« Mon chere Monchivale, je vous anvoy come une fèble marque de mont souvenire cinqante et cu don je pui dispausair an votre faveure. Jessepaire que votre libairté vous cera bientôt randu é que je seré ancor claké par vous. Je voudrai pouvoire vous auffrire davantage, mes ces quornichon de journaliste mon fait la queu de fasson a me géné pour le cardeur. Mil et mil compliman de votre mellieur hamie qui n'a pas bézoin de cigné son non. »

Je riais encore du poulet de la princesse (12), lorsque Mouchival, en visitant le panier, trouva une autre lettre à son adresse. Il reconnut l'écriture de la femme de chambre de l'actrice. Cette lettre était ainsi conçue :

« Mon cher cousin

» Je suis chargée de vous écrire de la part de Justine, que sa mère la surveille de trop près pour qu'elle puisse correspondre directement avec vous; ce n'est même qu'à la dérobée que la

pauvre enfant a pu me dire le peu de mots que je m'empresse de vous transmettre. Aussitôt que vous serez libre, j'espère que nous trouverons le moyen d'opposer à la surveillance d'un argus si redoutable, quelque ruse qui assurera votre bonheur et celui de mon amie. En attendant, veuillez agréer, mon cher cousin, la nouvelle assurance du sincère attachement de votre dévouée

LAURE.

P. S. Madame m'ayant laissé la libre disposition de ce que contient ce panier, je vous l'envoie pour vous aider à supporter votre triste captivité. >>

Que la fortune est capricieuse! m'écriai-je, après avoir examiné cette dernière lettre, dans laquelle on aurait vainement cherché une des fautes grossières qui fourmillaient dans l'écrit de la grande princesse, et que peu de gens sont ici bas à leur place (13)! Au lieu de philosopher me

dit Mouchival, rendons tous les honneurs gas

tronomiques au présent de Laure et buvons à sa santé. Et à celle de Justine! vous ne m'en par

lez pas?-Cela va sans dire, mais motus sur cet article!...-On peut compter sur ma discrétion. Nous nous mîmes à table, et, peu à peu, Mouchival épancha le secret de l'amour dans le sein de l'amitié. Il avait pour Justine, danseuse de l'Académie royale de Musique, une passion aussi vive que sincère; mais des obstacles s'étaient opposés, jusqu'à ce jour, à ce qu'il pût fréquenter librement cette nymphe de la cour de Terpsichore. Heureusement Justine avait Laure pour amie, et celle-ci servait à rapprocher, par ses bons offices, la distance qui séparait les deux amans. Notre conversation, à ce sujet, se prolongea d'une manière si expansive que quand l'heure arriva d'éteindre notre lumière, nous n'y voyons déjà plus clair ni l'un ni l'autre. Force fut donc de nous mettre au lit où nous ne tardâmes pas à nous endormir. Puisse le lecteur ne pas en faire autant en lisant ces Mémoires!

Relations entre les Comédiens et les Claqueurs. - Billets donnés. Billets de service. - Billets d'auteur.-Vente de Billets.-Principaux dépôts où le public pent les acheter.Abus qui en résultent. Le journaliste amphitryon.- Le Poulet rôti (14).

QUEL agréable réveil fut le nôtre ! nos succulens débris vinrent frapper nos yeux avec les premiers rayons du jour, et, par une inspiration mutuelle, nous reprîmes notre place à table. Eh bien! camarade, me dit alors Mouchival, commences-tu à croire qu'il y a quelque chose de bon dans l'état auquel tu te destines ?-Bon n'est pas

le mot, répondis-je en expédiant un reste de volaille truffée, il faut dire excellent!-Tu n'y es pas encore; ton estomac sera bien autrement occupé lorsque tu pourras exercer par toi-même. Figure-toi qu'il y aura des jours où il te sera impossible de satisfaire à toutes les invitations. Il m'est arrivé quelquefois, dans la même journée, de déjeûner avec Chimène, de dîner avec le roi des rois et de souper chez Marton après l'écarté; il n'est point de politesse qu'on ne nous fasse, point de bonne fête sans nous. Une de ces demoiselles est-elle accouchée (r5), nous recevons aussitôt une lettre de part; un de ces messieurs est-il parrain d'un enfant de sa femme (16), ce sont des bonbons qu'on nous envoie; un acteur épouse-t-il une actrice avec les formalités employées par les simples bourgeois, nous sommes choisis pour témoins de cette association conjugale; nous survient-il la moindre indisposition, monsieur nous recommande à son médecin, et mademoiselle nous ouvre un crédit chez son pharmacien ordinaire; le jour de notre naissance et