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dents, et le lendemain et jours suivants je les fis servir à mes observations. Lorsque j'approchais le pinceau du thorax ou de l'abdomen en le maintenant à la distance de un à deux centimètres, je ne produisais aucun effet; si, au contraire, je l'approchais de l'extrémité des antennes, ce qui le plaçait quelquefois à plus de dix centimètres du corps, les antennes s'agitaient presque aussitôt et l'insecte entrait en convulsions. L'Ergates faber se montrait surtout très-sensible à un centimètre de l'extrémité des antennes le pinceau lui occasionnait des frémissements et des commotions aussi caractérisques que curieuses à constater J'ajoute que, dans ces insectes, les palpes se montraient aussi sensibles que dans les autres; souvent même l'effet s'y produisait plus vite que dans les antennes.

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Il demeure donc constaté que les antennes sont, par elles-mêmes, ainsi que les palpes, sensibles aux odeurs, et que, par les stigmates, les insectes ne peuvent recueillir que ce malaise dont j'ai déjà donné l'explication.

Je voulais aller plus loin encore; j'aspirais à être témoin des embarras et des erreurs auxquels devaient naturellement être exposés des insectes que j'aurais privés des antennes ou des palpes, ou même de tous ces organes à la fois, ces expériences ont porté sur des Necrophorus, des Silpha, des Calliphora, des Sarcophaga, des Bombyx et surtout du Bombyx mori, dont j'ai sacrifié un grand nombre; mais j'avoue qu'elles ne m'ont satisfait que médiocrement. Sans doute les Necrophorus s'éloignaient souvent des charognes et les mouches de la viande; sans doute aussi les Bombyx ne savaient plus retrouver leurs femelles ou du moins ne se dirigeaient vers elles qu'accidentellement et par hasard; mais quoique leurs incertitudes et leurs erreurs soient favorables à ma thèse, parce qu'on peut, jusqu'à un certain point, les mettre au compte de leurs souf

frances. Les insectes, d'ailleurs, ont leur indépendance et leur libre arbitre, et alors même qu'ils possèdent tous leurs organes, ils font, lorsqu'ils sont blessés ou effarouchés, tout autre chose que ce qu'on serait en droit d'attendre d'eux.

J'ai mieux réussi en les piquant après les avoir mutilés et en laissant sécher leurs plaies. Voici tout simplement les faits que j'ai observés.

1. En amputant l'extrémité des antennes, la sensibilité olfactive n'était pas détruite, mais elle était affaiblie, et d'autant plus que le nombre des articles enlevés était plus grand; de sorte que, vers la base, la sensibilité était nulle ou à peu près. Dans les antennes à massue, l'amputation de celle-ci m'a paru détruire l'odorat.

2.o Le vernissage des antennes, avec une couche de gomme a rendu ces organes insensibles.

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3. L'amputation des palpes m'a permis souvent d'approcher le pinceau de fa bouche sans que l'insecte en fut affecté; mais quelquefois il se manifestait un peu de sensibilité, parce qu'il est très-difficile d'enlever radicalement ces organes.

De ce qui précède il résulte selon moi, de la manière la plus incontestable, que, chez les articulés, le sens de l'odorat réside dans les antennes et dans les palpes; mais, à mon avis, les antennes sont destinées à percevoir les odeurs de loin comme de près, tandis que les palpes n'auraient pour mission que d'apprécier, par l'odeur comme par le tact, la qualité des alimens, et n'exerceraient leurs facultés olfactives qu'à de faibles distances.

Deux mots maintenant sur deux questions qui se rattachent à celle que je viens de traiter et qui ne sont pas toutà-fait dépourvues d'intérêt.

TOME XVI.

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1.° Quelle est la partie des antennes et des palpes qui est le siége de l'odorat?

2.o Comment pourrait-on classer, au point de vue de l'odorat, les divers ordres d'articulés?

La première question ne me paraît pas susceptible d'une solution uniforme et absolue; mais la raison et mes expériences m'autorisent cependant à proposer les principes ciaprès, dont l'application est soumise aux règles de l'analogie :

Dans les antennes plumeuses, flabellées ou pectinées, comme celles des Drilus, des Ptilinus, des Ptilophorus, des Cladophorus, de certains Sternoxes, des Lophyrus, des Cladius, des Ctenophora, des Tanypus, des Bombix, etc., l'odorat réside dans toute la partie rameuse.

Dans les antennes simples et sétacées ou filiformes, comme celles des Carabiques, des Longicornes, des Chrysomélines et d'un grand nombre d'Hyménoptères, la faculté olfactive est d'autant moins vive qu'on s'approche plus de la base, et c'est principalement dans les derniers articles que réside l'odorat.

Dans les antennes terminées par une massue, que celleci soit formée d'articles perfoliés comme dans les Necrophores, feuilletés comme dans les Lamellicornes, serrés comme dans les Curculionites, l'odorat réside exclusivement dans la massue. On doit aussi probablement le placer dans le bouton terminal des antennes des Lépidoptères diurnes.

Dans les antennes en massue comme celles d'un grand nombre d'hyménoptères (chalcidites, odynères, guèpes, andrènes, etc.), le siége de l'odorat est à l'extrémité.

Relativement aux diptères, j'avoue que je ne puis rien préciser. Je crois cependant que l'odorat réside dans l'antenne tout entière, mais j'ignore quel est l'usage du style

plumeux, ou tomenteux, ou glabre, ou globifère qui s'insère sur le dernier article ; j'ai lieu de croire pourtant qu'il sert à la perception des odeurs. '

Quant aux palpes, je suis tenté d'affirmer que c'est dans le dernier article que réside l'odorat.

En ce qui concerne la seconde question, voici, je crois, ce qui approche de la vérité :

Les diptères, et surtout les brachycères, étant parasites ou phytophages, ou recherchant les substances en décomposition, ont, généralement parlant, l'odorat le plus fin.

Vient ensuite l'ordre des hyménoptères qui comprend un grand nombre d'espèces parasites et fouisseuses, et dont les instincts supposent une grande délicatesse d'odorat.

Je placerais en suivant l'ordre des coléoptères, où je trouve les Aphodius, les Geotrupes, les Charansonites, les Xylophages, les Dermestes, etc., qui sont doués d'un odorat fort subtil.

Puis viendraient les lépidoptères, dont quelques-uns et surtout les Bombyx, ne le cèdent à aucun autre insecte pour la finesse de l'odorat.

Après les lépidoptères, les hémiptères dont la plupart vivent sur les plantes et ont besoin, dès-lors, de pouvoir les discerner par l'odorat.

Après eux, les orthoptères qui m'ont paru avoir généralement l'odorat assez émoussé.

Après les orthoptères, les névroptères, chez lesquels je n'ai recueilli que de faibles preuves de sensibilité olfactive. Je n'assigne pas la place des crustacés parce que les observations me manquent. Il parait cependant que les homards, les langoustes et autres, ont le sentiment des odeurs, et peut-être cet ordre irait-il avant les orthoptères ou même les hémiptères.

Quant aux araignées, je crois devoir les inscrire au der

nier rang. Quoique leurs palpes soient sensibles aux odeurs, ce dont je me suis assuré, leurs habitudes indiquent que l'odorat est chez elles fort peu développé, ce qui, du reste, semble leur être commun avec les insectes chasseurs et carnassiers, avec cette circonstance aggravante qu'elles sont dépourvues d'antennes. Aussi, les voit-on se borner ou à chasser à vue, comme les mygales et les lycoses, ou à attendre leur proie sur leurs toiles, comme les tégénaires et les épeires.

Mont-de-Marsan, 5 Février 1850.

XII. Quelques mots sur l'organe de l'Odorat et sur celui de l'Ouïe dans les Insectes; par LÉON DUFOUR, membre correspondant.

M. Edouard Perris, en habile et ingénieux observateur, a confirmé par les faits comme par le raisonnement, que chez les insectes, le siége principal de l'odorat est dans les antennes. Inspiré par la lecture de son mémoire, je viens étayer son opinion par des faits anatomiques et des considérations physiologiques. Ce même savant a aussi effleuré la question du sens de l'ouïe dans ces articulés; je l'aborderai pareillement.

Les bornes d'un écrit improvisé, d'un essai ou plutôt d'un fragment de dissertation sur ces deux sujets, ne me permettent point de sortir des généralités et m'interdisent toute érudition, toute citation. L'entomologiste versé dans la connaissance des insectes de tous les ordres, trouvera sans peine dans ses souvenirs l'application des exemples à ces généralités.

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