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» et que leurs décisions n'ont pas besoin pour être valides, d'être portées nemine contradicente, ainsi que celles des » diètes. On en distingue quatre espèces; la première, for» mée par le consentement du sénat et de l'ordre équestre, » n'a pour but que le bien de la patrie. On peut regarder • ces confédérations comme le grand conseil de la nation. > Elles ont cet avantage, que la puissance exécutrice s'y joint › au pouvoir législatif, et qu'elles ne sont pas exposées à être ⚫ dissoutes par l'opposition d'un seul nonce. Les autres con⚫ fédérations prennent leur source dans l'esprit d'indépen⚫ dance et de rébellion, qui malheureusement n'est que trop ‣ commun parmi les Polonais; elles sont tantôt formées par » la noblesse de quelque district, tantôt par l'armée. Ces ⚫ confédérations sont regardées comme illégales, jusqu'à ce qu'elles soient devenues assez puissantes pour forcer la na⚫tion entière et le roi lui-même à se réunir à elles. La pre» mière chose que fasse une confédération est de choisir un » maréchal. L'autorité de cet officier est aussi étendue que ⚫ celle du Dictateur à Rome; il nomme des juges, casse les » arrêts des tribunaux qui ne tiennent point leur autorité de » lui, dispose des revenus de la république et du roi, même › de ceux des évêques, bien plus respectés encore : il a le › droit de vie et de mort, et ses jugemens sont exécutés surle-champ. Cette énorme puissance est pourtant modérée › par celles des lieutenans qui accompagnent sans cesse le ⚫ maréchal et éclairent sa conduite. Souvent il s'élève plu› sieurs confédérations qui se déclarent mutuellement rebelles, et se livrent quelquefois des combats sanglans. La » confédération de l'armée est celle que forment les soldats » lorsqu'ils se soulèvent contre leurs chefs. Mais la plus dan› gereuse, sans contredit, de toutes ces confédérations, est ⚫ celle qu'on nomme Rokosz. Les Polonais ont emprunté ce › mot des Hongrois leurs voisins. Ceux-ci, lorsque l'état ⚫ était en danger, avaient coutume de s'assembler dans la plaine de Rokosz près de Pesth; ceux qui négligeaient de se

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» rendre à cette assemblée, étaient punis de mort. Les Polonais, à leur exemple, ont décerné les peines les plus sé» vères contre ceux qui ne se trouvent point au lieu indiqué » pour tenir le Rokosz. Ceux même qui sont au service étranger sont obligés de le quitter pour s'y rendre, et le » nom seul de cette confédération imprime la terreur. Ces > assemblées sont d'ordinaire tumultueuses, et ne se termi» nent point sans effusion de sang (1).

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On peut se former maintenant une idée exacte des confédérations de Pologne, dont la fédération de 1791 en France nous a offert une imitation.

Reprenons la suite des événemens.

On a beaucoup écrit sur les causes qui ont amené le partage de la Pologne et sur les troubles qui l'ont précédé ; toutefois il y a encore plusieurs points sur lesquels il reste de l'incertitude, mais l'opinion publique est fixée depuis longtemps sur la conduite des cours copartageantes. Personne ne doute plus que les trois souverains, en poussant leurs soldats sur le territoire polonais, en s'appropriant chacun les pays à sa convenance, n'aient fait un acte qui ne diffère d'un vol à main armée, que par la nature des objets injustement acquis, et par la grandeur des moyens mis en usage; personne ne doute plus qu'en invoquant de prétendus droits au moment où ils violaient tous les principes du droit des gens, ils n'aient fait qu'ajouter à la violence la plus odieuse, l'hypocrisie la moins déguisée.

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Les bornes de ce précis ne nous permettent que d'indiquer les événemens et de présenter les résultats, sans qu'il nous. soit possible de suivre pas à pas, dans tous ses détours, la marche d'une diplomatie machiavélique ; nous allons offrir. à nos lecteurs les faits principaux en les livrant à leurs méditations.

(1) Continuation de l'Histoire de Pologne de Solignac, par les auteurs de l'Histoire universelle, livre 26.

Après l'avènement de Frédéric Auguste III, la discorde continua à régner en Pologne; les moindres événemens étaient non pas la cause, mais l'occasion de mouvemens et de troubles les diètes s'assemblaient et se séparaient sans avoir statué sur les intérêts les plus pressans du pays; et ce qu'il y avait de pire dans cet état de choses, c'est que rien ne pouvait faire espérer un changement. Ces circonstances étaient favorables aux puissans voisins de ce malheureux pays. On commença à entrevoir à Saint-Pétersbourg, à Berlin et à Vienne, que l'on pourrait tirer avantage des troubles de la Pologne, et sans avoir encore de desseins bien arrêtés, on se prépara à profiter des occasions: il serait peut-être plus exact de dire que dès-lors on fomenta la discorde parce qu'on y trouvait ce double avantage d'affaiblir les Polonais, et de créer des prétextes pour intervenir dans leurs affaires. Le premier acte où l'on reconnaît ces intentions est une déclaration publiée en 1745, par l'impératrice de Russie. La diète de Pologne s'était assemblée en 1744, à Grodno; les premières séances avaient été calmes; mais l'union ne dura pas long-temps, Wilczewski, nonce de Wilna, accusa hautement les ministres du roi de Prusse, d'avoir corrompu plusieurs nonces et de les avoir engagés à rompre la diète par l'exercice du liberum veto, il ajouta qu'on lui avait offert trois mille ducats et une commission de colonel, pour se joindre à ces lâches députés qui venaient de vendre leur conscience et de trahir leur pays, il offrit enfin d'affirmer par serment tout ce qu'il avançait.

La diète se sépara; on éclata en reproches contre la maison de Brandebourg, et dans tous les partis on commença à former des confédérations. C'est dans ces circonstances que le cabinet de Saint-Pétersbourg adressa au roi et à la république de Pologne la déclaration suivante :

« Comme Sa Majesté impériale de toutes les Russies, en »sa qualité de bonne et fidèle alliée, ne cessera jamais de prendre part à la prospérité et au repos de la Pologne, ainsi

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qu'au maintien de ses franchises et priviléges, elle a dé⚫couvert avec beaucoup de déplaisir que des personnes mal intentionnées s'efforcent de liguer par des confédérations les principaux habitans de la république; elle se voit obligée de déclarer combien elle serait mécontente si ces désordres et ces troubles avaient lieu près de ses frontières. » Sa Majesté impériale étant trop intéressée à tout ce qui regarde la sûreté de Sa Majesté polonaise, le repos, le bonheur et la liberté de la république, et voulant donner à la nation polonaise une nouvelle preuve de son attachement et de ses intentions pacifiques, déclare au roi et à la république qu'elle ne souffrira jamais la moindre associa→ » tion ni innovation qui puisse tourner au préjudice de Sa Majesté le roi de Pologne, de la république ou des droits et des priviléges de la nation, et que, d'après ces principes, elle emploiera tous les moyens que la providence a mis ⚫ en son pouvoir.

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Les réflexions se présentent en foule en lisant un pareil acte, surtout lorsqu'on songe aux événemens qui l'ont suivi.

Les diètes eurent toutes le même résultat, Les intrigues du roi de Prusse, vainement dénoncées par les vrais amis de la patrie et par le roi de Pologne lui-même, rendirent les délibérations impossibles. Plus d'une fois le sang des nonces coula dans leurs assemblées, et enfin l'on vit les premières familles du royaume armer leurs vassaux et se faire la guerre. En 1756, le roi publia une proclamation pour la tenue d'une diète; il exhortait les Polonais à s'unir pour le bien de leur pays, et à mettre dans leurs délibérations plus de calme et de modération; d'ailleurs, il disait formellement que par leurs divisions ils favorisaient les projets d'un prince voisin qui cherchait par ses intrigues à ruiner la république.

La diète se rassembla, et se sépara après une séance où les nonces se battirent à coups de pistolet et à coups de sabre. Le roi de Prusse répondit aux insinuations du roi de Pologne en s'emparant de son électorat de Saxe. Fré

déric Auguste invoqua, aux termes des traités, le secours de la Russie et de l'Autriche. Les troupes russes entrèrent sur le territoire polonais pour aller attaquer le roi de Prusse : celui-ci prétendit que le passage accordé aux Russes lui donnait le droit de les combattre sur le territoire de la république; il y fit entrer ses troupes en 1760.

Deux partis se formèrent alors, et se prononcèrent, l'un, en faveur des Russes, l'autre, en faveur des Prussiens. Ce dernier était très-nombreux dans la grande Pologne; et en 1762, une confédération, dirigée contre les Russes, prit naissance dans cette province; l'impératrice commanda à ses soldats de marcher contre les confédérés, mais elle mourut avant l'exécution de ses ordres; et Pierre III, son successeur, ayant fait la paix avec le roi de Prusse, les troupes des deux puissances sortirent de Pologne.

Le règne du czar Pierre III fut de peu de durée : Catherine If lui succéda. Cette princesse adopta relativement à la Pologne le système que le roi de Prusse avait déjà mis en usage. Fomenter les troubles, diviser les Polonais pour les affaiblir et les opprimer, telle fut la pensée et le but des cabinets de Berlin et de Saint-Pétersbourg: l'élection du duc de Courlande, l'élection d'un roi de Pologne à la mort de Frédéric Auguste III, les troubles relatifs aux dissidens, voilà dans quelles occasions fut développé le plan que nous venons d'indiquer.

Jean Ernest Biron, Courlandais de basse extraction, s'était élevé à la dignité de chambellan de l'impératrice Anne; il était d'ailleurs son favori, et par son crédit il fut élu duc de Courlande en 1737, à l'extinction de la famille de Kettler. Depuis, Biron fut exilé en Sibérie; et après une longue vacance du duché, les états de Courlande élurent le prince Charles de Saxe, fils du roi de Pologne, d'après le désir manifesté par l'impératrice de Russie. Le nouveau duc reçut l'investiture du roi son père; car la Courlande était encore à cette époque un fief du royaume de Pologne.

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