs 2.

JULIE.

3

Qu'on voit naître souvent de pareilles traverses
En des esprits divers, des passions diverses!
Et qu'à nos yeux Camille agit bien autrement!
Son frère est votre époux, le vôtre est son amant :
Mais elle voit d'un œil bien différent du vôtre
Son sang dans une armée, et son amour dans l'autre.
Lorsque vous conserviez un esprit tout romain,

Une maligne Joie en son cœur s'élevait,
Dont sa gloire indignée à peine le sauvait.

Il faut toujours avoir devant les yeux ce passage de Boileau :

D'un mot mis en sa place enseigna le pouvoir.

C'est ce mot propre qui distingue les orateurs et les poëtes de ceux qui ne sont que diserts et versificateurs. (V.)

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Égale à n'est pas français en ce sens. L'auteur veut dire juste envers tous les deux; car Sabine doit être juste, et non pas indifférente. (V.)

2 Elle ne doit pas haïr son mari, ses enfants, s'ils sont victorieux ; ce sentiment n'est pas permis : elle devrait plutôt dire sans hair les vainqueurs. (V.)

3 Le lecteur se sent arrêter à ces deux vers: ces de des embarrassent l'esprit. Traverses n'est point le mot propre les passions ici ne sont point diverses. Sabine et Camille se trouvent dans une situation à peu près semblable. Le sens de l'auteur est probablement que les mêmes malheurs produisent quelquefois des sentiments différents. (V )

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