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les conseils que le roi Sigismond donna à son fils avant de mourir: « N'affectez pas, lui dit-il, de gouverner en souverain absolu des peuples que leurs franchises rendent l'ar» bitre de votre conduite et même le juge de vos actions. » Vous ne devez les régir que par la sagesse de vos conseils, » ni leur rien commander qu'en vertu des loix qu'ils ont » faites eux-mêmes. Pour qu'on respecte vos ordres, sou> venez-vous d'obéir vous-même à la constitution, et par ⚫ conséquent à la nation; car votre pouvoir sur elle est fondé » sur le soin que vous prendrez de conserver ses priviléges (1). ».

Ce langage, dans la bouche d'un roi, annonce quelles étaient les prétentions de ses sujets.

On peut citer un exemple qui montre, d'une manière plus directe, quel esprit d'indépendance régnait parmi les nobles polonais.

A l'avénement de Sigismond Auguste, de graves débats s'élevèrent au sujet de son mariage avec la princesse Radziwill." Les sénateurs et les nobles représentaient au roi que ce mariage, fait sans l'aveu de son père et sans le consentement de la diète, devait être annulé pour l'intérêt de l'état, afin qu'une nouvelle union plus avantageuse pût être contractée par lui. Le roi aimait la femme qu'on voulait lui enlever, il résista aux prières et aux menaces, et enfin ordonna à l'un des sénateurs qui continuait à lui faire des représentations de se taire; alors le palatin de Brzcesia se lève et lui adresse ces paroles: «Votre majesté a-t-elle oublié à quels hommes ⚫ elle prétend donner des ordres? nous sommes Polonais » et vous savez que si les Polonais honorent les monarques qui respectent les lois, ils humilient la hauteur de ceux » qui les méprisent. En manquant à vos serinens, prenezgarde de nous forcer à enfreindre les nôtres. Le roi votre père prenait notre avis dans la plupart des occasions, et il

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(1) Cromer, pag. 718 et 706.

TOME IV.

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dépend de nous dagir de manière à vous obliger désor» mais à écouter les voeux d'une république dont vous sem»blez oublier que vous êtes seulement le premier citoyen.

Des remontrances si vigoureuses n'étaient pas propres à vaincre la résistance du roi: sans doute le sujet qui parlait ainsi oubliait le respect dû au monarque; mais en blàmant l'inconvenance des expressions, il est utile de remarquer que c'est au seizième siècle qu'on professait de pareils principes. On voit aussi qu'à cette époque le nom de république était donné à la Pologne, sans que cependant aucune loi lui attribuât ce titre plutôt que celui de royaume.

S 1V.

Depuis l'extinction des Jagellon jusqu'à l'origine du liberum veto. 1572 à 1652.

Sigismond Auguste mourut en 1572; avec lui s'éteignit la race des Jagellon. Dès cette époque, la couronne de Pologne qui, ainsi qu'il a été dit, était en même temps élective et héréditaire, devint purement élective. Le trône avait été jusqu'alors considéré comme le patrimoine d'une famille, qui ne pouvait en être privée, mais qui ne pouvait en jouir qu'avec le consentement de la diète. A l'extinction de la dynastie régnante, la nation, rentrant dans tous ses droits, se réserva de confier le sceptre aux mains qu'il lui plairait de choisir, elle le donna et le vendit quelquefois, toujours par des contrats particuliers et purement personnels au prince qu'elle élisait, et sans s'engager envers ses héritiers. Il fut arrêté que toute la nation, c'est-à-dire toute la noblesse prendrait part à l'élection du roi, qu'elle se réunirait à cet effet, dans la plaine de Prag (1), près de Varsovie; et, par une singularité bien remarquable, tous les nobles se rendirent en armes à la diète

(1) Plus tard, les diètes d'élection se sont tenues en-deçà de Varsovie, dans une vaste campagne appelée Wola,

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d'élection, en telle sorte que l'assemblée formait un véritable camp, que les délibérations les plus importantes, et l'acte politique le plus solennel eurent lieu au milieu du tumulte des armes et sous l'influence des sabres.

Henri, duc d'Anjou, fils de Catherine de Médicis, et depuis roi de France sous le nom de Henri III, fut élu roi de Pologne en 1573. Son règne d'une année fut tel qu'on devait l'attendre de ce prince faible et indolent. Il quitta la Pologne aussitôt qu'il eut connaissance de la mort de son frère Charles IX; dans sa fuite précipitée et secrète il parut plutôt un criminel qui échappe au supplice qu'un roi qui renonce à son trône. Poursuivi vivement jusqu'aux frontières par ses sujets qui sans doute craignaient les troublés d'une nouvelle élection, plus qu'ils ne regrettaient un pareil monarque, il arriva sur les terres de l'empire au moment où il allait être atteint par le comte de Tanchin. La il promit de revenir en Pologne, se sentant, dit-il, les épaules assez fortes pour soutenir l'une et l'autre couronne.

A l'avènement de ce prince, les Polonais avaient exigé de lui, suivant l'usage, la promesse de gouverner l'état conformément aux lois et aux coutumes; mais en outre ils lui firent signer les conventions sous lesquelles ils lui accordaient la couronne. On devine qu'elles étaient favorables aux nobles et restrictives de l'autorité royale. La dernière clause surtout était remarquable, elle dégageait les sujets du serment de fidélité dans le cas où le roi lui-même enfreindrait ses promesses; elle portait : « Si nous violons (Dieu veuille nous préserver de ce malheur!) les lois, la liberté, les articles ⚫et les conditions, ou que nous n'ayons point exécuté ce »qui est prescrit, nous voulons que tout citoyen de l'une et » de l'autre nation soit dégagé du serment d'obéissance et de •fidélité envers nous.» Tel était cet article appelé de non præstandá obedientia, qui consacrait ce principe de droit politique si vivement controversé depuis qu'entre les gouvernans et les gouvernés il existe des obligations et des droits

réciproques, et que la violation du contrat de la part d'une des parties dégage l'autre de tout lien, suivant la règle géné rale des contrats.

Ces conventions souscrites par Henri de Valois ont été, suivant l'opinion la plus générale, l'origine des pacta conventa, que, depuis cette époque, tous les rois ont été obligés de signer à leur avénement.

Après la fuite de Henri, les Polonais déclarèrent le trône. vacant, et ils élurent en 1576 Etienne Battori, duc de Transylvanie.

Ce prince s'attacha à former en corps de nation les cosaques encore barbares. Cette idée était digne d'un politique habile; il créait de cette manière une barrière contre les invasions des Turcs et des Tartares. Sous son règne et sous celui de Sigismond III, son successeur, on fit plusieurs lois importantes, notamment il fut statué qu'aucun roturier ne serait anobli sans le consentement de la diète, et que les biens du père ne seraient plus partagés par égales portions entre tous ses enfans, suivant l'usage ancien, mais que les biens les plus considérables seraient affectés à l'aîné, libres de toutes charges et hypothèques.

Il faut remarquer aussi qu'à l'occasion des différends survenus entre le roi Sigismond et les nobles, ceux-ci formerent contre lui une espèce de ligue, qui est le premier exemple de ces confédérations, devenues si fréquentes et si célèbres dans les fastes de la Pologne.

Nous aurons plus tard l'occasion de parler de chacune de ces associations singulières, en retraçant les événemens qui les ont produites; mais nous croyons devoir transcrire ici un passage d'un historien anglais, où la nature de ces confédérations est très-bien indiquée (1). « Ces associations, » dit-il, ont quelque chose de particulier, qui mérite d'autant » plus d'être remarqué, qu'on ne trouve rien de pareil chez

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(1) Histoire des gouvernemens du Nord - Pologne.

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aucun autre peuple; on voit partout des révoltes contre' l'autorité souveraine; mais l'origine en est secrète, et la! » marche sans ordre et ordinairement sans suite en Po»logne, au contraire, les nobles s'associent publiquement » pour se rendre justice, et établir de force ce qu'ils veulent;' >> au lieu de se cacher, ils publient des manifestes, ils font » des réglemens, et ils les suivent, et quand on voit une >> confédération liguée contre le roi ou contre d'autres » confédérations, on croit voir une nation liguée contre une >> nation voisine, et non pas des rebelles en armes contre » l'autorité souveraine, au milieu de l'état. »

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Uladislas, fils de Sigismond III, fut élu roi, après la mort' de son père. On cite un trait assez singulier d'un gentilhomme, lors de l'élection d'Uladislas ; il déclara seul qu'il s'opposaitau choix unanime de la diète ; et résista aux sollici tations de toute l'assemblée. Pressé par le primat de dire. quel reproche il avait à faire à Uladislas; il répondit: aucun; mais je ne veux pas qu'il soit roi. Enfin, lorsqu'il fut bien convaincu que sa volonté suffisait pour empêcher l'élection du monarque, il se jeta aux pieds d'Uladislas, en s'écriant: « Je voulais voir si ma patrie était encore libre, je suis satisfait, et Votre Majesté n'aura pas de sujet plus fidèle que

moi. »

On peut voir par là, quel esprit animait la noblesse polonaise, et constater que la loi portant que les délibérations devaient être prises, nemine contradicente, était en pleine' vigueur.

Durant la vie d'Uladislas, nous n'avons à signaler aucun› événement politique d'une grande importance; les institu tions, les mœurs et les lois restèrent dans le même état. I eut pour successeur Casimir son frère, qui quitta l'ordre des! jésuites où il était entré, pour monter sur le trône de

Pologne. Désormais la Pologne ne va plus offrir qu'un pays déchiré par les divisions intestines, affaibli par les guerres

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