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quand je n'ai plus d'amour; tant que j'en ai, aucun Mortel n'entre dans ces misteres.

A U

MESME.

LETTRE XXV.

MEs fouhaits font accomplis, j'aš

un Succeffeur. Quand je n'aime plus, j'ai autant d'envie de n'être plus aimé, que j'en ai d'être aimé quand j'aime. Je Vous affure que j'ai defiré avec un égal empreffement la tendreffe & l'indifference de Madame de L. M. Enfin je les ai obtenues toutes deux l'une après l'autre, c'est tirer d'une perfonne tout ce qui s'en peut tirer. Je ne fçai comment font faits ceux qui peuvent aimer fans être aimés, ni ceux qui fe plaifent à être aimés fans aimer; l'amour n'eft bon que dans le partage. C'eft la plus plaifante chose du monde que les difpofitions où mon Succeffeur eft à mon égard. Tantôt il me hait de ce que je l'ai précedé ; tantôt il me méprife de ce qu'il croit que je n'ai pu

me conferver le bonheur dont je jouiffois; tantôt il m'infulte comme s'il obtenoit fur moi une préférence que je lui euffe difputée. Il voudroit bien avoir quelque lieu de croire qu'on m'a donné mon congé; mais il voit trop clairement que je l'ai pris ; & cela le défefpere. Je gage qu'il voudroit que je fuffe fon rival, & qu'il lui en eût coûté la moitié de fon bien, car il est outré du fens froid avec lequel je regarde ses empreffemens & fes foins. D'autre côté la Dame affecte de me faire voir que tout le monde ne l'abandonne pas quand je l'abandonne, & je ne fçai fi dans les complaifances. qu'elle a pour fon Amant, il n'y entre point un peu de dépit contre moi. qu'elle veut me faire fentir. Peut-être ma préfence vaut quelque chofe à mon prétendu Rival. Il est toujours certain que la Dame voudroit bien qu'il parût qu'elle fait un choix à mon défavantage entre cet Homme-là & moi; mais le moyen? Je me tiens toûjours dans les. termes de ceder tout. Je fuis affés honnête pour être fâché de ne pouvoir pas fervir d'affaifonnement à la nouvelle tendreffe de Madame de L. M.Tout ce

que je puis faire, c'est de lui fouhaiter une paffion moins vive que celle qu'elle a euë, & à mon Succeffeur une conftance qui foit plus à l'épreuve du tems que la mienne.

A MADEMOISELLE de T...

J

LETTRE XXVI.

'Apprens de tous côtés les progrès de mon Rival, Mademoiselle, & je tâche à me vanger de vous. Il y a ici une Dame fort bien faite, jeune, belle, mais Flamande, que je voudrois bien aimer. Ce font les traits les plus reguliers, le plus beau teint, la fraîcheur la plus vive du monde; enfin quand je puis attraper un moment où je ne fonge point à vous, elle me paroît tout-àfait aimable; mais dès que votre idée me revient, je ne fçai où s'en vont ces traits, cette fraîcheur, ce teint. Votre air fpirituel, & vos manieres fines m'ont gâté la Flandre ; je doute que je puiffe déformais être amoureux en ce Pays-là. Encore fi vous me répariés la

perte

perte de mes Flamandes! Mais elles font perdues fans être remplacées. Je ne demanderois que vous pour remplacer toute la Nation : mais fi vous êtes bien réfolue à aimer mon Rival, fi vous avés trouvé le fecret de ne penser plus à moi, donnés-moi auffi, je vous prie, celui de ne penfer plus à vous. Ou aimés-moi, où laiffés-moi aimer qui je voudrai dans ma Garnison. Ne vous préfentés point toujours à mon imagination, pour enlaidir à mes yeux cette pauvre Flamande que je veux aimer. Souffrés qu'elle ait fa beauté telle qu'elle pourra, fans avoir rien à démêler avec la vôtre. Eft-ce que je n'aimerai plus rien, parce que je vous ai vûc? Cela feroit bon fi vous m'aimiés. A quoi voulés-vous que je paffe ici ma vie? Je m'occuperai de vous, tandis qu'un autre vous occupe à Paris ? Y auroit-il de la juftice? La Flamande qui penfera à moi, vaudra mieux que vous qui n'y penfés pas. Si vous me fâchés, je ferai en forte que je la trouverai belle en dépit de votre idée, & à force d'opiniâtreté, j'obtiendrai de moi qu'elle me paroiffe aimable, même quand je me fouviendrai de vous. Hh

Tome I.

Cependant vous me ferés plaifir, Mademoiselle, de ne m'obliger point à des efforts fi violens,& de prendre doucement le parti de fortir de mon efprit.

A LA MES M E.

Sur ce qu'elle avoit parlé de lui en dormant.

LETTRE XXVII.

ON m'a mandé, Mademoiselle, les

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faveurs que vous m'avés faites. Vous avés beau vous en défendre Vous m'aimés, le fommeil trahit vos fecrets. Voilà ce que c'eft que de vouloir renfermer des paffions, & les cacher à ceux qui les caufent. Si vous m'euffiés avoué la vôtre, je vous affure que vous euffiés été contente de ma difcrétion; mais vous n'en avés voulu faire la confidence qu'à vous-même, & vous n'avés pas été affes difcrette. Apprenés de-là, Mademoiselle, à ne vous fier pas tant à vous. Dites-moi de bonne grace ce que le fommeil vous fera

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