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des libraires, des bijoutiers, des restaurateurs et des quincailliers. La ville de Calcutta est abondamment pourvue d'eau potable et possède des marchés renommés. L'administration est confiée à un conseil municipal; l'autorité de la police est un mérite dont la ville est justement fière. On prend un soin particulier pour assurer la salubrité de la ville. Le soir quand, du Maidan, on promène ses regards sur les larges rues de Calcutta splendidement illuminées dans toute leur étendue, on ne peut s'empêcher d'être frappé et comme ébloui de l'aspect féerique que présente alors la cité des palais: elle semble se couronner dans ce moment d'une majesté et d'un éclat qui efface les splendeurs des plus belles villes de l'Europe.

Ville des indigènes.

La ville noire s'étend le long du fleuve, à trois milles environ au nord de Calcutta, et fait le contraste le plus singulier avec la partie européenne. Son étendue est immense, et elle fourmille d'habitants. Les rues ront étroites, boueuses, dégarnies de pavés. Les maisons à deux étages sont construites en briques avec des toits plats arrangés en terrasse, mais le plus souvent ou n'y voit que de pauvres cabanes couvertes de petites tuiles avec des murs de jonc, de bambou ou d'autres matières combustibles. Par suite de cela. les incendies ne sont pas rares, mais ils ne peuvent nuire en rien au quartier européen, puisque le mode de construction l'a rendu entièrement inaccessible à l'incendie. Comme nous l'avons dit plus haut, les maisons s'y trouvent isolées les unes des autres dans un enclos entouré de murs; leur construction plus solide offre moins de prise à l'élément destructeur et si le feu éclate par malheur dans un de ces palais, leur isolement permet aux firemen de s'en rendre maîtres plus promptement et plus efficacement.

Conclusion.

Pour résumer en peu de mots tout ce que j'ai dit, soit en bien soit en mal, de la ville de Calcutta, je transcrirai ici la description de la cité des palais faite, au commencement de ce siècle, par Mir-cheer-ali-assor, ministre de Perse. Elle a été traduite en français dans L'Inde contemporaine par F. de Lanoye :

Calcutta, aujourd'hui la plus vaste et la plus peuplée des villes

de l'Inde, est agréablement située sur le bord du Bhagirati (1). Ses édifices variés, d'un genre d'architecture jusqu'au temps présent inconnu aux Indes, surpassent en beauté ceux de la Chine et d'Ispahan. On dirait que ses rues aplanies, bordées de maisons en briques jointes avec un ciment solide, sont des allées du célèbre jardin d'Irem. Dans le bazar, aussi symétrique qu'un album réglé, les échoppes sont sur deux lignes, comme des rangées de perles. Ici vous apercevez un joaillier, là un quincaillier, ailleurs un orfèvre. Les roupies et les pièces d'or sont en monceaux sur les comptoirs on les prendrait de loin pour des bouquets de narcisses. Les étoffes les plus belles, brochées et lamées d'or et d'argent, éblouissent comme l'éclair les regards qu'elles attirent....

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« Sur la rivière se croisent, se pressent d'innombrables navires de toutes les formes et de toutes les dimensions, attestant l'état florissant et prospère de la métropole moderne de l'Inde.... Malheureusement l'air de cette ville est humide et salin; les couleurs s'y altèrent promptement, le rouge surtout s'efface tout-à-fait; les sorbets, les sirops, les électuaires s'y corrompent et les substances les plus sèches s'y détériorent souvent. L'humidité est telle que le sol des maisons est toujours mouillé, que toutes les murailles sont salpêtrées jusqu'à deux ou trois coudées de hauteur et qu'aucun rez-de-chaussée n'est habitable.

« Parmi les édifices dont se glorifie cette capitale, on distingue la magnifique église des Arméniens. Ce monument vaste et majestueux fut bâti en 1724 de J.-C., par le prévôt des marchands arméniens. On y remarque une horloge, vrai chef-d'œuvre d'art et de génie.

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Il y a à Calcutta beaucoup de mosquées, mais une seule est digne de mention : les fidèles la doivent à un riche et pieux tailleur nommé Ramazina.

A une petite distance de la ville, du côté du midi, s'élève le fort William, bâti sous le gouvernement du colonel Clive, après la fameuse bataille de Plassey. Les armes et les munitions de tout genre y abondent, et grâce à l'entretien vigilant dont il est l'objet, cet édifice, qui a pour l'Inde entière la puissance d'un talisman, parait construit d'hier... A l'occident de ce fort majestueux et au

(1) Nom que les dévots hindous conservent à l'Hoogly.

delà de la rivière, s'étend, sur le bord de l'eau, le jardin botanique dont l'étendue est telle qu'on n'a pu l'entourer d'un mur de clôture.

L'imagination se perd au milieu de l'espace qu'il occupe et l'aile de l'esprit ne saurait le franchir. L'accroissement progressif des végétaux qui embellissent ce jardin, le premier du monde, a suivi celui de la puissance anglaise dans l'Inde; comme elle, il est à son apogée (1).

Après cet extrait, M. de Lanoye ajoute les réflexions suivantes :

< Cette description quasi officielle et qui, malgré l'emphase orientale de l'éloge, ne dissimule pas les revers de la médaille dont Calcutta abonde, est encore aujourd'hui, après quarante-cinq ans, assez applicable à cette grande cité. Située sur un sol plat et marécageux, peu différent, il n'y a pas plus d'un siècle, des Sunderbunds du voisinage, Calcutta offre peu de constructions parfaitement solides. Les crevasses, qui lézardent les maisons les mieux bâties, ne prouvent que trop le peu de cohésion du terrain. Il y a là, pour l'avenir de cette métropole, une menace réelle. Pour la frapper de la destinée de Gour (2), il ne faudrait qu'un de ces accidents qui ont signalé si souvent le cours capricieux du Gange: l'ouverture d'un bras nouveau, un changement d'équilibre dans le volume ou dans la répartition de ses eaux. Il suffirait, en effet, que l'Hoogly, à l'époque des inondations, inclinât sa masse fluviale un peu à l'orient, et la précipitât dans l'un des canaux d'irrigation qui font de Calcutta une sorte d'île, pour changer en une vaste mer les places où s'élèvent aujourd'hui les églises et les palais des maîtres modernes de l'Inde. »

(A continuer.)

M. DOOLEY, S. J.

(1) Statistique et histoire de l'Inde, par Mir-cheer-ali-assor. Calcutta, 1808. (2) Ce fut une révolution bien étrange que celle qui changea l'opulente Gour en un vaste désert. Le Gange baignait ses murs et en faisait le centre du commerce et des richesses de l'Indoustan. Tout-à-coup le fleuve, à la suite d'une inondation dont la mémoire s'est conservée, abandonna son lit pour se jeter à deux ou trois lieues plus à l'ouest, dans celui qu'il occupe aujourd'hui. Il y a de cela deux siècles et demi environ; tout ce qui faisait la grandeur et l'opulence de Gour s'en éloigna dès lors par degrés ; et le climat, achevant ce qu'eût fait sous d'autres latitudes la fureur des guerres ou des éléments conjurés, la superbe cité s'est évanouie sous les jungles et le gazon: ses ruines, auxquelles Rennel donne une étendue de vingt-huit kilomètres en longueur et de dix en largeur, n'offrent plus qu'un informe amas de décombres où les reptiles pullulent en paix, où le tigre et le rhinocéros ont leurs repaires. (L'Inde contemporaine par F. de Lanoye).

UNE MISSION EN CHINE.

Relations de la Mission de Nan-King (1) confiée aux religieux de la Compagnie de Jesus. Chang-Hai, imprimerie de la Mission catholique à l'Orphelinat de Tou-sai-vai. I, 1873-74. II, 1874-75.

C'est bien de la Chine, et d'une imprimerie catholique de la Chine, que nous recevons ces deux volumes in-8°, l'un de 155 pages, l'autre de 260, avec deux plans autographiés, l'un de Zi-ka-wei, et l'autre, plus étendu, de Chang-Hai. Bien plus, ces deux volumes seront suivis de plusieurs autres; en un mot, les Relations de la Mission de Nan-King prennent place parmi les publications périodiques.

Depuis longtemps les missionnaires caressaient ce projet ; comme ils le disent dans la préface, «les malheurs des temps, le manque d'imprimerie dans la Mission, la pénurie d'ouvriers évangéliques, dont tous les moments étaient comptés et consacrés au saint ministère, et à qui l'on ne pouvait confier d'autres charges, telles sont les principales causes qui ont retardé jusqu'à ce jour la réalisation d'une œuvre aussi importante. Aujourd'hui ces causes ont disparu, et nous serons heureux d'offrir à nos frères étrangers à la Chine, comme à ceux qui l'habitent, le récit de nos travaux et des bénédictions que Dieu daignera leur accorder. >>

Les premières pages de cette publication sont naturellement consacrées à faire connaître l'organisation de la Mission. Ces détails sont précieux. La plupart des lecteurs n'en avaient jusqu'ici qu'une idée confuse, et ne parvenaient pas à débrouiller les Tché, Scheou, Yang, Lou, Tsang, Nou, Ning, etc., qui abondent dans les récits chinois. Les lettres les plus intéressantes y perdaient le charme qui naît d'une localisation nette et précise. Les Relations nous mettent en pays de connaissance nous aurons désormais le plaisir de suivre les vaillants missionnaires dans leurs excursions, et de nous rendre compte de leurs travaux et de leurs succès.

Nos lecteurs nous sauront gré de leur mettre sous les yeux un extrait des tableaux que renferment ces deux volumes.

La Mission de Nan-King, placé sous l'autorité de Mgr Adrien Languillat, Vicaire apostolique, comprend deux provinces, celle de Nganhoué à l'ouest, et celle du Kiang-sou à l'est. La population, quoique diminuée par la rébellion des Tai-ping et les malheurs qui lui servirent de cortége, dépasse encore aujourd'hui 50,000,000 d'habitants, dont environ 89,000 chrétiens. Pour répondre aux besoins spirituels de cette Mission, le P. Foucault, supérieur, dispose de 56 prêtres européens,

(1) Le tom. I porte Nan-Kin, le tom. II porte Nan-King. C'est donc cette dernière forme qui est adoptée définitivement.

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B. Orphelinat de Cou-sai-vai.
D. Religieuses Aguxiliatrices.

E. Combeau de hi Ko Jao. F. Observatoire.

G. Cimetière des Chrétiens.

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