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dire fans que vous le fçachiés. Ne vaudroit-il pas mieux que vous m'euffiés fait en peu de mots un petit aveu de vos fentimens, que d'en parler la nuit comme une Perfonne infenfée ? L'amour ne perd rien; vous lui devés cet aveu de tendreffe; il faut que vous le faffiés en quelque tems que ce puiffe être. Si votre raison vous impofe filence, votre raifon s'endormira, & alors l'amour ne s'endormira pas. Votre févere vertu peut répondre de vos jours, mais de vos nuits, qui enré pondra? Les nuits appartiennent à l'amour. Auffi vous voyés que le fecret de tant de jours vous eft échappé en une nuit. Mais oferois-je vous demander fous quelle figure je me suis présenté à vous pour obtenir que vous vous déclaraffiés en ma faveur? il fe pourroit trouver des occafions, où je ferois bien aife de reprendre encore cette figure-là. Apparemment j'étois fier, & menaçant, car je n'ai jamais rien gagné auprès de vous par des manieres refpectueufes & foumifes. Ne dites point que ce que vous avés dit la nuit ne tire point à conféquence; c'étoit vous qui parliés, vous feule; le jour c'est la con

trainte, c'eft la cérémonie, c'est la diffimulation qui parle. Vous verrés combien je ferai déformais infenfible à toutes vos rigueurs du jour, je conterai que vous vous en dédirés la nuit. Heureux qui peut vous voir, vous autres Belles, telles que vous êtes!

A LA MES M E.

LETTRE XXVIII,

Depuis que vous avés parlé de moi

en dormant, je ne dors plus; & de joye, & d'inquiétude, je fuis ravi de vous tenir i fort au cœur ; mais en même tems je tremble pour les misteres qui feront entre nous. Je fuis affés content de votre retenue le jour, mais votre vivacité de nuit m'allarme ; vous découvrirés tous nos fecrets. Comment ferions nous, Mademoiselle, pour conduire nos affaires fûrement? Je n'y fçai qu'un moyen. Soyés le jour un peu moins refervée, vous le ferés davanta ge la nuit; car il eft fûr qu'il y a une mesure de choses tendres qu'il faut di

te; ce qu'on en dit le jour est autant de rabattu fur la nuit. Je ne fonge plus à vous faire d'infidelité, vos faveurs nocturnes m'ont tout-à-fait raffermi dans votre fervice. Elles ont effacé pour moi tous les teints que je voyois, amorti l'éclat de tous les yeux, gâté toutes les tailles. Je n'entens plus de chofes fpirituelles; que peut-on dire avec tous les efforts d'efprit imaginables, qui vaille ce que vous avés dit fans y penfer? Vos fonges ont entierement ruiné chés moi la pauvre Flamande, ils lui ont fait un tort que toutes fes veilles & tous fes foins ne pourroient jamais réparer. Je fuis affuré qu'elle dort fort tranquillement, & que fon imagination qui ne travaille pas beaucoup le jour, eft encore la nuit dans un repos bien plus parfait; or c'est-là un défaut que je ne pardonnerois pas à la plus belle perfonne du monde. Je ne conçoi pas à préfent comment on aime une Femme qui ne réve point, & qui ne parle point en révant. Je refuferois Venus, fi elle n'avoit pas de talent-là. Continués vos réveries Mademoiselle, l'amour même en eft mais la plus agréable de toutes.

une,

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A LA MESM E.

LETTRE XXIX.

LEs terribles nouvelles que j'apprens, Mademoiselle ! vous allés époufer mon Rival. Vous dites que vous voulés me détromper de l'opinion que j'avois conçûë de votre tendreffe fur ce que vous aviés parlé de moi pendant le fommeil. Ah! ne valoit-il pas mieux me laiffer dans mon erreur? Songés bien quelles nuits il faudra que vous donniés, pour réparer celle que vous m'aviés donnée? Helas! la faute, & la réparation ne font pas de la même efpece. Parlés la nuit de M'de... fi vous voulés, je me réfous à en paffer par-là ; mais ne vous enfermés pas feule avec lui dans une chambre, cela va au de-là des douces réveries que vous m'accordiés. Si pourtant ce malheurlà arrive, j'efpere que j'en ferai vangé par vous-même, & qu'en dormant vous parlerés de moi à fes oreilles ; mais auffi je crains qu'il n'ait la malice

de ne vous laiffer guere dormir de peur de vous entendre parler de moi. Vous voyés, Mademoiselle, qu'il y a bien de l'agitation dans mon efprit ; j'ai des efperances, & des craintes; mais en vérité la partie n'eft pas égale entre elles. Quelquefois je me confole dans la penfée que mon Rival ne vous a pas tant aimée que moi. Il a vù que fes foins n'approchoient point des miens; que fa vivacité fur tout ce qui vous re→ garde étoit moindre que la mienne; qu'enfin tant qu'il ne s'agiroit que de fentimens, je l'emporterois fur lui; & quand il a été pouffé à bout par ma tendreffe, il a été implorer le fecours de Mr votre Curé; or franchement je ne m'attendois pas que Mr le Curé dût entrer dans cette affaire-là. Ce n'eft pas là un procedé bien galant, je ne fçai fi vous qui êtes délicate, vous en êtes contente. On fait venir l'Eglife contre moi, je n'ai rien à dire à l'Eglife. Je ne vous euffe pas fait ordonner en cérémonie de m'aimer, auffi n'euffai-je pas crû que quatre paroles d'un Prêtre vous appriffent ce que tous mes foupirs n'ont pû vous apprendre. Mon Rival triomphe de moi à préfent; Hh iiij

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