Page images
PDF
EPUB

X. RAPPORT de la Commission chargée de l'examen géologique des terrains mis à nu, à Lormont, par les travaux du Chemin de Fer de Bordeaux à Paris.

Le 11 Novembre 1847, la Commission déléguée par la Société Linnéenne pour examiner les terrains mis à découvert par le tracé du Chemin de Fer de Bordeaux à Paris, s'est rendue à Lormont, munie d'une lettre de M. l'Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées. Elle s'est présentée au bureau de MM. les Ingénieurs chargés de la direction de cette partie des travaux; libre accès lui a été donné dans les emplacements traversés par la voie de fer, le chemin étant du reste ouvert à tout le monde.

Les coteaux de la rive droite de la Garonne, vis-à-vis Bordeaux, ne présentent à l'observateur que deux formations une portion de la vaste nappe de sables et graviers ferrugineux qui forme constamment la couche superficielle des hauteurs de l'Entre-deux-Mers, et les puissantes assises tantôt calcaires, tantôt argileuses, qui constituent le terrain nommé Calcaire de Bourg ou Calcaire à Astéries. La Commission n'avait donc pas espéré avoir à constater des faits relatifs à la subordination générale des grandes masses minérales du bassin de la Gironde; son but était d'analyser les faits de détails toujours intéressants lorsqu'il s'agit d'une formation aussi importante que l'est celle du calcaire à Astéries.

C'est par l'examen de cette longue coupure presque verticale qui s'étend en amont du grand tunnel du chemin de er, que la Commission a commencé ses observations. — L'assise la plus inférieure mise au jour, consiste en un cal

caire marneux bleuâtre, peu consistant, se délitant aisément par l'exposition à l'air, sur lequel est tracée la portion de la voie située en deçà du passage souterrain. Cette couche n'est apparente que sur un petit nombre de points; elle doit néanmoins avoir une assez grande épaisseur, comme le fait conjecturer la masse considérable de matériaux qui en ont été retirés dans les travaux de nivellement. -Elle contient une assez grande quantité de polypiers et de traces charbonneuses de tiges de végétaux; voici, du reste, la liste des fossiles qui y ont été recueillis.

Branches et ramules de bois dicotylédons.

MADREPORA......

CARYOPHYLLIA... ( CCC. On les trouve parfois jaunes dans la roche. bleue ),

MILIOLITES..... CC. dont plusieurs très-grosses.

CORBULA REVOLUTA. Bast.

LUCINA..... (Paraît être un individu de petite taille de L. gigantea. Desh.

VENUS RETICULATA ? Lamk.

CARDIUM...... ( Assez plat et à côtes longitudinales).

PINNA......

PECTEN........... ( A test très-blanc, à côtes nombreuses et perlées ). NATICA COMPRESSA? ( Ampullaria, Bast.), présentant des traces ferrugineuses de la disposition zigzaguée de ses couleurs). PHORUS....... Montf. d'Orb. ( Trochus Benettiæ, Sow.).

-

Le reste de l'escarpement, dont la hauteur moyenne est de 10 à 15m, est formé par un calcaire blanc jaunâtre, terreux, friable vers le bas, sans fossiles. Ce calcaire acquiert un peu plus de solidité vers le haut et présente alors une structure concrétionnée ou grossièrement pisolithique ; quelquefois la forme arrondie des concrétions disparaît et la roche n'est plus alors que simplement fragmentaire. Cette manière d'être est générale dans les assises inférieures des calcaires jaunâtres des coteaux de la rive droite de

la Garonne vis-à-vis Bordeaux. En vertu de cette structure et de la nature terreuse de la roche, les eaux pluviales se frayent aisément un passage jusqu'aux assises marneuses inférieures où elles donnent naissance à un niveau d'eau assez constant. Les canaux quelquefois assez larges dans lesquels s'opère cette circulation sont faciles à suivre ; la plupart sont remplis d'un limon très-fin qui les a souvent entièrement obstrués et qui est le résultat de la sédimentation des particules extrêmement atténuées que les eaux entraînent avec elles sur leur parcours (1).

Outre ces fissures qui se forment actuellement, les calcaires jaunâtres sont quelquefois traversés par de larges puits dont l'origine remonte aux temps géologiques. On peut en observer un exemple remarquable un peu avant l'entrée du tunnel de Lormont. La masse des calcaires terreux concrétionnés y est traversée dans toute son épaisseur par une fente large de 3 à 4 mètres, comblée par les graviers et les cailloux de la partie supérieure des coteaux. - Ces cailloux agglutinés par des matières diverses, argileuses ou calcaires, forment ici une sorte de poudingue grossier qui acquiert dans certains endroits une assez grande solidité.

Au-delà du tunnel, les assises marneuses ont été entamées sur une assez grande épaisseur. La couche la plus inférieure est ici une argile verdâtre pyriteuse, dans laquelle un examen attentif n'a fait découvrir aucune trace de fossiles. Le sulfure de fer y est disséminé en très-petits cristaux

[ocr errors]

(1) Les canaux dans lesquels circulent les eaux qui donnent naissance aux sources, sont fréquents dans toutes les formations calcaires; on peut les observer dans le calcaire à Astéries de La Roque, Saint-Macaire et d'une foule d'autres localités, ainsi que dans la craie jaune supérieure des environs de Bergerac, à Lanquais, etc.

J. D.

ou bien sous forme de cylindres rameux, creux à l'intérieur, formés par la réunion de cristaux octaédriques assez gros. - Vers le haut, l'argile verte se mêle de taches blanches à contour anguleux, qui lui donnent un aspect panaché sur une épaisseur de 50 ou 60 centimètres. Cette argile à marbrures blanches est surmontée elle-même par une marne d'un vert brunâtre, dans laquelle on trouve une assez grande quantité de miliolites et rarement des moules de Natica maxima et des côtes de cétacés.

C'est au-dessus de cette dernière assise que commencent les calcaires jaunes supérieurs. Ils présentent ici la structure concrétionnée déjà décrite; vers le haut, leur contexture devient plus unie et ils peuvent être alors utilisés comme moëllon. Les fossiles y sont toujours rares; les espèces suivantes y ont pourtant été rencontrées :

MILIOLITES...... Moins abondantes et plus petites que dans le banc

bleu.

NUMMULITES? (ou genres voisins). Quelques individus dans les détritus de la roche.

SERPULA (ou Spirorbis ?? ¦ Traces sur les concrétions jaunes.
NATICA MAXIMA .Grat.

TURBO PARKINSONI, Bast. - Rare et en mauvais état.

CERITHIUM....... ( Peut-être plusieurs espèces, fort rares et de petite taille ).

En résumé, ces diverses assises donnent la coupe suivante en allant de haut en bas :

1.° Calcaire blanc ou jaunâtre formant toute la partie supérieure de l'escarpement

2. Marne vert-marron, avec Miliolites, Natica maxima, traces de végétaux, côtes de Lamantin; 2 m.

3. Marne verte panachée de blanc; 1 m.

4. Argile verte, pyriteuse, sans fossiles; 3 m.

Au N. N. E. des tranchées qui ont permis d'établir les coupes précédentes, et au-delà d'un petit tunnel en voie

de construction, on observe une coupure de terrain qui peut donner un excellent exemple de ces alternances de marnes diversement colorées et plus ou moins argileuses qui constituent la partie inférieure des côteaux de Lormont. Les couches s'y succèdent dans l'ordre suivant en allant de haut en bas :

1. Cailloux roulés disséminés dans un gravier ferrugineux. Epaisseur variant entre 20 cent. et 1 mètre.

2. Calcaire jaunâtre passant inférieurement à l'assise suivante: 1 mètre.

3. Marne d'un vert brunâtre.

4.o Calcaire marneux blanchâtre à parties lavées de vert 1 50. Au milieu de cette couche on observe une veinule sinueuse verdâtre de 10 ou 15 cent. d'épaisseur, passant supérieurement et inférieurement au calcaire blanc. 5.o Marne verdâtre, 20 cent.

6. Calcaire marneux blanchâtre à infiltrations ferrugineuses, 50 cent.

7.o Marne verdâtre avec lit de marne blanche à marbrures vertes, 4 mètr.

Cette coupe diffère sensiblement de celle précédemment donnée. On peut y remarquer cependant que l'assise de marne colorée en vert brunâtre est la même que celle dans laquelle a été trouvée la Natica maxima. Le calcaire marneux à veine verdâtre pourrait alors correspondre à la couche panachée, tandis que l'argile pyriteuse serait représentée par les couches verdâtres inférieures. Du reste, il est difficile d'établir d'une manière positive la subordination de subdivisions aussi peu importantes que celles dont il s'agit; ce ne sont ordinairement que des accidents locaux qui n'offrent rien de constant et qui représentent probablement des manières d'être diverses de la grande assise marneuse sur laquelle reposent les calcaires jaunes supérieurs.

Nous avons vu le calcaire jaunâtre recouvrir constamment des assises marneuses diversement colorées; quoique

« PreviousContinue »