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ce, siècle, elle jouissait déjà d'une sorte de prépondérance en Etrurie; elle la devait particulièrement à ses manufactures. La plupart des villes libres de cette province subirent successivement son joug: elle devint en 1406, maîtresse de Pise, qui ne s'était que faiblement relevée depuis l'issue de sa lutte avec les Génois: Lucques seule parvint à maintenir son indépendance.

Comme Gênes, Florence se vit le théâtre de nombreuses révolutions. « La cause, en est; dit Machiavel (1), qu'il n'y >> eut jamais dans cette ville de gouvernement, soit républicain, soit monarchique, marqué d'un caractère propre et » déterminé. Ce n'est pas en effet une monarchie durable » que celle où les affaires sont décidées par un seul, et sou» mises à la délibération de plusieurs ; et il ne faut pas croire » qu'on maintienne une république sans y laisser un libre » cours à ces passions populaires, qui sont dans la nature » de ces gouvernemens, et qu'on ne réprime jamais trop » légèrement sans entraîner la chute du gouvernement » même. »

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La nation se trouvait divisée, au commencement du 15° siècle, en diverses classes, suivant les professions exercées par les individus. Chaque classe avait son conseil, son consul ou magistrat, et son gonfalonier ou porte-étendard: un podestat et un capitano del popolo exerçaient concurremment des commandemens et des pouvoirs particuliers. Vers le milieu du même siècle, les consuls furent remplacés par un conseil d'Anziani ou de Buconuomini, dont le nombre varia; et, en 1282, ceux-ci cédèrent la souveraine magistrature à six prieurs élus pour deux mois, et tirés de chacun des six quartiers de la cité. On crut pallier les inconvé niens qui devaient nécessairement résulter d'élections si fréquentes, en confiant au sort le choix entre les individus

(1) Discours sur la réforme de la constitution de Florence, Pape Léon X.

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reconnus d'avance comme susceptibles d'être investis des premières magistratures, et portés comme tels sur des listes. Cet usage fut introduit au commencement du 14° siècle. Il nous paraît distinguer spécialement la constitution de Fiorence, entre les constitutions des autres républiques italiennes. Quelques années avant, avait été institué un magistrat, qui, sous le titre de gonfalonier de justice, avait le droit de rassembler le peuple sous son étendard, toutes les fois que la tranquillité publique était menacée, et que les voies de conciliation n'avaient pas réussi, Peu après cet établissement, furent portés des édits, qui, excluant les nobles de diverses fonctions publiques, entre autres de celles de prieurs, purent être regardés comme une sorte de charte démocratique. La lutte s'engagea alors, et elle donna lieut à des réactions violentes. Toutefois, les anciennes formes ne furent guère que modifiées par les circonstances, et le gouvernement, dont nous venons d'indiquer les élémens principaux, subsista à peu près de la sorte jusqu'à la destruction même de la république (1).

Ainsi il nous semble que dans ces trois républiques d'Italie, Venise, Gênes et Florence, l'aristocratie se présente, à peu près vers la même époque, sous un aspect différent: oppressive dans la première, opprimée dans la troisième, et balançant dans la seconde l'influence de la démocratie. Il serait sans doute d'un haut intérêt de suivre d'un même coup-d'œil les vicissitudes de ce corps politique dans les trois situations où le placent tour-à-tour les institutions et les événemens. Dans une étude pareille, on trouverait peut-être la solution de plusieurs questions sur lesquelles la bonne foi voudrait être éclairée; l'histoire de cet âge deviendrait, sous ce point de vue, féconde en résultats utiles; mais les bornes que nous nous sommes prescrites, ne nous permettent pas de nous livrer ici à un examen appro

(1) M. Hallam, tom. III; de Sismondi, vol. 6, etc

fondi, et nous nous contenterons d'appeler simplement l'attention de nos lecteurs sur cet objet.

Or, telle était la situation de l'Italie à la fin du 15° siècle : Milan avait vu sa dynastie ducale de Visconti remplacée par une nouvelle race. Les Sforces y régnaient; leur auteur était un de ces chefs célèbres de Condottieri, ou mercenaires étrangers, qui composaient en grande partie les armées italiennes de ce siècle, et que les princes chargeaient en quel, que sorte de vider leurs querelles. Ce premier Sforce, investi d'abord par le saint-siége de la marche d'Ancône, à titre de fief, avait épousé une bâtarde de Philippe-Marie, duc de Milan; et ce prince n'ayant point laissé d'héritier mâle, il s'était emparé du duché, et s'en était fait proclamer souverain en 1450. A. François Sforce avait succédé Galéas Marie, monstre de tyrannie, assassiné en 1476, et à celuici un enfant de sept ans reconnu comme duc. Ce jeune prince régnait sous la tutelle de son oncle, le fameux Louis, dit le More, dont l'ambition méditait déjà le crime qui de vait le rendre maître de cet état.

Gênes avait subi les conséquences nécessaires de ses longues et fatales dissensions. Après s'être placée tour-à-tour sous la protection de diverses couronnes, elle avait enfin reçu le joug des Sforces. Sa liberté n'existait plus; et, depuis 1464, son territoire n'était, en quelque sorte, qu'un annexe dụ Milanais.

Venise, au contraire, arrondissait ses frontières occidentales en enlevant, à l'aide de ses Condottierri, quelques cités au duché de Milan; à l'est, elle soutenait une lutte glorieuse contre ces terribles Ottomans, qui venaient de planter le croissant sur les tours du vieux palais de Constantin. Son commerce embrassait le monde alors connu,

Florence pouvait déjà calculer l'instant où le despotisme remplacerait son orageuse indépendance; après avoir subi, pendant un demi-siècle, depuis une réaction de 1382, la domination de l'ancien parti guelfe ou aristocratique, elle

avait vu sortir du sein d'une autre aristocratie plus récente et toujours attachée au parti populaire, une famille que les talens et les richesses héréditaires de ses membres devaient nécessairement amener au premier rang. Chaque année avait effectivement ajouté à l'influence des Médicis. A cette époque, Laurent consommait l'ouvrage de ses aïeux. Principe del governo (1), il remplaçait la législature régulière de la république par un sénat permanent, et réduisait le gonfalonier et les prieurs à de vains titres qui laissaient une heureuse illusion dans les esprits; protecteur des lettres, il s'illustrait en recueillant les muses fugitives de la Grèce, en hâtant par de nobles efforts le mouvement régénérateur qui devait faire la gloire du siècle suivant.

Le saint-siége disputait son autorité déchue aux cités jalouses de leurs anciens priviléges, et cherchait, par une politique habile, à diriger les ligues que des intérêts communs formaient entre les princes italiens; Borgia, si célèbre sous le nom d'Alexandre VI, occupait le trône pontifical depuis 1492. ·

A Naples, enfin, la maison d'Arragon établissait son pouvoir sur de solides bases. L'ombre du sage et magnanime Alphonse Ier semblait protéger des successeurs peu dignes de lui. Les liens avec le saint-siége se relâchaient insensiblement; les grandes principautés existaient encore; les barons formaient fréquemment un parlement investi d'une sorte de souveraineté ; mais il ne restait plus de traces des anciennes institutions des républiques grecques.

Au surplus, de nouvelles révolutions se préparent, les esprits s'éclairent, et les gouvernemens se rapprochent: l'arbre féodal, ébranlé par l'ère républicaine, n'a plus de profondes racines dans le sol italien; les livres inventés sur les bords du Rhin parcourent déjà la péninsule; le canon renverse le système militaire des temps chevaleresques; un Portugais, en

(1) Ammirato, pag. 184.

doublant le cap des Tourmentes un Génois, en ouvrant un autre monde à l'audace européenne, viennent de changer les relations commerciales de l'univers. La pensée entre en partage avec la force dans les affaires humaines; la lutte entre deux prépondérances politiques choisit l'Italie pour premier théâtre ; les Français traversent les Alpes, le moyen âge finit, et l'histoire moderne commence.

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CHAPITRE X.

Guerre des Français en Italie.- François Ier.- Grand duché de Toscane. Ordre de Malthe,

Il est un point de vue général sous lequel il faut considérer l'histoire d'Italie à cette importante époque pour saisir l'ensemble des faits, et suivre la marche des événemens : le temps avait amené la maison d'Autriche à un degré de puissance tel que la plupart des états alors existans se voyaient menacés d'être réduits par elle au rôle d'une humble vassalité; la monarchie française semblait seule pouvoir opposer une digue au torrent par l'étendue, la situation, la richesse de son sol, le renom de sa couronne et l'illustration de sa chevalerie, elle devenait le rempart naturel de l'Europe contre un envahissement présumé, et le centre de toutes les oppositions qu'il faudrait surmonter pour y parvenir. C'était donc une chose nécessaire qu'elle devînt la rivale de l'Autriche.

Une lutte était la conséquence inévitable de cette rivalité. Il fallait un motif pour l'engager. Des circonstances particulières le fournirent, et ce motif détermina à son tour le point où dut d'abord éclater la lutte. Les droits récens que la maison de France avait acquis à certains territoires italiens des alliances, furent mis en avant, l'empire y opposa par les vieilles prétentions à la suzeraineté générale de l'Italie,

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