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que, dans sa plus grande faiblesse même, il n'avait jamais entièrement abdiquées; et l'Italie, où la division du sol, la diversité des gouvernemens, la perfidie des cours et la turbulence des peuples laissaient tánt de chances favorables à deux partis, devint l'objet immédiat d'une querelle où primitivement elle ne se trouvait pas plus spécialement engagée que telle ou telle autre contrée de l'Europe.

Ainsi donc entre ces deux grandes prépondérances d'où la diplomatie fera naître l'équilibre européen, l'Italie aura désormais le rôle déplorable. d'offrir d'abord une conquête facile aux vues d'une domination ultérieure; elle verra la puissance qui voudra imposer son joug à l'Occident, toujours commencer par passer les Alpes et des lambeaux de son sol servir constamment de prix à la victoire. On se battra toujours chez elle, et presque jamais pour elle; toutes les calamités de la guerre accableront son territoire sans qu'elle en recueille jamais les grands résultats comme nation. Si elle éprouve encore des convulsions politiques, elles seront bien plutôt la suite de débats étrangers vidés dans son sein, que de ses vœux et de ses efforts pour recouvrer son antique indépendance; elle en sera venue à se considérer elle-même comme un de ces terrains vagues dont la possession est dévolue au plus fort ou au plus habile; de longues habitudes de soumission auront dénaturé le caractère de ses généreux citoyens, et produit un affaissement moral qui retardera long-temps sa régénération politique; et tel en effet doit être le sort de tout peuple qui n'a pas su changer le délire de l'indépendance en cette froide et inébranlable énergie qui seule peut écraser l'hydre de l'anarchie, et fonder les libertés publiques.

Il ne nous reste plus maintenant qu'à annoter en quelque sorte les faits principaux qui se rapportent à l'Italie dans cette grande lutte des maisons d'Autriche et de France.

Un Charles du Maine, comte de Provence, avait été le dernier rejeton de cette seconde maison d'Anjou, dont les

A

prétentions au trône de Naples avaient causé tant de trou-bies dans ce royaume; mort sans enfans en 1481, il avait -légué par un testament, à la couronne de France, ses possessions et ses droits. Louis XI s'était simplement emparé de la Provence. Charles VIII, jeune et ardent, appelé d'ailleurs en Italie par Louis-le-More qui, voulant avoir l'appui des Français pour consommer son usurpation, faisait sentir des fumées de gloire au monarque, pour employer une expression de Commines; Charles VIII, disons-nous, forma le dessein de conquérir le royaume des Angevins. On lui avait prédit que dans cette expédition, il vincere sarebbe difficule, è più difficile il conservare le cose vinte (1). Il reconnut la vérité de la seconde partie de cette prédiction; car s'étant emparé du royaume entier en 1495, cinq mois après, une ligue de tous les princes d'Italie se forma sous les auspices de la couronne d'Espagne; il fut obligé d'éva&cuer le royaume et l'Italie entière, n'emportant d'autres résultats de cette expédition, que le souvenir d'une entrée triomphale à Naples, et les lauriers de la journée de Fornoue qui avait sauvé les débris de son armée.

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Les expéditions des successeurs de Charles VIII, ne furent ni moins brillantes dans leurs commencemens ni plus - heureuses dans leurs résultats définitifs. Louis XII, petit-fils: de Valentine de Milan, revendiquant les droits de la maison * de Visconti, usurpés par les Sforces en 1447, à l'extinction des mâles de cette race, s'allia aux Vénitiens, conquit d'a'bord rapidement le Milanais avec leur secours, et se fit investir de ce duché par l'empereur Maximilien.

Un tel succès devait enfler les espérances du monarque. Les français étaient pleins d'ardeur; et les gouvernemens italiens montraient cette indécision dont il faut quelquefois savoir profiter pour décider le cours des choses. Louis voulut renouveler les tentatives de son prédécesseur, et il

(1) Guichardin, liv. I.

tourna ses armes vers Naples. Un Frédéric qui y régnait se sentant incapable de lui résister, suivit l'exemple qui lui avait été donné par son devancier, et invoqua le secours de l'Espagne.

Ferdinand, héritier de la maison d'Arragon, voyait réunies sous son joug les diverses monarchies de la péninsule ibérienne avec la Sicile distraite précédemment du royaume de Naples. Ce prince, à qui la postérité a conservé le surnom de catholique, accepta le rôle de protecteur de Frédéric, et il envoya des troupes sous les ordres de son grand capitaine Gonzalve de Cordoue. Des forteresses furent livrées aux Espagnols, et de toutes parts l'on se préparait à une défense vigoureuse. Mais tandisque le roi de Naples se livrait à la foi d'un parent et d'un allié de sa couronne le catholique signait un traité de partage avec la France. Les deux armées qu'on croyait sur le point de combattre, se réunirent donc pour occuper le royaume. Frédéric fut dépouillé; Ferdinand devint duc de Pouille et Calabre, Louis, roi de Naples et de Jérusalem; et la cour de Rome accorda l'investiture aux deux monarques, par une bulle qui, date de la 1" année du 16° siècle, en alléguant que le prince qu'elle déposait, avait, dans son infortune, invoqué l'alliance et le secours des Turcs (1).

Quelques années après cette révolution il y en eut une seconde qui expulsa de nouveau les Français de ce royaume dont ils avaient si souvent tenté la conquête. Ferdinand l'occupa tout entier, et il parvint enfin au but secret de ses négociations perfides, en recomposant pour la seconde fois la monarchie des Deux-Siciles.

Dans le nord de l'Italie, où la domination française se maintenait encore, Louis après avoir mis la république de Venise à deux doigts de sa perte par la ligue de Cambrai, vit quelques années après, sa fortune, échouer contre la sainte P

(1) Giannone, histoire du royaume de Naples, liv. XXIX.

TOME IV.

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ligue, où l'habile et hardi pontife Jules II avait su faire en trer, outre les états italiens, l'Espagne, l'Angleterre et les Suisses. Il dut céder aux forces réunies de ces puissances, et les lances françaises repassèrent encore les Alpes.

François Ier, qui suivit l'exemple fatal de ses deux prédé-' cesseurs, enleva une seconde fois le Milanais aux Sforces, qui y avoient été réintégrés; mais il avait un rival dangereux dans ce Charles-Quint, héritier des états et du génie astucieux de Ferdinand-le-Catholique. Cette première guerre, signalée d'abord par la gloire de Marignan, se termina par la défaite de Pavie, et le roi-chevalier alla signer à Madrid un traité par lequel il renonçait à toutes prétentions sur les deux états situés aux deux extrémités de l'Italie.

La paix de Madrid est de 1526. Une seconde guerre se termina en 1529 par le traité de Cambrai; une troisième, par une trève de dix ans en 1538; une quatrième enfin, en 1544, par la paix de Crespy. La France et la couronne étaient lasses de soutenir sans fruit de vaines et ruineuses prétentions. Il n'en fut question, après ce traité, que pour reprocher aux princes l'ambition qui avait coûté tant de sang et d'or au pays; on les oublia entièrement pendant les guerres de religion, et Philippe II, investi du duché de Milan par son père Charles-Quint, et maître du royaume des Deux-Siciles, attaché au sort de l'Espagne, comme héritage de la maison d'Arragon, fit peser son joug tyrannique sur ces deux états, et soumit, en quelque sorte, l'Italie entière à l'influence espagnole.

D'importans changemens dans les gouvernemens italiens signalent cette époque mémorable. La république de Florence avait chassé les Médicis. En 1525, Charles V les y rétablit peu d'années après avec le titre de chefs du gouvernement. Côme I affermit son autorité,et mit fin à l'existence simplement nominale de la république, en recevant du saint-siége, en 1569, le titre de grand duc. Ce titre lui fut confirmé, en 1576, par l'empereur, après de longues con

testations relativement au droit que s'arrogeait ainsi la cour de Rome, et moyennant la déclaration faite par ce prince, qu'il tenait sa nouvelle dignité de l'empire et non du saintsiége (1). Il nous semble que c'est là le dernier acte de cette suzeraineté séculière des papes en Italie, qui y avait occasionné, dans les siècles précédens, tant de troubles et de calamités.

Au nord de la Toscane, deux villes, Parme et Plaisance, avaient été démembrées, en 1545, de l'état romain et érigées en principauté par le pape Paul III en faveur de Farnèse son fils. Le nouvel état, malgré le scandale attaché à sa fondation, subsista comme fief héréditaire concédé par l'église jusqu'à l'extinction de la maison de Farnèse, en 1731.

Le règne de Charles-Quint est l'époque d'une régénération politique de l'ordre illustre de Saint-Jean de Jérusalem; dépouillés de l'île de Rhodes par Soliman-le-Grand, ses membres avaient trouvé un réfuge à Viterbe, dans les états, romains. L'empereur leur concéda, en 1530, l'île de Malthe à titre de fief noble, franc et libre de la couronne des DeuxSiciles (2). Dans ce séjour, l'ordre peut être considéré comme un nouvel état qui vient encore ajouter à la bizarre diversité des principautés italiennes.

L'époque précédente a vu grandir Venise, et Gênes succomber; c'est le contraire que nous présente l'époque actuelle. Le génie d'André Doria chasse les Français des rives liguriennes en 1528. L'indépendance est glorieusement reconquise. Douze personnes, choisies par les conseils de celui à qui l'on vient de décerner le titre de Père de la patrie, organisent un nouveau gouvernement. Les fonctions du doge dureront deux ans; on dresse des listes des familles qui pourront aspirer à faire partie du grand conseil; on prend toutes les précautions susceptibles d'empêcher le retour des trou

(1) Lunig, code diplom. ital., tom. I..

(2) L'abbé de Vertot, hist. de Malthe, tom. III.

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