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étrangères; et l'on verra ainsi se préparer la grande catastrophe qui l'a effacée du tableau des nations.

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La politique d'Etienne Battori avait trouvé, dans les cosaques, des alliés bien utiles à la Pologne; on eut l'imprudence d'en vouloir faire des esclaves; les résultats qu'on devait attendre d'une pareille conduite, se montrèrent sous Jean Casimir; les cosaques se détachèrent de la Pologne, se placèrent sous la protection de la Russie, et depuis cette époque ils ne cessèrent d'en inquiéter la république; unis tantôt aux Turcs, tantôt aux Tartares. A peu près dans le même temps, la souveraineté du duché de Prusse fut cédée à l'électeur de Brandebourg; les districts de Lavebourg et de Batow furent conférés à ce prince à titre de fief: Elbing et la Starostie de Draheim furent engagés pour une somme considérable; enfin, une grande partie de la Livonie, et les palatinats de Smolensko; de Séverie, de Czernichow, furent démembrés du domaine de la couronne,

SV.

Depuis l'introduction du liberum veto jusqu'à l'avénement de la maison de Saxe. 1652 à 1696.

A mesure que la république était dépouillée d'une partie de son territoire, des germes de division et d'anarchie se développaient dans son sein. On a déjà dit que l'élection du roi, et même les autres résolutions des diètes, devaient être prises, nemine contradicente. En 1652, un nonce crut qu'il avait le droit de protester contre tout ce qui avait été fait dans la diète, de le rendre nul par cette protestation, de se retirer, et de dissoudre l'assemblée de cette manière, en prononçant ces mots seuls, sisto activitatem ou veto. Tous les historiens s'accordent sur ce point, que cette prétention fut élevée par un gentilhomme nommé Sycynski, nonce du district d'Upita, en Lithuanie (1); mais certains auteurs (2)

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(1) Legnich, tom. II, pag. 215 — Bielski, an 1657, pag. Soo, (2) Notamment Harthnoch, 717.

rapportent cet événement à l'année 1672. Il est inutile, on le sent, de s'attacher ici à déterminer l'époque avec une pré cision rigoureuse; attachons-nous seulement au principe, et à ses résultats.

La protestation du nonce parut aux uns un ́excès de pouvoir, en ce qu'il n'avait pas reçu dans ses instructions le droit de la faire, d'où l'on concluait qu'elle ne devait avoir aucune influence sur les opérations de la diète. D'autres, au contraire, soutinrent qu'en donnant au veto d'un seul membre un pouvoir si étendu, on augmentait la liberté de tous, on assurait d'autant plus l'indépendance et les priviléges de la nation, qu'il suffirait d'un seul bon citoyen pour les défendre. Ce sentiment prévalut, et le principe a été confirmé depuis cette époque par une foule d'exemples et par des lois expresses. Cependant, à plusieurs reprises, on a vu les diètes réclamer contre le veto absolu, en indiquer les funestes conséquences, et même, en 1673, on décida expressément qu'il n'aurait d'effet que relativement à l'objet actuel de la délibération, circà legem; mais un amour aveugle de la liberté, et peut-être de perfides conseils persuadèrent aux Polonais que ce droit était le plus important et le plus sacré de tous; ils l'appelaient unicum et specialissimum jus cardinale, et le palladium de leurs libertés. On peut juger combien il paraissait précieux à la nation, par les expressions employées dans les lois qui le consacraient. Elles étaient ainsi conçues : « Le liberum » veto, qui donne droit d'opposition, étant le palladium de la liberté de cette république, nous le maintenons dans ⚫ toutes les diétines provinciales, et voulons qu'il soit toujours en vigueur dans toutes les assemblées publiques. » -(Code des lois, volume 6, an 1718, page 394, S 2.).

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Nous voulons que le liberum veto, droit précieux à » la liberté, ne soit affaibli dans aucune loi par des inter⚫prétations équivoques. »-(Constitution de la diète ordinaire en 1766.) — « Le liberum veto doit avoir aux diêtes toute sa

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»force, dès qu'il s'agit des matières d'état, parce qu'elles doivent toujours se décider à l'unanimité des suffrages. Or > tout citoyen présent à la diète aura la liberté, par sa seule >opposition ou protestation par écrit, de suspendre les délibéra❤tions sur les matières d'état et de la priver de toute son acti»vité. Constitution de la diète extraordinaire tenue à Varsovie, l'an 1767 et 1768, page 92, S, 17.)

Nous avons exposé l'origine, les progrès et la nature de ce fameux liberum veto, il n'est pas difficile d'en apprécier les effets. Jamais il n'a servi à faire du bien, et presque toujours il a empêché celui qu'on voulait faire ; il serait trop long d'énumérer les dissensions sanglantes dont il a été la cause. Plus d'une fois on a vu les membres d'une diète prévenir l'opposition d'un nonce, en le tuant, et l'on peut dire que dans ces assemblées, depuis l'introduction du liberum veto, on vota souvent à coups de sabres. Dans un tel état, l'autorité législative restait sans force ou du moins privée de la faculté d'agir; de là devait nécessairement résulter l'une de ces deux choses, ou l'anarchie ou le despotisme; car lorsqu'il n'existe pas de lois, il faut que chacun agisse selon sa volonté, ou que tous soient soumis à la volonté d'un seul.

Les écrivains les plus éloquens, les plus savans publicistes ont démontré les vices de la constitution de Pologne, ont indiqué les moyens de les corriger; mais les baïonnettes russes, autrichiennes et prussiennes n'ont pas laissé le temps d'éprouver l'effet des innovations proposées; elles ont rendu le repos à la nation polonaise, en lui ôtant l'existence.

C'est donc au règne de Casimir qu'il faut faire remonter la cause des malheurs de la Pologne, du moins c'est à cette époque qu'elle a commencé à se développer.

Ce prince, las des soins de l'administration et fatigué du poids de la couronne, abdiqua après avoir régné vingt

un ans.

La mésintelligence qui régnait entre les nobles polonais, ou peut-être un accord secret de ne choisir pour roi qu'un

homme incapable de vouloir et d'agir, fit élire Michel Viecnowiecki. Bientôt après, les victoires de Sobieski commencèrent à le rendre célèbre, et lui ouvrirent le chemin du trône où il fut appelé à la mort de Michel en 1674.

Sobieski si souvent vainqueur des Tartares et des Turcs, et libérateur de Vienne, n'eut cependant ni assez d'autorité ni assez d'ascendant sur les Polonais, pour empêcher les dissensions intérieures, et ce n'est pas sans étonnement qu'on voit ce capitaine si habile, ce guerrier si intrépide céder aux menaces des diètes et reculer devant le veto d'un nonce. On rapporte même que dans une diète, tenue à Varsovie en 1684, un gentilhomme, nommé Pack, parla avec tant d'insolence contre le roi et en sa présence, que celui-ci, dans son premier mouvement saisit son sabre, et le tirant à moitié dit à Pack : « Vous m'obligerez à vous faire sentir la force de mon bras. » Le hardi gentilhomme, imitant le geste du roi, répondit:«Vous vous souviendrez que quand vous étiez » mon égal, vous avez éprouvé ce que je puis faire avec celuici. Une pareille scène peint bien les mœurs du peuple, le caractère du monarque et l'esprit du temps.

En 1696, Sobieski mourut, et jamais il ne se présenta un plus grand nombre de concurrens à l'élection. Frédéric Auguste, électeur de Saxe, l'emporta sur ses rivaux.

S VI.

Maison de Saxe, 1696, jusqu'au partage de 1774.

Vaincu par Charles XII en Pologne, poursuivi en Saxe par les armes victorieuses des Suédois, Frédéric Auguste se vit contraint de céder le trône à Stanislas Lesczinski, et même d'écrire une lettre de félicitation à son rival sur son avénement.

La main qui avait placé la couronne sur le front de Stanislas ne put la soutenir, et après la bataille de Pultawa, Frédéric Auguste rentra en Pologne. Stanislas, chassé à son tour,

préféra ceder le sceptre que de le disputer au prix du sang des Polonais.

C'est en 1710 que Frédéric Auguste remonta sur le trône. Il y resta jusqu'à sa mort arrivée en 1733. Dans les dernières années de son règne on recommença les persécutions contre les dissidens, c'est le nom qu'on donnait aux protestans. En 1718, on refusa à Pietrowski, nonce de Wielun, le droit de voter à la diète parce qu'il était de la religion réformée. La diète de 1735 exclut, par des dispositions expresses, les protestans des charges et dignités dépendantes de la couronne, des nonciatures, des députations, des commissions, des starosties à juridiction, et plus tard ces réglemens furent déclarés lois fondamentales de l'état.

A la mort de Frédéric Auguste II, Stanislas Lesczinski revendiqua le trône. Il fut élu par une partie de la nation; soutenu par Louis XV son gendre, il voulut faire valoir ses droits les armes à la main; mais ses tentatives ne furent pas heureuses il se vit obligé de céder la couronne à Frédéric Auguste III, fils du dernier roi, que protégeait l'impératrice de Russie, et de se contenter du vain titre de roi de Pologne et duc de Lithuanie.

La grande catastrophe approche; et non-seulement les troubles intérieurs annoncent le renversement de l'Etat, mais déjà il est possible de prévoir tous les événemens qui doivent en entraîner la ruine. Avant de nous engager dans le récit de ces malheurs, arrêtons-nous quelques instans sur un point qu'il importe de connaître. Nous avons déjà parlé des confédérations, et nous avons essayé de donner une idée générale de ces associations singulières; mais au moment où elles vont avoir une si grande influence sur le sort de la Pologne, il convient de faire connaître leur organisation avec quelques détails. « Ces assemblées diffèrent des diètes, 1o en ce qu'elles sont rarement convoquées par le roi, et que le plus souvent même, leur but est d'agir contre ⚫le monarque; que les voix s'y comptent à la pluralité

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