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MISSION BELGE DU BENGALE OCCIDENTAL.

LE PÈRE ADRIEN GOFFINET, S. J.

SUITE ET FIN.

- Voir pp. 495 et 513.

III.

Mission des Sunderbunds (1868-1877).

Pour se rendre de Bombay à Calcutta, le P. Goffinet prit le chemin de fer du Nord de l'Inde : il rencontra,le 27 juin, dans la ville d'Agra, Mgr Steins, son supérieur, qui venait d'y arriver pour la consécration des nouveaux évêques d'Agra et de Patna (1).

Après avoir assisté à cette imposante cérémonie, il se hâta de poursuivre sa route. Il rentrait à Calcutta, chez ses confrères de St-Xavier's College, le 4 juillet 1868.

Le chapelain de l'armée d'Abyssinie avait bien mérité quelques semaines de loisir; mais l'infatigable missionnaire ne savait pas ce que c'était que le repos.

Dès la fin de juillet, nous le voyons entreprendre une œuvre nouvelle, qui allait l'absorber jusqu'à la fin de sa vie : la conversion des indigènes Hindous.

Devant aller au plus pressé, la mission belge du Bengale n'avait, pendant les dix premières années de son existence, pu travailler, autant qu'elle l'eût désiré, à cette difficile entreprise.

Mgr Steins résolut de pousser activement cette œuvre excellente, et, pour cela, il jeta les yeux sur le P. A. Goffinet.

Il y avait, dans le voisinage de Calcutta et dans les plaines arrosées par le Delta du Gange, de nombreux villages indiens; ils avaient autrefois reçu l'Évangile de la bouche des prêtres catholiques; mais, par suite du malheur des temps et du manque d'ouvriers apostoliques, on avait dû les abandonner depuis plus de trente ans, et ils étaient devenus la proie des missionnaires baptistes, On appelle cette contrée Sunderbunds ou pays des 24 Purgannahs. Aujourd'hui, après neuf ans de labeur, nous y voyons s'élever plusieurs paroisses catholiques, qui promettent de devenir (1) Cfr. Indo-European Correspondence, du 11 juillet 1868.

florissantes (1). Le P.Adrien Goffinet y fut l'ouvrier de la première heure; maintenant les PP. Delplace, Broërs, Högger, Henry, les parcourent et les cultivent avec un zèle infatigable. Les lecteurs des Précis historiques ont déjà eu connaissance de ces travaux (2), et nous comptons leur donner bientôt sur ces missions de plus amples détails.

En 1868, il s'agissait de tout recommencer à nouveau. Le 20 juillet, le P. Goffinet alla faire une première visite à Magrahaut, Nynaun, etc.; il s'assura qu'il y avait quelques chances de succès. Le 27, il fit une seconde visite dans ces parages, et le 10 août il alla s'établir provisoirement à Kushun-Mahmed, qu'il quitta peu après pour Koykhallee, dont il fit le centre de ses excursions, et d'où sont datées presque toutes ses lettres, jusqu'à son retour en Europe en 1877.

La grande affaire pour l'apôtre des Hindous est de parler facilement leur langue : le P. Goffinet, à l'âge de cinquante ans, se mit à étudier le Bengali avec une ardeur toute juvénile; son invincible constance et sa volonté de fer le mirent bientôt à même de parler couramment l'idiôme des natifs. Il profitait, pour cela de toutes les occasions: il assistait aux leçons qu'un catéchiste catholique faisait aux enfants; il étudiait jour et nuit; il s'entretenait avec les pauvres paysans. Enfin, il put utilement faire des excursions sur tous les points des Sunderbunds. Les Rapports qu'il envoyait à son Évêque et ses lettres à ses amis de Belgique sont pleins de détails intéressants sur les débuts de cette mission. Ces documents nous initient complètement à la vie du missionnaire du Bengale.

Ce qui nous frappe surtout, en les parcourant, c'est l'admirable patience, la résignation pleine d'espoir, le in spem contra spem de l'ardent missionnaire. Sans cesse aux prises avec mille difficultés, ne voyant avancer son œuvre qu'au prix de sacrifices tous les jours renouvelés, entravé de toutes manières par mille circonstances défavorables, l'héroïque missionnaire ne recula jamais(3). Il ne con

(1) Voir la Carte des chrétientés des Sunderbunds que nous donnons cicontre.

(2) Cfr Précis historiques, année 1875, pp. 502 et 531; ann. 1876, p. 140. (3) «At Koykhallee, dit l'Indo-European du 4 juillet 1877, he lived the most rigourous of lives,doing long journeys on foot, even denying himself the attendance of a servant, etc. We have never known a more unselfish man. »

naissait pas le découragement, et il savait d'ailleurs que, dans l'œuvre de l'Évangile, la croix, les contradictions, les souffrances, les insuccès apparents sont le présage infaillible de triomphes certains et de solides établissements.

Les bornes d'une courte notice nous empêchent de le suivre pas à pas pendant ces huit années de pénible et obscur travail dans les marais des Sunderbunds. Qu'il nous suffise de dire, que grâce à des démarches sans nombre, il put acheter un terrain à Koykhallee, y bâtir une chapelle, un Bungalow ou petit presbytère, une école, etc. (1). De là, comme d'un centre, il rayonnait seul dans tout le district, jusqu'à ce que le P. Delplace lui vint en aide en 1873.

La vie du missionnaire à Koykhallee était bien monotone : elle offrait un contraste parfait avec l'expédition d'Abyssinie. Voici comment d'ordinaire se passaient ses journées : nous extrayons au hasard quelques lignes de ses lettres.

« Le vendredi, jour de Noël, 1874, nous étions à Koykhallee une centaine de chrétiens, petits et grands, tous bien pauvres, mais contents, réunis pour célébrer la naissance du Sauveur du monde. Nous avons passé toute la journée ensemble jusqu'au soir, et nous avons mangé une chèvre, grand régal pour ce pays-ci. Les huttes de mes néophytes sont disséminées dans des hameaux païens à trois ou quatre milles de distance.

Aujourd'hui, j'ai à préparer au baptême une musulmane et deux hindous, et un enfant à baptiser. Je dois aller demain à Culpee, à quelques milles vers le sud je viens de le promettre à un homme qui est venu me chercher; son père et sa mère, qui sont catholiques, n'avaient pas vu de prêtre depuis trente ans quand j'ai été les trouver à mon arrivée ici, en 1868. A chaque instant, on vient me consulter, et ma porte est ouverte à tout le monde.

:

« Hier, dimanche, je n'ai pu dîner, c'est-à-dire manger mon assiette de riz qu'après le coucher du soleil. Comment cela s'est-il fait? Le voici le matin, j'ai eu à baptiser deux petits garçons, deux petites filles et un baby. Puis, les prières du matin en public et la sainte Messe. Ensuite, une vieille femme à baptiser avec toutes les cérémonies du rituel : cette femme, autrefois Hindoue et depuis assez longtemps chrétienne de nom, dans la secte des Baptistes, était restée sans recevoir le baptême. Après cela, j'allai visiter mes malades dans cinq hameaux et je rentrai chez moi au coucher du soleil. Un homme, venu d'une douzaine de milles, m'attendait : il s'appelle Madol-Kan, il est de race hindoue; mais il est devenu mahométan, comme tant d'autres, après la con

(1) Cfr. Indo-European Correspondence du 2 octobre 1869. Voir aussi : Report of a Bengalee school at Koykhallee. Calcutta. Cones, 1873.

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