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touche à la science et à tant de sciences, qui ne fait rien, ne s'appuie sur rien qui ne soit du domaine de la science, ne fût pas, lui aussi, une science et une science élevée ?

L'observation, l'analyse, le calcul, toutes les sciences naturelles et toutes les sciences physiques, ne sont-ce pas là ses éléments essentiels, inaliénables, quoique presque tous déguisés aux yeux de l'immense majorité des praticiens?

N'est-ce pas ainsi que la science médicale, qui a bien son nom propre, reconnaît pour éléments l'anatomie, la physiologie, la pathologie, la thérapeutique ?

N'est-ce pas ainsi que la philosophie serait impossible sans la logique et la métaphysique ? que l'astronomie le serait également sans la physique, l'arithmétique et la géométrie ?

Ah! Messieurs, ne privons pas l'agriculture de son vrai nom; elle l'a reçu bien tard, et alors seulement que la Théorie est venue lui prêter les pompes et la majesté de ses formes régulières. Mais rendons grâce à Dieu de ce que, dans une question de vie pour les sociétés humaines, il a permis que la pratique devançât de si loin la théorie. Et maintenant que la population accrue a diminué proportionnellement l'espace productif de sa subsistance, maintenant qu'il faut demander aux plus petits recoins de cet espace un accroissement de la production totale, Dieu a voulu que la théorie vint nous aider de ses ressources, en ouvrant la voie aux perfectionnements qu'introduit chaque jour dans nos champs une culture basée sur les principes de la science agricole.

Bordeaux, 23 Juin 1848.

CHARLES DES MOULINS.

XIII. COMPTE-RENDU détaillé de la Trente et unième Excursion annuelle de la Société Linnéenne. Notes critiques sur quelques faits de physiologie et sur plusieurs plantes nouvelles ou rares dans le département de la Gironde; par M. G. LESPINASSE, secrétaire du Conseil.

Le 29 Juin 1848, la Société Linnéenne a fait sa trente et unième Excursion annuelle. Le lieu de réunion était la plaine d'Arlac, berceau de notre institution, terre classique de la Botanique Bordelaise.

A son arrivée, la Société s'est divisée en trois sections, la première représentant l'Agriculture, la seconde la Botanique, la troisième les autres branches des Sciences naturelles.

A la rentrée des sections, M. Laterrade, notre vénérable directeur, ayant pris la parole, a retracé dans un exposé rapide les grands événements qui se sont accomplis dans notre patrie depuis la dernière Fête Linnéenne, puis rentrant dans le but de la réunion de ce jour, il a signalé plusieurs faits relatifs à l'histoire naturelle de notre département et a annoncé la découverte de plusieurs plantes nouvelles pour la Flore Bordelaise.

Un ancien élève de l'École botanique, le jeune Comme, a trouvé dans une riche excursion qu'il a faite le 24 et le 25 Juin sur les coteaux de Saint-Laurent, près de Bourg, deux plantes nouvelles pour notre Flore, le Coronilla minima, DC. et l'Ononis Columnæ, All.

Le Coronilla minima (DC. Fl. fr. 4, p. 608), figurait dans la première édition de la Flore Bordelaise. Cette espèce y avait été inscrite sur des renseignements assez inexacts pour qu'elle dût être supprimée par M. Laterrade dans les trois éditions suivantes.

Cette jolie plante parait habiter exclusivement les coteaux du calcaire crayeux. C'est sur un coteau de cette nature qu'elle a été trouvée à Saint-Laurent par M. Comme fils, et c'est aussi sur le calcaire crayeux qu'elle a été rencontrée pour la première fois dans le département de la Dordogne, à Blanchardie, par le savant M. Du Rieu de Maisonneuve (Ch. Des Moulins, Cat. plant. Dord., Act. Soc. Linn. Bord., T. XI, p. 226). Depuis lors, elle a aussi été trouvée par M. de Dives et d'autres botanistes du même département, dans de nouvelles localités, mais toujours sur le calcaire crayeux.

La première édition de la Flore Bordelaise l'avait signalée dans les terrains siliceux; mais, comme je l'ai dit plus haut, M. Laterrade n'attachait aucune valeur à cette indication qui a été infirmée par les recherches assidues faites vainement depuis cette époque dans les terrains de cette nature. Aucune des nombreuses Flores générales ou locales que j'ai consultées, n'indique les terrains sablonneux comme habitat de cette plante. Toutes, au contraire, la placent avec plus ou moins de précision sur les coteaux pierreux, calcaires, crayeux. etc.

Il paraît donc à peu près certain que le Coronilla minima habite exclusivement les coteaux du calcaire crayeux et que dans tous les cas, la silice est contraire à son développement. Ce sera donc dans le Nord et dans l'Est de notre département que les botanistes devront diriger leurs recherches s'ils veulent trouver cette plante dans quelque autre localité.

Sur les mêmes coteaux de Saint-Laurent, et le même jour, M. Comme fils, a découvert l'Ononis Columnæ ( All. ped. 1, t. 20, f. 5), O. parviflora (Lamk. dict.).

Bien différente de la plante dont nous venons de parler. celle-ci est à peu près ubiquiste, c'est-à-dire qu'elle ne pa

rait avoir de préférence pour aucune nature particulière de terrain, et quoique dans nos environs elle ait été trouvée seulement sur le calcaire, on la rencontre aussi sur les terrains siliceux des environs de Paris, sur les terrains volcaniques de l'Auvergne, sur les terrains granitiques, schisteux, etc., des Alpes et des Pyrénées, etc.

Le catalogue des plantes de la Dordogne, de M. Ch. Des Moulins donne l'indication suivante : « CC. sur les collines rocailleuses exposées au soleil, probablement dans tout » le département (Ribérac, Lanquais, Périgueux, sur le » terrain crayeux; Azerat sur le terrain jurassique) »

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Je suis entré dans quelques développements sur l'habitat de ces deux plantes, afin de rattacher les quelques renseignements, bien incomplets, il est vrai, que j'ai pu réunir, au travail si intéressant de notre honorable président M. Ch. Des Moulins sur la Station minéralogique et géologique des plantes.

A la suite de ces deux plantes nouvelles pour notre Flore, je dois signaler les espèces rares de notre département qui ont été trouvées dans de nouvelles localités.

Le Papaver somniferum, L. Cette plante d'origine orientale, a été cueillie par moi dans les vignes du coteau de Fronsac, où elle se trouve répandue sur une assez grande étendue de terrain. Elle paraît avoir tout-à-fait le caractère spontané. Placée sur un côteau élevé, exposé au Sud-Est, elle est fort éloignée des maisons et des jardins les plus voisins, qui sont tous au-dessous d'elle, et son développement a même quelque chose de véritablement spécial; ainsi la capsule qui, dans l'état de culture est fort volumineuse, n'a guère plus de 7 à 8 millimètres de diamètre, et la tige quoique très-robuste est haute à peine de 3 à 5 décimètres. De loin, on croirait voir un pied vigoureux de Papaver Rhaas à pétales rosés.

Dans un bois, à Pessac, se rencontre abondamment l'Helianthemum umbellatum. Desfr., qui n'a été indiqué jusqu'ici qu'à Arlac.

M. Batar a rapporté de Gensac le Coriaria myrtifolia, L. Quelques amateurs ont cueilli à Blanquefort le Sparganium natans, L., que nous ne connaissions dans la Gironde qu'à l'étang de Cazeaux.

Dans les premiers jours de Juillet, deux plantes du Libournais ont été trouvées le Malva moschata, L., par le jeune élève Eugène Ramey, près de l'église Saint-Seurin dans l'enclos de la propriété dite le Château du diable, et le Calamagrostis epigeios, Roth., par moi à Villenaved'Ornon sur un petit tertre calcaire-alumineux, exposé au midi. Cette plante a aussi été trouvée, il y a peu de temps, à La Teste, par M. Chantelat, qui en a envoyé des échantillons à Bordeaux.

Dans une excursion récente que j'ai faite à Pompignac, j'ai pu noter encore quelques faits assez curieux. Ainsi, j'ai trouvé en abondance dans les guérets des terrains calcaires un peu maigres, l'Iberis amara, L., le Stachys annua, L., et le Thymus acinos. Mais, ce qui est plus important, c'est que j'ai acquis la certitude, par les échantillons à fruits mûrs que j'ai pu cueillir, que nous possédons dans le département et même assez commun, le Bupleurum protractum, Link, qui y avait été confondu jusqu'à ce jour avec le Bupleurum rotundifolium, L., beaucoup plus rare chez nous et que je ne possède que du département de Lot-et-Garonne. Ces deux espèces qui, au premier abord, ont beaucoup d'analogie, sont cependant parfaitement distinctes; un des caractères principaux qui empêche de les confondre, c'est que le Bupleurum rotundifolium a le fruit finement strié, tandis que le Bupleurum protractum a le fruit rugueux tuberculeux.

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