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la premiere, on examine quelle peut être la nature des Arts, quelles en sont les parties et les différences essentielles. On montre par la qualité même de l'esprit humain, que l'imitation de la nature doit être leur objet cominun, et qu'ils ne différent entr'eux que par le moyen qu'ils emploient, pour exécuter cette imitation. Les moyens de la Peinture, de la Musique, de la Danse sont les couleurs les sons " les gestes; celui de la Poésie est le discours. De sorte qu'on voit d'un côté, la liaison intime et l'espece de fraternité qui unit tous les Arts (a), tous enfans de la Nature, se proposant le même but, se réglant par les mêmes principes de l'autre côté, leurs différences particulieres, ce qui les sépare et les distingue en

tr'eux.

:

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Après avoir établi la nature des 'Arts par celle du génie de l'homme qui les a produits; il étoit naturel de penser aux preuves qu'on pouvoit tirer du sentiment; d'autant plus, que

(a) Etenim omnes Artes quæ ad humanitatem pertinent, habent quoddam commune vinculum, et quasi cognatione quâdam inter se continentur. Cic. pro Archia Poëta.

c'est le Goût qui est le juge-né de tous les beaux Arts, et que la raison même n'établit ses regles, que par rapport à lui et pour lui plaire; et s'il se trouvoit que le Goût fût d'accord avec le Génie, et qu'il concourût à prescrire les mêmes regles pour tous les Arts en général et pour chacun d'eux en particulier; c'étoit un nouveau degré de certitude et d'évidence ajouté aux premieres preuves. C'est ce qui a fait la matiere d'une seconde Partie, où on prouve, que le bon Goût dans les Arts est absolument conforme aux idées établies dans la premiere Partie; et que les regles du Goût ne sont que des conséquences du principe de l'imitation : car si les Arts sont essentiellement imitateurs de la belle Nature; il s'ensuit que le Goût de la belle Nature doit être essentiellement le bon goût dans les Arts.' Cette conséquence se développe dans plusieurs articles, où on tâche d'exposer ce que c'est que le Goût, de quoi il dépend, comment il se perd, etc. et tous ces articles se trouvent toujours en preuve du principe général de l'imitation, qui embrasse tout. Ces deux

Parties contiennent les preuves de rai

sonnement.

Nous en avons ajouté un troisieme, qui renferme celles qui se tirent de l'exemple même des Artistes. C'est la Théorie vérifiée par la Pratique.

PREMIERE PARTIE.

DU

OU L'ON ÉTABLIT LA NATURE DES ARTS PAR CELLE GÉNIE QUI LES PRODUIT.

IL

L n'est pas nécessaire de commencer ici l'éloge des Arts en général. Leurs bienfaits s'annoncent assez d'euxmêmes tout l'Univers en est rempli. Ce sont eux qui ont bâti les villes, qui ont rallié les hommes dispersés, qui les ont polis, adoucis, rendus capables de la société. Destinés les uns à nous servir, les autres à nous charmer, quelques-uns à faire l'un et l'autre ensemble, ils sont devenus en quelque sorte pour nous un second ordre d'élémens, dont la nature avoit réservé la création à notre industrie.

CHAPITRE I.

Définition, Division, et Origine des
Arts en général.

UN Art en général est une collection

ou un recueil de regles pour faire bien ce qui peut être fait bien ou mal. Car ce qui ne peut être fait que bien qu que mal, n'a pas besoin d'art.

Ces regles ne sont que des principes généraux, tirés d'observations particulieres plusieurs fois répétées, et toujours vérifiées par la répétition. Par exemple, on a observé qu'un orateur indisposoit ses auditeurs, lorsqu'en commençant, il montroit de l'orgueil, de l'impudence; on en a tiré la regle générale qui veut que tout exorde soit modeste. Ainsi toute observation renferme un précepte, et tout précepte naît d'une observation.

Le premier inventeur des Arts est le besoin, le plus ingénieux de tous les maîtres, et celui dont les leçons sont les mieux écoutées. Jetté en naissant, comme le disent Lucrece et Pline, nud sur la terre nuë, ayant

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