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» du vaisseau dorsal. Ces canaux déjà aperçus par M. Newport sont formés presque exclusivement de tissu cellulaire aggloméré; ils ne sont par conséquent que peu ou point » isolables par la dissection ». Pénétrons-nous bien du sens de ces paroles.

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Cette base des faisceaux trachéens dont l'interprétation m'avait d'abord jeté dans de grandes incertitudes n'est pas autre que la bouche béante des vaisseaux intermembranulaires (p. 382); ce qui est loin de dilucider la question physiologique. Ces canaux efférents (ou afférents) qui rapporteraient du sang veineux au cœur, auraient donc la même origine que les vaisseaux inter-membranulaires auxquels M. Blanchard donne un sang artérialisé (1. c.): pesez bien, je vous prie, la valeur de ces mots. Mais outre que cet auteur ne nous fait pas connaitre les dispositions anatomiques de cette double origine, il témoigne assez de son hésitation à l'encontre du tribut circulatoire respectif de ces canaux et de ces vaisseaux (1. c.), pour que nous n'insistions plus sur cette sorte d'incompatibilité organique.

Les embarras physiologiques se pressent de toutes parts lorsque le scalpel n'a pas nettement établi les faits matériels, lorsqu'on se laisse aller à l'entraînement, à la séduction de l'anatomie par transparence! Quoi, ces canaux efférents peu ou point isolables et formés, dites-vous, d'un tissu cellulaire aggloméré, s'étendraient néanmoins jusqu'aux orifices auriculo-ventriculaires du cœur! Et quel serait donc, je vous le demande, leur mode de connexion avec ces orifices? Comment leur transmettent-ils le sang? Si cette transmission est réelle, il doit y avoir continuité de tissu de ces canaux efférens avec ces orifices! Or, vous avez dit et vous êtes d'accord sur ce point avec tous les entomotomistes tant anciens que modernes, sans m'en exclure, que « le » vaisseau dorsal ne présente point de branches dans son

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trajet » (p. 374). Vous tombez donc dans une contradiction flagrante avec vous-même, puisque vos canaux efférents s'abouchent au vaisseau dorsal par les orifices latéraux de celui-ci et doivent être, par conséquent, en nombre égal à ces derniers! Faut-il dire toute ma pensée sur ce point litigieux? Je ne sais, mais il me semble que la conviction de M. Blanchard sur l'existence de ces canaux efférents, lui a été plutôt inspirée par sa foi dans l'autorité du savant anatomiste anglais M. Newport dont il s'étaie, que démontrée par son propre scalpel.

Que M. Blanchard veuille bien nous apprendre encore par quelles voies, dans les insectes privés de stigmates, le sang s'introduit dans le vaisseau intermembranulaire, puisque d'après lui les bouches béantes de celui-ci sont placées à la partie interne de ces orifices respiratoires? Or, il sait, aussi bien que moi, que ces insectes sans stigmates sont les larves aquatiques à branchies. Celles des Aeshnes et des Libellules ont ces branchies dans les parois internes du rectum où elles offrent la plus élégante symétrie. Celles des Agrions, des Éphémères, des Phryganes, du Sialis, des Stratiomes, des Éphydres sont externes, tantôt sous la forme de lames assez larges, tantôt sous celle de pinceaux, de houppes, de scies ou de lamelles. Et quelle bonne fortune vient encore tout récemment s'offrir à mes regards surpris! Depuis le célèbre De Géer personne, que je sache, n'avait observé directement cette singulière chenille aquatique de l'Hydrocampa stratiotella, qui lui a inspiré un si intéressant mémoire. Et bien, cette chenille en apparence velue quoique constamment immergée, a en même temps des branchies piliformes et des stigmates ! Je ne cite là que les larves dans lesquelles j'ai moi-même porté le scalpel et qui seront sous peu le sujet d'une publication spéciale. Toutes ces larves ont une richesse prodigieuse de trachées et de tuyaux aéri

fères qui, dans les Aeshnes surtout, l'emportent en calibre sur ceux de tous les autres insectes. En un mot, ces larves ont une somme considérable de respiration. Leurs branchies, qui offrent avec celles des poissons une si admirable, si piquante analogie, extraient l'air de l'eau au moyen de lamelles et de capillicules d'une finesse qui surpasse tout ce que l'on peut imaginer et dont cependant mes lentilles microscopiques m'ont démontré la si merveilleuse disposition. Comment donc, je le répète, les vaisseaux sanguins de M. Blanchard puisent-ils, dans ces larves sans stigmates ou à stigmates coexistants avec des branchies, le liquide nourricier si abondamment épanché dans les cavités splanchniques pour le livrer à la circulation? L'objection me semble des plus graves. En présence des grands lacs nourriciers, en présence d'une façon de cœur dont les connexions avec le système vasculaire sanguin sont si mal établies, je ne vois, en admettant la doctrine de l'auteur précité, aucun moyen d'échapper à l'impossibilité d'une solution physiologique rationnelle.

M. Blanchard a directement injecté le vaisseau dorsal d'un insecte vivant en pratiquant une ouverture dans l'une de ses chambres postérieures (p. 373). J'admets et j'admire le fait. L'habile expérimentateur ne nous dit point si cette plaie au cœur, si cette transfusion d'une solution délétère de bleu de Prusse ont entraîné la mort soudaine de l'animal. Si celle-ci n'avait pas lieu, ce que je ne présume pourtant pas, quelle importance physiologique pourrrait-on accorder à cet agent central de la circulation?

Et puisque j'ai abordé la question de la valeur vitale de ce cœur, je rappellerai que dans mon mémoire académique, dont l'extrait seul a subi la critique de M. Blanchard, j'ai rapporté les expériences de M. Marcel de Serres qui prouvent que l'on peut déchirer, extirper le vaisseau dorsal sans

entraîner la mort. Récemment, j'ai pris une larve-nymphe d'Aeshne d'environ 6 cent. de longueur, et dont le vaisseau. dorsal offrait distinctement à l'œil nu ces alternatives subisochrones de contraction et de dilatation si hasardeusement décorées des noms de systole et de diastole. J'ai fait à ce cœur palpitant trois sections transversales, complètes en trois endroits différents et dans le même instant. Eh bien cette même larve a continué de vivre sous mes yeux dans l'eau et avec son agilité des semaines entières. Je livre au lecteur physiologiste ce fait, afin qu'il en déduise l'appréciation vitale de cet organe.

En poussant une injection bleue par une lacune abdominale, M. Blanchard a rempli le cœur, demeuré intact, par la voie des canaux efférents dorsaux (p. 377 et suiv. ). Qu'on y réfléchisse un peu sérieusement et l'on se convaincra de quelles difficultés s'accompagne la constatation de ce double fait. Je suis loin de le nier quoique de nombreuses injections ne m'aient jamais rendu témoin d'un semblable résultat. Mais j'ai le droit d'exiger qu'il soit rationnellement possible, et pour le revêtir de ce caractère, la tâche est plus que difficile. M. Blanchard adopte, et célèbre le vaisseau dorsal de M. Straus avec sa portion cardiaque et sa portion aortique, avec ses ouvertures, ses chambres et toute sa structure. Mais quand il s'agit de faire fonctionner ce cœur adoptif, il le complique de canaux efférents dont M. Straus n'a pas dit un mot, en sorte que la physiologie de ces deux partisans de la circulation est totalement dissemblable.

Je me suis déjà expliqué sur les connexions anatomiques de ces canaux avec les orifices cardiaques: je n'y reviendrai pas. Comment ceux-ci, que M. Straus dit munis de valvules propres à permettre l'entrée du sang et à empêcher sa sortie, peuvent-ils fonctionner à l'abord du liquide injecté, si

celui-ci n'a pas éteint le principe vital? Comment la sensibilité de ces ouvertures si adaptée, dans l'état normal, à l'impression du sang vivant et circulant, s'accommoderait-elle. du contact brusque d'un liquide inerte, irritant et délétère? Et si l'animal a été mortellement asphixié, comment ces soupapes qui ne peuvent plus jouer à cause de la perte de leur ressort vital, se prêtent-elles à l'introduction du liquide injecté et s'opposent-elles à sa rétrocession?

Et qu'on n'arguë point d'une circulation vasculaire par la présence des globules du sang soit dans le corps même des trachées, soit dans les fibres du vaisseau dorsal, soit dans les appendices les plus déliés (p. 376 ). L'objection ne saurait être sérieuse. En effet, est-il nécessaire de répéter que tous ces tissus organiques ou plongent dans la grande piscine nourricière, ou sont en contact de toutes parts, avec les éléments nutritifs et réparateurs, avec le sang épanché ou infiltré? N'avez-vous pas toujours dit que dans la tête de l'insecte, le cœur laisse échapper le sang qui s'épanche dans les lacunes splanchniques, que de ces lacunes il se porte aux vaisseaux circulatoires par les bouches péristigmatiques et au vaisseau dorsal par les canaux efférents? Ce liquide est donc sang partout, et quel miracle qu'il soit partout composé de globules sanguins !

Jusqu'ici, comme on a pu s'en convaincre, j'ai accepté, toutefois à bénéfice d'inventaire, l'appareil circulatoire de M. Blanchard, son cœur et ses vaisseaux tels qu'il nous les a donnés. Ma critique s'est principalement exercée sur le mode des fonctions, sur les résultats des expérimentations, sur la manière de les interpréter; elle a été presqu'exclusivement physiologique. C'est avec les propres armes de l'auteur que je l'ai combattu.

J'exposerai maintenant des faits qui sont miens et des

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