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royaume de Pologne soit actuellement pour l'empire russe un aggrandissement bien profitable, car malgré les termes du traité, malgré le fait de la réunion des deux pays; les mœurs, les usages, les lois, et les anciens souvenirs distinguent, séparent et sépareront long-temps encore les deux nations. Des ministres et des souverains peuvent bien tracer des divisions, morceler des provinces, et réunir des peuples par des traités; mais il faut que le temps consolide les limites qu'ils ont posées et cimente les unions qu'ils ont prescrites. Le moment de l'union n'est pas encore arrivé pour la Pologne et la Russie.

L'empereur Alexandre a donné à son nouveau royaume une constitution qui repose sur des principes libéraux; mais il paraît que quelques obstacles se sont opposés à l'exécution parfaite de cette loi fondamentale. Il est donc permis de douter encore si les Polonais ont retrouvé une patrie.

CONSTITUTION

DU ROYAUME DE POLOGNE,

Décrétée par acclamation dans la séance du 3 mai 1791, et sanctionnée à l'unanimité dans la séance suivante du 5.

Au nom de Dieu, etc. Stanislas-Auguste, par la grâce de Dieu et la volonté de la nation, roi de Pologne, grand duc de Lithuanie, de Russie, de Prusse, de Mazovie, de Samogitie, de Kiovie, de Volhynie, de Podolie, de Poldachie, de Livonie, de Smolensko, de Servie et de Czerniechovie; conjointement avec les états confédérés en nombre double, représentant la nation polonaise.

Persuadés que la perfection et la stabilité d'une nouvelle constitution nationale peuvent seules assurer notre sort à tous; éclairés par une longue et funeste expérience sur les vices invétérés de notre gouvernement; voulant mettre à profit les conjonctures où se trouve aujourd'hui l'Europe et surtout les derniers instans de cette époque heureuse qui nous a rendus à nous-mêmes; relevés du joug flétrissant que nous imposait une prépondérance étrangère; mettant audessus de notre félicité individuelle, au-dessus même de la vie, l'existence politique, la liberté à l'intérieur, et l'indépendance au dehors de la nation, dont la destinée nous est confiée; voulant nous rendre dignes des vœux et de la reconnaissance de nos contemporains, ainsi que de la postérité; armés de la fermeté la plus décidée, et nous élevant au-dessus de tous les obstacles que pourraient susciter les passions; n'ayant en vue que le bien public, et voulant assurer à jamais la liberté de la nation et l'intégrité de tous les domaines; nous décrétons la présente constitution, et la déclarons dans sa totalité sacrée et immuable, jusqu'à ce qu'au terme qu'elle prescrit elle-même, la volonté publique ait expressément reconnu la nécessité d'y faire quelques changemens. Voulant

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que tous les réglemens ultérieurs de la présente diète soient en tout conformes à cette constitution.

I. Religion de l'Etat.

La religion catholique, apostolique et romaine est, et restera à jamais la religion nationale, et ses lois conserveront toute leur vigueur. Quiconque abandonnerait ce culte pour tel autre que ce soit, encourra les peines portées contre l'apostasie. Cependant l'amour du prochain étant un des préceptes les plus sacrés de cette religion, nous devons à tous les hommes, quelle que soit leur profession de foi, une liberté de croyance entière, sous la protection du gouvernement; en conséquence, nous assurons, dans toute l'étendue des domaines de la Pologne, un libre exercice à toutes les religions et à tous les cultes, conformément aux lois portées à cet égard.

II. Nobles terriens.

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Pleins de vénération pour la mémoire de nos ancêtres, honorant en eux les créateurs d'un gouvernement libre, nous garantissons, de la manière la plus solennelle, au corps de la noblesse toutes ses immunités, libertés et prérogatives, ainsi que la prééminence qui lui compète dans la vie privée comme dans la vie publique, et nommément les droits et priviléges concédés à cet état par Casimir-le-Grand, Louis de Hongrie, Uladislas Jagellon, et Witolo son frère, grand duc de Lithuanie, ainsi que par Uladislas et Casimir, tous les deux Jagellon, par Jean Albert, Alexandre et Sigismond; enfin, par Sigismond-Auguste, le dernier de la famille des Jagellon lesquels priviléges nous approuvons, confirmons et reconnaissons être à jamais irrévocables. - Déclarons l'état noble de Pologne égal en dignité à celui de tous les autres pays; établissons l'égalité la plus parfaite entre tous les membres de ce corps, non-seulement quant au droit de posséder dans la république toutes espèces de charges, et de remplir toutes fonctions honorables et lucratives; mais aussi, quant à la liberté de jouir d'une manière uniforme de toutes les immunités et prérogatives attribuées à l'ordre équestre. Voulons surtout que la liberté et la sûreté individuelles, la propriété de tous les biens, meubles et immeubles soient à jamais, et de la manière la plus religieuse, respectées dans chaque citoyen,

et mises à l'abri de toute atteinte, comme elles l'ont été de temps immémorial; garantissons solennellement que dans les fois à statuer, nous ne laisserons introduire aucun changement ou restriction qui puisse porter le moindre préjudice à la propriété de qui que ce soit; et que ni l'autorité suprême de la nation, ni les agens du gouvernement, établis par elle, ne pourront, sous prétexte de droits royaux ou tels autres que ce soit, former aucune prétention à la charge de ces propriétés prises dans leur totalité ou dans leurs parties. C'est pourquoi, respectant la sûreté personnelle et la propriété légale de tout citoyen, comme le premier lien de la société et le fondement de la liberté civile, nous les confirmons, assurons et garantissons, et voulons que, respectées dans tous les siècles, elles restent à jamais intactes.

Reconnaissons les membres de l'ordre équestre pour les premiers défenseurs de la liberté et de la présente constitution, et confions à la vertu, au patriotisme, et à l'honneur de chaque gentilhomme, le soin de les faire respecter l'une et l'autre, comme il devra les respecter lui-même, et de veiller surtout au maintien de cette constitution, qui seule peut devenir le boulevard de la patrie et le garant de nos droits communs.

III. Villes et Bourgeois.

Voulons que la loi décrétée par la présente diète, sous le titre dé nos villes royales déclarées libres dans toute l'étendue des domaines de la république, ait une pleine et entière vigueur; que cette loi, qui donne une base vraiment nouvelle, réelle et efficace à la liberté de l'ordre équestre, ainsi qua l'intégrité de notre patrie commune, soit regardée comme faisant partie de la présente constitution.

IV. Colons et autres habitans de la campagne.

Comme c'est de la main laborieuse des cultivateurs que découle la source la plus féconde de la richesse nationale comme leur corps forme la majeuré partie de la population de l'Etat, et que, par une suite nécessaire, c'est lui qui cons titue la force principale de la république; la justice, l'hu manité, ainsi que notre propre intérêt, bien entendu, son autant de motifs puissans qui nous prescrivent de recevoi

cette classe d'hommes précieuse, sous la protection immédiate de la loi et du gouvernement. A ces causes, statuons que, désormais toutes conventions arrêtées authentiquement entre les propriétaires et leurs colons, stipulant, en faveur de ces derniers, quelques franchises ou concessions, sous telles ou telles clauses, soit que lesdites conventions aient été conclues avec la communauté entière, ou séparément avec chaque habitant de village, deviendront, pour les deux parties contractantes, une obligation commune et réciproque, et cela, suivant l'énonciation expresse desdites clauses; et la teneur du contrat garant de cet accord, sous la protection du gouvernement. Ces conventions particulières et les obligations qu'elles imposeront, une fois qu'elles seront acceptées par un propriétaire de biens fonds, seront tellement obligatoires pour lui, ses héritiers ou les acquéreurs desdits fonds, qu'ils n'auront le droit d'y faire seuls et par euxmêmes, aucune espèce de changement. Respectivement, les colons ne pourront déroger à ces conventions, ni se dégager des obligations auxquelles ils se seront soumis de plein gré, quelle que soit la nature de leurs possessions, que de la manière et suivant les causes stipulées dans le contrat mentionné lesquelles clauses seront obligatoires pour eux, ou pour toujours, ou pour un temps, suivant l'énoncé dudit contrat.

Ayant, par ce moyen, assuré aux propriétaires des biensfonds, tous les émolumens et avantages qu'ils ont droit d'exiger de leurs colons; et voulant encore encourager, de la manière la plus efficace, la population dans les domaines de la république, nous assurons la liberté la plus entière aux individus de toutes les classes, tant aux étrangers qui viendront s'établir en Pologne, qu'aux nationaux qui, après avoir quitté leur patrie, voudraient rentrer dans son sein. Ainsi, tout homme étranger ou national, dès l'instant qu'il mettra le pied sur les terres de la Pologne, pourra librement, et sans aucune gêne, faire valoir son industrie de la manière et dans tel endroit que bon lui semblera; il pourra arrêter à son gré et pour le temps qu'il le voudra, telles conventions que bon lui semblera, relativement à l'établissement qu'il désirera former, sous clause de paiement en argent ou en main d'œuvre. Il pourra encore se fixer, à son choix, à la ville ou à la campagne; enfin il pourra, ou rester en Pologne, eu la quitter, s'il le juge à propos, après avoir préalablement

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