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Vit aux dépens de celui qui l'écoute :
Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute.

Le corbeau, honteux et confus,

Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus.1

LA FONTAINE.

LE LOUP ET LA CIGOGNE.

LES loups mangent gloutonnement.
Un loup donc étant de frairie
Se pressa, dit-on, tellement

Qu'il en pensa perdre 3 la vie :

Un os lui demeura bien avant 4 au gosier.

5

De bonheur pour ce loup, qui ne pouvait crier,
Près de là passe une cigogne.

Il lui fait signe; elle accourt.

Voilà l'opératrice aussitôt en besogne.
Elle retira l'os; puis, pour un si bon tour,

Elle demanda son salaire.

Votre salaire! dit le loup:

Vous riez, ma bonne commère !
Quoi ce n'est pas encor7 beaucoup

D'avoir de mon gosier retiré votre cou!
Allez, vous êtes une ingrate : 8
Ne tombez jamais sous ma patte.

1 qu'on ne l'y prendrait plus, that he would not be caught that way again.

de frairie, a merry-making.— The word frairie has become obsolete.

3 pensa perdre, nearly lost. 4 bien avant, very deep.

LA FONTAINE,

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LE compère1 Thomas et son ami Lubin
Allaient à pied tous deux à la ville prochaine.
Thomas trouve sur son chemin

Une bourse de louis 2 pleine;

Il l'empoche aussitôt. Lubin, d'un air content,
Lui dit: Pour nous la bonne aubaine!—3
Non, répond Thomas froidement,

Pour nous n'est pas bien dit; pour moi c'est différent.
Lubin ne souffle plus : mais, en quittant la plaine,
Ils trouvent des voleurs cachés au bois voisin.
Thomas tremblant, et non sans cause,

Dit: Nous sommes perdus !—Non, lui répond Lubin,
Nous n'est pas le vrai mot; mais toi, c'est autre chose.
Cela dit,5 il s'échappe à travers les taillis.
Immobile de peur, Thomas est bientôt pris:
Il tire la bourse, et la donne.

Qui ne songe qu'à soi quand sa fortune est bonne
Dans le malheur n'a point d'amis.

FLORIAN.

LE PAON, LES DEUX OISONS, ET LE PLONGEON.

UN paon faisait la roue, et les autres oiseaux
Admiraient son brillant plumage.

Deux oisons, nasillards, du fond d'un marécage,
Ne remarquaient que ses défauts.

Regarde, disait l'un, comme sa jambe est faite,"
Comme ses pieds sont plats, hideux.—

1 Le compère, Daddy.

2 louis;-a French gold coin, out of use now.

3 Pour nous la bonne aubaine, That is a capital prize for us.

• ne souffle plus, says nothing

more.

5 Cela dit, That being said (Having said this-Thereupon). 6 faisait la roue, was spreading his tail.

7 faite, shaped.

1

Et son cri, disait l'autre, est si mélodieux,
Qu'il fait fuir jusqu'à 1 la chouette.
Chacun riait alors du mot qu'il avait dit.
Tout à coup un plongeon sortit :

Messieurs, leur cria-t-il, vous voyez d'une lieue

Ce qui manque à ce paon : c'est bien voir,2 j'en conviens; Mais votre chant, vos pieds, sont plus laids que les siens, Et vous n'aurez jamais sa queue.

FLORIAN.

LA VIPÈRE ET LA SANGSUE.

La vipère disait un jour à la sangsue :

Que notre sort est différent!

On vous cherche, on me fuit; si l'on peut, on me tue;
Et vous, aussitôt qu'on vous prend,

Loin de craindre votre blessure,
L'homme vous donne de son sang
Une ample et bonne nourriture;

Cependant vous et moi faisons même piqûre.
La citoyenne de l'étang

3

Répond: Oh! que nenni, ma chère:

La vôtre fait du mal, la mienne est salutaire.
Par moi plus d'un malade obtient sa guérison;
Par vous tout homme sain trouve une mort cruelle.
Entre nous deux, je crois, la différence est belle:
Je suis remède, et vous poison.

Cette fable aisément s'explique:
C'est la satire et la critique.

1 fait fuir jusqu'à, frightens away even.

2 c'est bien voir, that is seeing well.
3 Oh! que nenni, Nay, nay.

FLORIAN.

LE LABOUREUR ET SES ENFANTS.

TRAVAILLEZ, prenez de la peine:
C'est le fond qui manque le moins.1

Un riche laboureur, sentant sa mort prochaine,
Fit venir 2 ses enfants, leur parla sans témoins.
Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l'héritage
Que nous ont laissé nos parents:

Un trésor est caché dedans.

Je ne sais pas l'endroit; mais un peu de courage
Vous le fera trouver: vous en viendrez à bout.3
Remuez votre champ dès qu'on aura fait l'août :'
Creusez, fouillez, bêchez; ne laissez nulle place

Où la main ne passe et repasse.

6

4

Le père mort,5 les fils vous retournent le champ,
Deçà, delà, partout; si bien, qu'au bout de l'an
Il en rapporta davantage.

7

D'argent, point de caché. Mais le père fut sage
De leur montrer, avant sa mort,
Que le travail est un trésor.

LA FONTAINE.

LA BREBIS ET LE CHIEN.

LA brebis et le chien, de tous les temps amis,
Se racontaient un jour leur vie infòrtunée.
Ah! disait la brebis, je pleure et je frémis
Quand je songe aux malheurs de notre destinée.
Toi, l'esclave de l'homme, adorant des ingrats,

1 Cest; that is, Le travail est.—
This line means that industry is
the safest resource, or capital.
2 fit venir, sent for.

3, vous en viendrez à bout, you'll manage it.

4 fait l'août, for fait la moisson, 'made the harvest' (as the harvest is generally made in August, août,

pronounce o).-This expression, faire l'août, is hardly used now.

5 Le père mort; that is, Le père étant mort-a Latin construction (the ablative absolute), very common in French.

6 vous, for you. This use of vous is emphatic and familiar. 7 en, for it.

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Toujours soumis, tendre et fidèle,
Tu reçois, pour prix de ton zèle,
Des coups, et souvent le trépas.
Moi qui tous les ans les habille,

Qui leur donne du lait et qui fume leurs champs,
Je vois chaque matin quelqu'un de ma famille
Assassiné par ces méchants.

Leurs confrères les loups dévorent ce qui reste.
Victimes de ces inhumains,

Travailler pour eux seuls, et mourir par leurs mains,
Voilà notre destin funeste !—

Il est vrai, dit le chien: mais crois-tu plus heureux
Les auteurs de notre misère ?

Va, ma sœur, il vaut encor2 mieux
Souffrir le mal que de le faire.

FLORIAN.

LE RENARD QUI A LA QUEUE COUPÉE.
UN vieux renard, mais des plus fins,3

Grand croqueur de poulets, grand preneur de lapins,
Sentant son renard d'une lieue,1

Fut enfin au piége attrapé.

Par grand hasard en étant échappé,

Non pas franc, car pour gage 5 il y laissa sa queue;
S'étant, dis-je, sauvé sans queue, et tout honteux,
Pour avoir des pareils (comme il était habile),
Un jour que les renards tenaient conseil entre eux :
Que faisons-nous, dit-il, de ce poids inutile,

Et qui va balayant 7 tous les sentiers fangeux ?
Que nous sert cette queue?

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Il faut qu'on se la coupe :

thorough fox which you would have known miles off.

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