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Ces dessins faits d'après nature, sont dùs à l'obli– geante amitié de M. Alexandre Laboulbène, jeune entomologiste de la plus grande espérance; je le prie d'agréer ici l'expression de mes remercîments.

Je dois aussi les lithographies à la plume, à la bonté de M. Adolphe Magen, chimiste distingué.

ESSAI SUR LE BULIME TRONQUÉ.

Les Bulimes appartiennent à la classe des Gastéropodes, famille des Trachélipodes terrestres vivant à l'air libre.

Les caractères du genre sont : Animal: limaciforme rampant sur un pied elliptique, allongé; collier charnu entourant le cou. Tête en forme de muffle; quatre tentacules dont les deux postérieurs plus grands et oculés au sommet. Génération hermaphrodite.

COQUILLE turriculée, lisse ou légèrement striée, épidermée ou non. Ouverture plus haute que large, ovale, entière. Columelle plissée ou non, lisse, et sans troncature à la base.

Presque tous les bulimes, indigènes sont de couleur cornée plus ou moins foncée, sauf les deux espèces, acutus et ventricosus qui sont quelquefois ondées de zones foncées tranchant sur un fond gris.

Les Bulimes exotiques, sont au contraire variés de couleurs fort agréables, et forment une des parties les plus riches des collections.

Tous habitent de préférence les endroits ombragés et humides, ne sortant guère que la nuit, ou pendant les jours pluvieux de la belle saison, s'enfonçant dans la terre pendant le jour.

Pendant l'été de 1842, je recherchais les mollusques qui vivent dans nos eaux douces et dans nos campagnes, pour les comparer avec les coquilles fossiles, que m'offraient les calcaires exploités pour les travaux du pont-canal. Ce fut lors d'une excursion que je fis près le Bédat, (1) que je me procurai le Bulime tronqué vivant que je n'avais trouvé jusqu'à ce jour que mort, dans les alluvions de la Garonne où il est très-abondant (2). Il m'était d'autant plus difficile de me le procurer, que l'animal s'enfonce dans la terre pendant les journées sans pluie et que j'ignorais cette particularité.

J'en trouvai huit que j'emportai avec soin.

Arrivé chez moi, je m'empressai de les mettre sur une caisse remplie de terre dans laquelle végetaient quelques belles de nuit (Mirabilis Jalapa). Cette caisse était située au deuxième étage, sur une petite terrasse très-exposée à la chaleur. Je recouvris mes Bulimes avec une gaze métallique et je leur donnai des feuilles de plante en décomposition.

Ils mangèrent pendant deux nuits avec beaucoup d'avidité; ils étaient pendant toute la journée au contraire enfoncés verticalement en terre de manière, quelquefois à disparaitre complètement. Je m'aperçus en les retirant que plusieurs avaient cloisonné l'ouverture de leur coquille avec une sorte d'épiphragme calcaire d'une couleur brillante et blanche (Pl. II. fig. 6). J'avais soin d'humecter la terre de la caisse et de la tenir dans le même état de chaleur humide pour que mes mollusques pussent aller et venir sans être incommodés par la dureté de la surface.

(1) A un quart d'heure d'Agen, sur la route de Bordeaux. (2) On en trouve généralement beaucoup plus de jeunes que d'adultes. Je pense que c'est à cause du moins de profondeur où sont plongés ces premiers.

Le lendemain vers sept heures du soir, je renouvelai mon expérience en retirant un de mes Bulimes pour savoir comment il se déferait de son épiphragme.

Il resta un instant engourdi et sans mouvement; ce ne fut que vers sept heures trois-quarts, que je vis l'épiphragme se mouvoir, sé détachér lentement et tomber. L'animal se mit alors à ramper allant droit aux détritus que deux dévoraient depuis un moment.

Plusieurs de mes Bulimes, je l'ai déjà diť, avaient un épiphragme, d'autres n'en avaient point et cependant ils restaient tous plongés dans la terre. J'ignorais alors la canse de cette singularité et ne m'en rendis compte que plus tard. Du reste, j'en parlerai en son lien.

Mes Bulimes étaient, sauf deux, arrivés à leur entier accroissement; aussi je ne pus observer qu'une fois le procédé qu'ils mettaient en usage pour briser leur coquille et encore mon observation ne me satisfit-elle pas pleinement. (24 Juillet).

Alternativement et selon l'humidité plus ou moins intense les Bulimes forçaient leur épiphragme et sortaient de terre. Mes occupations étant moindres à cette époque de l'année, je pus consacrer à l'observation une partie du jour; mais ce furent les heures de nuit qui me furent les plus fructueuses.

Je pus les observer alors plus à mon aise au moyen d'une lampe dont je dirigeais la clarté sur eux avec un abat-jour.

Je les vis sortir de terre, ramper quelques instants et s'arrêter enfin sur les plantes en décomposition que j'avais eu le soin de tenir à leur portée. Ils mangèrent avec avidité et après trois heures consacrées à leur repas, la majeure partie s'enfonça.

Le lendemain je remuai la terre pour m'assurer si la position verticale qu'ils avaient en s'enfonçant était toujours

la même. Je m'aperçus du contraire, car plusieurs avaient enfoui leur coquille suivant une ligne oblique, et d'autres gardaient une position presque horizontale. Je dois le dire pourtant, sur huit Bulimes que je possédais, cinq conservaient la position verticale et par suite se trouvaient plus profondément enfoncés que ceux dont la position était oblique, tandis que ceux enfoncés horizontalement étaient presque tous à fleur de terre. Je supposai d'après cela, que les premiers s'étaient enfoncés avant les seconds, et ainsi les seconds avant les derniers.

M. Brisson, parle, dans son Mémoire, de jeûnes périodiques que ferait l'animal lorsqu'il se sent suffisamment repu.

Pour bien me convaincre de la vérité de cette assertion, j'ai, à plusieurs reprises, marqué quelques individus, et je me suis aperçu qu'après plusieurs jours passés à manger, mes Bulimes s'enfonçaient sous terre, et c'était alors que, pour jeûner, ils fermaient l'ouverture de leur coquille avec l'épiphragme dont il a déjà été question. C'est donc lorsqu'il cherche le repos, et surtout qu'il se prépare à passer l'hiver, que l'animal se cloisonne ainsi.

Je m'aperçus, pendant les fortes chaleurs des mois de Juillet et d'Août, que mes Bulimes ne sortaient que rarement de leur retraite et mangeaient fort peu. Je soulevai la terre qui les recouvrait et ma joie fut grande quand je les trouvai chacun sur une pelote de petits œufs ronds et blancs. Je me hâtai de prendre un de ces œufs, je l'ouvris et j'y vis une petite coquille presque de la grosseur de l'œuf, avec un rudiment de spire, mais si gélatineuse qu'il me fut impossible de la conserver.

J'attendis encore quelques jours et je brisai avec précaution un de ces œufs, qui était exactement rond, et friable comme ceux des testacelles; sa circonférence n'excédait pas trois millimètres. (Pl. I, fig. 1).

La petite coquille qu'il contenait ressemblait, pour la forme, au jeune Maillot ombiliqué, ou à l'Hélice des rochers. (Pl. I, fig. 2).

Je la posai sur les détritus, espérant que l'animal marcherait et essaierait même de manger; mais, ni à l'œil nu, ni à l'aide de la loupe je ne pus voir faire un mouvement à mon jeune mollusque qui, le lendemain, était sec et mort.

Je suivis le progrès de l'incubation (1) pendant la première quinzaine d'Août. Tous mes Bulimes restèrent dans une inaction complète et se tinrent constamment sur leurs œufs.

Enfin, le 22 du même mois, entre sept et huit heures du soir, j'aperçus deux individus à peine éclos, et cependant marchant, les tentacules en avant, sur un plant de laitue que j'avais posé là, à dessein. Je les observai attentivement à la loupe, et pus m'assurer qu'ils cherchaient la laitue fraîche de préférence aux végétaux morts.

Ils avaient la même forme que les premiers que j'avais retirés de l'œuf; c'est-à-dire que la coquille était plus large que haute, conique, arrondie avec l'ouverture du dernier tour très-petite et fragile, comme du reste le sont toutes les coquilles non arrivées à leur entier développement. La spire se composait de trois tours; la couleur du test était jaunâtre et l'animal encore transparent, et gélatineux avait aussi cette couleur.

Le 24, sept petits sortirent de terre en tout semblables aux précédents. Armé de ma loupe, j'observai, quelques jours après, si aucune spire n'était ajoutée aux autres; il me fut facile d'en apercevoir une nouvelle, je vis que le diamètre était changé et que la forme tendait à devenir cylindrique. Cette rapidité d'accroissement cessa tout-à-coup et mes Bulimes se cachèrent quatre jours. (Pl. 1, fig. 3).

(1) L'animal s'est défait de son épiphragme avant l'incubation.

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