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E ne difconviendrai point, Mademoifelle, qu'après la figure d'Iroquoife que favois imaginée pour vous, la plus convenable ne foit celle de Flore que votre Peintre vous donne. Vous êtes bien digne de l'Empire des Fleurs, & nous autres nous ferions bienheureux fi vous vouliés vous en contenter, & ne régner que fur les Rofes & les Violettes. Ne fera-t-on point paroître dans le Tableau leZéphire votreAmant? Vous devés vous enaccommoder affés, il n'eft propre qu'à des fonctions légeres, & qui ne vous allarmeront pas ; le plus grand défordre qu'il vous caufera, fera de mêler un peu vos chcveux, tout au plus de faire voltiger votre Robe, & de fe gliffer adroitement entr'elle & vous; mais comme cela se fera fans fcandale, & qu'il n'y paroîtra prefque pas, je ne croi pas que vous le trouviés mauvais. Enfin puifque

vous dites fouvent que vous n'aimés pas les Amans fi folides ; le Zéphire fera juftement votre fait; cependant quand vous aurés tâté quelque tems d'un Dieu fi frivole, j'efpere que vous en reviendrés aux fimples Mortels quoiqu'ils foient un peu plus groffiers. J'ai bien envie de fçavoir comment votre Peintre réuffira à votre Porrtait, fon entreprise eft hardie; il y a tant de graces fur votre vifage qu'il faudroit faire un Portrait de chacune en particulier; en faire un pour la douceur, un autre pour la fierté, un pour la fimplicité qui eft dans votre air, un autre pour la fineffe qui y brille; mais de prétendre les peindre toutes enfemble, douceur, fierté, fimplicité, fineffe & tout le refte, je ne croi pas que ccla fe puiffe; je ne fçai feulement pas par quel hazard la nature a pû faire un mélange fi heureux, ni comment dans votre perfonne elle a fi bien proportionné la dose de chaque agrément, Elle feroit bien empêchée à en faire autant une feconde fois. Un Peintre y aura encore bien plus de peine; quand il fongera à attraper un de ces agrémens délicats que vous avés, un autre

Tome I.

Y y

lui échappera, fon pinceau en laiffera paffer affurément quelques-uns fans les repréfenter, au lieu que mon cœur n'en laiffe paffer aucun qui ne foit vivement fenti. Il n'y a que lui au monde qui tienne un conte exact de tous vos charmes, mais cet emploi-là eft un peu dangereux.

A LA MESM E,

NE

LETTRE XLIII

E l'avois-je pas bien dit qu'il y auroit une partie des beautés de votre vifage qui ne fe laifferoient point peindre? Je les connois, elles ne font pas fi aifées à gouverner, & il s'en faut bien que l'on ne faffe d'elles ce que l'on vcut. Cependant on dit que votre Peintre vous fait extrêmement valoir l'effet qu'a produit votre Portrait qui a été vû chés lui, & qu'il prétend qui eft le plus beau du monde, parce qu'en le voyant, Mr l'Envoyé de... eft devenu amoureux de vous. Ce n'est pas une grande merveille. Un Allemand

auroit grand tort, s'il ne fe rendoit à la dixième partie de vos charmes, & s'il falloit que vous les employaffiés tous contre lui. Le voilà fort affidu auprès de vous, & fort épris, vous n'auriés qu'à faire porter votre Portrait dans toutes les Cours de l'Europe, & vous verriés venir de toutes parts des Envoyés qui ne feroient que pour vous; au licu que celui-ci étoit venu d'abord pour des Négociations, qu'à la vérité il pourra bien oublier depuis qu'il vous voit. J'entens parler de quelque deffein qu'il a de vous faire Madame l'Envoyée, je vous déclare qu'en ce caslà je ferai voir votre Portrait aux Ambaffadeurs de Maroc, afin qu'ils vous demandent pour le Roi leur Maître, & que cela faffe une diverfion. Votre beauté eft fi fort de tous les Païs, que je ne doute point qu'elle ne fit le même effet fur les Africains que fur les Allemands. Ne prendriés-vous point plaifir à aller faire enrager tout le Serrail du Roi de Maroc, & à lui rendre trois ou quatre cens Femmes inutiles? Vous aimés à faire des malices, cellelà feroit affés jolie; il vaudroit toujours mieux prendre ce parti-là, que

d'aller fe faire Allemande de gayeté de

cœur.

A LA MES ME.

LETTRE XLIV.

A Quoi fert de feindre? Je ne fuis

point fâché du petit accident qui vous eft arrivé à la chaffe. Il vous fervira à vous faire voir que la chafte Diane ne veut point de vous. Il eft affés honteux qu'une fi fage Déeffe vous rebute; mais enfin depuis Califto, qui fut malheureufement découverte à un bain pour n'être pas d'une taille irréprochable, Diane a pris réfolution de ne plus recevoir à fa fuite de jolies Nimphes parce qu'elle les croit toutes fujettes à caution; elle ne vous a point acceptée, & elle vous a fait fentir que vous ne lui conveniés pas. Venus d'un autre côté, qui n'eft pas fi vertueufe & fi farouche, vous tend les bras d'une maniere riante & agréable. Vous n'aurés point à craindre avec elle des chûtes de cheval, ni des meurtriffeures univerfel

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