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dre; que ce n'eft point là comme en ufent les Femmes de qualité; & là-deffus ces pauvres Créatures fe rendent, feulement pour montrer qu'elles fçavent vivre. Je veux qu'on refpecte la fimplicité; fi l'on veut être fourbe qu'on le foit dans le grand monde, où le commerce de la fourberie est établi.

A MADEMOISELLE de C.

Qui étoit nouvellement venue d'Angleterre en France.

J

LETTRE V.

E vous écris, Mademoiselle, dans une Langue que vous n'entendez pas encore beaucoup, mais en récompenfe, je vous écrirai fur une matiere que vous n'aurés pas de peine à entendre. Quand je vous dirai que je vous trouve la plus aimable Perfonne du monde je croi que vous n'aurés pas befoin d'Interprete. Vous devriés m'entendre même en Chinois; car après qu'on vous

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a vûe , que peut-on vous dire autre chofe? J'ai bien vû des Vaiffeaux, qui ayant prefque fait le tour du monde revenoient en France chargés de Curiofités étrangeres, mais ils n'ont jamais rien apporté de fi curieux, que ce que le vôtre a apporté, quoiqu'il n'ait pas fait un grand voyage. En vérité, ce n'est pas parce que vous venés d'un autre Païs, que je vous eftime tant. Fuffiés-vous Françoife, je vous estimerois encore beaucoup. Cependant il me femble que votre petit Jargon étranger contribue un peu au plaifir que je me fais de vous voir. Vous ne fçauriés croire combien votre visage s'anime, & combien il naît de graces au moment que vous cherchés un mot. Toute l'éloquence qui manque alors à votre bouche, eft dans vos yeux. Je ne fçai plus comment on peut aimer des perfonnes qui parlent François fans aucune difficulté. Au nom de Dieu, ne l'apprenés point mieux que vous ne le fçavés, ce feroient mille petits Amours perdus. Il ne vous faut que trois ou quatre mots, qui font d'un ufage indifpenfable. Aimer, par exemple, fou- · pirer, tendreffe; avec cela vous irés loin.

Que j'envie, Mademoiselle, le bon heur de celui pour qui vous bégayerés ces mots-là !

A MADEMOISELLE de I.

LETTRE VI.

M on devoir m'oblige, Mademoi

felle, à vous parler d'une chofe qu'il y a long-tems que je vous cache. Je fuis bien fâché de ne vous la pouvoir plus diffimuler, & d'être réduit à vous apprendre une nouvelle qui vous déplaira peut-être; mais enfin je me reprocherois de ne vous l'apprendre pas, & ma confcience en murmureroit trop. Il y a aujourd'hui justement un mois, Mademoiselle, que je vous aime. Vous prendrés cela comme il vous plaira, vous vous fâcherés, vous vous mettrés en colere; pour moi, je n'ai voulu que faire l'acquit de ma confcience, après cela je ne m'inquiéte de rien. Je tiens qu'il n'y a rien de plus injufte, que de voir une auffi aimable Perfonne que vous, fans l'aimer. L'a

mour est le revenu de la beauté, & qui voit la beauté fans amour, lui retient fon revenu d'une maniere qui crie vangeance. Je ne pourrois pas dormir, fi je me fentois l'ame chargée de ce peché-là. Vous me dirés que je dois vous aimer fans vous le dire; j'entens bien votre expedient, Mademoiselle, mais vous fçavés que quand on paye, on est bien aise d'en tirer quittance, ou de prendre acte comme on a payé. Je m'acquitte de l'amour que je vous dois, mais je déclare en même tems que je m'en acquitte. Que fçai-je ? Vous viendriés peut-être quelque jour m'inquietter là-deffus; il n'eft rien tel que de prendre fes fûretés. Vous auriés beau me dire que je n'aurois rien à craindre. Mon Dieu, on ne fçait ce qui peut ar river; vous changerés peut-être d'humeur. Enfin, il eft für que quand vous fçaurés que je vous aime, il n'y aura rien de gâté.

A LA MES M E.

LETTRE VII.

Ous vous êtes bien gendarmée de ma déclaration, vous êtes bien fatisfaite de vous-même, votre vertu a fait fon tintamare; mais voulés-vous gager qu'au bout du conte vous m'aimerés? Oui, vous m'aimerés; je fçai bien ce que je dis, je fçai bien ce que je fens, qui me répond que je me ferai aimer. N'ayés point fi bonne opinion de votre indifference, j'ai de la conftance pour vaincre quatre indifferences comme la vôtre. Le tems ne me coûte rien, en fait d'auffi jolies Perfonfonnes que vous. Faut-il des années ? Hé bien, des années, foit. Je n'ai rien de plus agréable à faire. Vous ne m'accorderés aucunes graces? Je vous jouerai le tour d'aimer jufqu'à vos duretés. Vous ne me ferés que des graces trèslégeres? Elles me paroîtront d'un trèsgrand prix, parce qu'elles partiront de vous. Vous m'oppoferés des Rivaux ?

Je

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