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» de Pologne, dit un historien (1), n'avait encore aucune ⚫ constitution fixe; tantôt, suivant la forme des gouverne» mens gothiques, il était moitié électif et moitié héréditaire; d'autres fois il semblait être une monarchie pure»ment héréditaire. Il paraît que les nobles et le clergé ne » se mêlaient de l'élection que dans les temps de trouble et lorsque l'ordre de succession éprouvait quelques difficultés. >>Il est difficile de deviner, ajoute plus loin le même auteur, » s'il y avait réellement des lois fixes en vigueur au sujet de » la succession au trône. Il paraît que les princes de la famille royale croyaient y avoir droit en vertu de leur naissance » et que la volonté du souverain, qui s'est choisi un succes» seur, leur paraissait plus solide qu'une élection faite par » les états...... D'un autre côté, les nobles pensaient que leur » élection donnait un meilleur titre que le droit de nais» sance, puisqu'ils refusaient d'élire et privaient de la souve‣raineté les princes qui ne leur accordaient pas ce pas ce qu'ils » demandaient. Au milieu de ces conflits de prétentions, les plus forts l'emportaient comme il arrive dans tous les gou

» vernemens! »

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Le sénat, composé de nobles et d'ecclésiastiques, était chargé d'aider ou plutôt de surveiller le roi dans l'administration du royaume : il accrut son pouvoir toutes les fois qu'il en trouva l'occasion et se le laissa ravir plus tard par les nonces. Selon l'opinion la plus commune, les états, c'est-à-dire les barons, les nobles et les évêques exerçaient l'autorité législative. De plus longs détails sur les institutions de cette époque seraient hasardés et n'offriraient aucun intérêt.

Les abus les plus odieux s'étaient introduits, nous l'avons déjà dit ; et les paysans, tombés sous le joug des nobles, étaient obligés de supporter tout ce que leur orgueil et leur avarice inventaient d'humiliant et d'onéreux; esclaves, ils étaient tenus de défyer leurs maîtres et leur suite dans leurs

(1) Williams, Histoire des gouvernemens du Nord.

voyages; pauvres, ils payaient des impôts considérables. Ils n'avaient pas même la consolation de transmettre leurs biens à leurs enfans; le seigneur du fief s'en emparait.

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Le règne de Casimir II, surnommé le Juste (1180), rendit au peuple quelques-uns de ses droits ce prince corrigea les abus les plus révoltans; mais il en laissa subsister beaucoup, soit que les préjugés de son siècle ne lui permissent pas de les voir tous, soit qu'il craignit d'irriter la noblesse qui dès-lors se montrait très-jalouse de ses prérogatives.

Pendant plusieurs siècles encore, l'histoire de la Pologne n'offre qu'un peuple dans l'esclavage, une aristocratie insofente foulant aux pieds les droits de l'humanité, des monarques sans pouvoir, et des dissensions perpétuelles. Au milieu des événemens, il faut saisir ceux qui sont dignes de quelque intérêt, ou qui méritent d'être remarqués à raison de leurs conséquences dans ce nombre, il faut compter l'établissement des chevaliers de l'ordre teutonique en Prusse, en 1230.. A cette époque, les Prussiens étaient encore barbares et ido¬ lâtres et les Polonais étaient continuellement exposés à leurs incursions. Conrad, duc de Masovie, qui gouvernait encore la Pologne, en qualité de tuteur du jeune roi Boleslas V, crut devoir appeler à son secours les chevaliers de l'ordre teutonique qui, chassés de la Terre-Sainte, s'étaient retirés à Venise. Leur grand maître Herman Salza promit de repousser les idolâtres. Le régent lui donna le château de Dorbrzyn avec ses dépendances, et, quelque temps après, lui céda le territoire de Culm et tout le pays situé entre la Vistule, la Mocra et la Drwencza,

Les espérances qu'on avait fondées sur le courage et la loyauté des chevaliers, ne tardèrent pas à s'évanouir; et dans plus d'une occasion, ces guerriers, qui par leur institution étaient dévoués à la religion et à l'honneur, qui por leur traité avaient promis d'être les défenseurs de la Pologne, se montrèrent pleins d'ambition, de dólayauté, et de barbarie; mais leur établissement sur les frontières du royaume

mérite d'être remarqué, surtout en ce qu'il a été, plusieurs siècles après, invoqué par la Prusse, comme lui donnant droit à une partie de la Pologne, ainsi que nous le verrons par la suite.

et

En 1320, Uladislas Lokietck monta sur le trône, reçut expressément le titre de Roi, qu'il a transmis à ses successeurs, et qui jusqu'alors n'avait pas été donné à tous les chefs de la nation polonaise (1).

La Silésie, comme nous l'avons déjà dit, continuait à être considérée comme fief de la Pologne; mais, en 1335, les petits princes qui gouvernaient cette province, se reconnurent vassaux du roi de Bohême. Tels sont les faits qu'il importait de remarquer jusqu'au règne de Casimir-leGrand.

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Ce prince monta sur le trône en 1333; son père, en mourant, lui avait laissé des instructions pleines de sagesse : « Si vous » mettez, lui dit-il, quelque intérêt à votre honneur et à » votre réputation, prenez garde de rien céder aux chevaliers de l'ordre teutonique et aux marquis de Brandebourg; > formez la résolution de vous ensevelir sous les ruines de » votre trône, plutôt que de leur abandonner cette portion » de votre héritage qu'ils possèdent, et dont vous êtes responsable à votre peuple et à vos enfans. Ne laissez pas » vos successeurs cet exemple de lâcheté qui suffirait pour » ternir toutes vos vertus, et la splendeur du plus beau règne. » Punissez les perfides, et, plus heureux que votre père, › chassez-les d'un royaume où la piété leur ouvrit un asyle; > car ils se sont souillés de l'ingratitude la plus noire. >>

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Ces paroles prophétiques peuvent servir de réponse aux manifestes publiés par la Prusse, lors des partages, et sous ce rapport elles méritaient d'être recueillies.

Casimir parut sentir mieux qu'aucun de ses prédécesseurs combien était odieux le joug qui pesait sur la nation, et

(1) Voy. Kock, tom. I, pag. 414, et Suprà, pag. 4.

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combien le pouvoir royal était faible devant cette aristocratie également ennemie du peuple et du roi. Il comprit aussi vraisemblablement que, pour rendre à la couronne quelque splendeur, il fallait s'unir au peuple, et, fort de cette position, résister à l'ambitieuse noblesse. Du moins sa conduite indique assez que tels furent ses calculs et ses vues. II 'diminua les droits et les prérogatives des nobles; il ordonna que désormais l'héritage du paysan, mort sans enfans, appartiendrait à ses plus proches parens, à l'exclusion du seigneur. Il permit à chaque paysan, maltraité par le proprié taire du fief, de vendre ses biens et de se retirer où il lui plairait, tandis que selon les anciens usages, tous les paysans qui naissaient dans le fief étaient esclaves, et ne pouvaient en sortir sans le consentement du propriétaire. Il défendit, sous les peines les plus sévères, aux proprétaires des fiefs. de donner leurs paysans en otages, ou comme des gages pour la sûreté des contrats.

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Ges réglemens étaient regardés par la noblesse comme des spoliations de ses droits; et, dans son ressentiment aveugle, contre le monarque, elle le nomma le roi des paysans; ainsi, en croyant lui adresser une injure, elle lui donnait le titre le plus honorable qu'un prince puisse recevoir.

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Casimir mourut en 1370; en lui finit la maison de Piast qui avait régné cinq cent vingt-huit ans sur la Pologne. If eut pour successeur son neveu Louis, roi de Hongrie, à qui il avait assuré la couronne de son vivant, én lé faisant reconnaître, par une diète tenue à Cracovie, en qualité d'hé ritier présomptif du trône.

L'avénement de Louis' est en lui-même un fait très-remarquable: c'est le premier exemple d'un prince étranger' appelé au trône de Pologne; et l'on peut faire remonter à cette époque l'origine du droit d'élection, tel qu'il a été établi depuis.

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Dans la diète où Louis avait été reconnu héritier du

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trône, on avait exigé de lui des concessions qui étaient en quelque sorte le prix des suffrages qu'on lui accordait. Ce prince promit, pour lui et ses successeurs, de décharger la, noblesse polonaise de tout subside, de ne rien exiger dans ses voyages pour l'entretien de sa cour, suivant les usages anciens; enfin il reconnut que désormais, la couronne serait élective, et que toute dignité donnée à un proprié➡' taire noble lui serait déférée pour la vie. L'acte souscrit par le roi a été regardé, par quelques auteurs comme l'origine des pacta conventa, dont nous parlerons plus tard (1)

Louis tint mal les engagemens qu'il avait contractés; il rétablit les impôts qu'il avait abolis; on se révolta contre son autorité, et, après un règne fort agité, il mourut en laissant, pour héritier désigné, son gendre Sigismond.

Les Polonais ne crurent pas devoir ratifier ce choix, et ils offrirent la couronne à Hedwige, fille de Louis, à condition qu'elle épouserait un prince agréable aux Polonais.

Jagellon, grand duc de Lithuanie, était l'époux que la nation destinait à sa reine; mais il paraît que celle-ci avait des vues ou des goûts différens. De graves auteurs se sont appliqués à rechercher si la reine de Pologne sacrifia son penchant pour Guillaume, due d'Autriche, à des considérations politiques, ou si elle oublia ses premières amours à la vue de Jagellon. Quoiqu'il en soit, elle consentit à épouser ce prince qui, de son côté, promit d'embrasser le christianisme, de soumettre ses sujets à cette religion et de réunir ses états à la Pologne. Par là, la Lithuanie, la Samogitie et une partie de la Russie devinrent des provinces polonaises.

(1) Cet acte est rapporté par Dlugoss,

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