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terme et des combats renouvelés avec un affreux acharne? ment: voilà ce que présentent à cette époque les annales du pays dont nous retraçons l'histoire; et c'est là qu'il faut choisir un certain nombre de faits suffisans pour jeter quelques lumières sur les temps reculés, et en faire saisir vivement l'aspect politique.

Les villes italiennes, en proclamant leur indépendance, avaient néanmoins conservé une ombre de respect pour l'au torité impériale. Le nom des princes était encore porté dans les actes publics et leur effigie empreinte sur les monnaies. Quand ils venaient en Italie, ils étaient traités en souverains; mais leurs palais se trouvaient ordinairement en-dehors des cités, et l'on peut croire que les habitans ne laissaient pénétrer dans leur enceinte aucune escorte un peu considérable. Tout changea avec Frédéric I de l'illustre maison' d'Hohenstaufen ou de Souabe. Fier de son rang et désireux de lui rendre tout son ancien éclat, ce prince vint en Italie avec une puissante armée, et mettant à profit les divisions qui s'étaient élevées entre les républiques, il assiégea Milan' et la força de capituler. Les autres cités furent successivement obligées de céder à ses armes; une sorte d'assemblée natio nale, alors convoquée à Roncaglia, lui rendit l'exercice de tous les droits régaliens; et peu après, Milan ayant voulu secouer le joug pendant son éloignement, il revint, la prit de nouveau, et la livra aux flammes. C'était en 1162; les républiques semblaient anéanties.

Mais ces revers avaient étonné le courage des Italiens sans l'abattre. Les cités, reconnaissant que leur désunion avait été` la première cause de leur perte, formèrent une ligue oùt entrèrent le saint-siége toujours ennemi de l'empire, et le roi' de Naples, fidèle vassal du saint-siége: elle levèrent l'étendart de la révolte au moment où l'empereur, qui venait de perdre' une armée devant Rome, se préparait à aller chercher audelà des Alpes de nouveaux soldats, pour humilier les pontifes avec lesquels il n'avait pas cessé depuis son avénement

TOME IV.

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d'être en guerre ouverte. Milan fut rebâtie; et il s'en suivit une guerre de plusieurs années dans laquelle les papes aidèrent puissamment les cités confédérées. Enfin, Frédéric ayant été abandonné par le chef de la maison Guelfe, Henrile-Lion duc de Bavière et de Saxe, il fut battu à Legnano, obligé de signer, sous la médiation de Venise, une trève de six ans qui fut convertie en une paix définitive à Constance, en 1183. Par ce traité, la Lombardie était rendue à l'état politique dont elle jouissait avant la première entrée de Frédéric Barberousse en Italie; toutefois il était formellement exprimé que l'empereur aurait le privilége de donner l'investiture aux magistrats élus par les cités, et qu'elles renouvelleraient leur serment de fidélité à l'empire tous les dix ans. ⠀⠀

Les villes lombardes avaient sauvé leur liberté; elles avaient obtenu un véritable triomphe sur un ennemi redoutable; leur prospérité dut, comme on pense bien, en recevoir un nouvel essor; heureuses si l'union qui les avait fait vaincre eût pu être conservée ! mais elle cesșa avec les dangers qui menaçaient leur existence. De funestes rivalités, des haines invétérées, rompirent graduellement la ligue; et les cités, après avoir perdu l'occasion de former un puissant état fédératif, virent tour-à-tour succomber leur indépendance.

Avant d'en venir à ces événemens qui se rapportent au 13 siècle, il est bon de jeter un coup d'œil rapide sur la constitution des républiques pendant la période de leurs prospérités. Il serait certes non moins pénible que fastidieux de se livrer à de longues, recherches pour reconnaître les différences qui existaient entre les gouvernemens respectifs des principales cités, On ne pourrait même s'en promettre un 1 résultat satisfaisant parce que les monumens sont rares, et que les écrivains de ces temps se sont beaucoup plus attachés à raconter des combats qu'à citer des actes. Il s'agit seulement ici d'examiner ces gouvernemens dans leur ensemble, et d'en présenter les caractères généraux et analogues.

Les premiers magistrats des républiques portaient, en gé néral, le nom, toujours si révéré en Italie, de consuls. On les renouvelait tous les ans. Ils commandaient la milice nationale, administraient la justice, et maintenaient l'ordre public. Leur nombre variait suivant les cités. Ici il y en avait deux, là, quatre ou six ; quelques villes en élisaient jusqu'à douze. En principe, la souveraineté résidaît dans la nation; et la constitution était plus ou moins démocratique, suivant qu'il était plus ou moins rigoureusement appliqué. Ordimairement, c'était en assemblée générale seulement qu'on pouvait délibérer sur un changement quelconque à faire aux formes constitutives de l'état. La décision des affaires était presque toujours confiée à un ou deux conseils élus par divers modes et aussi diversement organisés. Une nouvelle magistrature s'introduisit sur la fin du 12. siècle, Frédéric Barberousse avait remplacé dans les villes, lors dé l'envahissement de la Lombardie, les consuls électifs par des podestats étrangers, qu'il nommait. Les cités, en renversant le joug impérial, avaient aussi détruit les magistrats de sa création. Cette magistrature fut successivement rétablie partout pendant les troubles qui suivirent le règne de Frédéric Ir. Ces podestats remplaçaient quelquefois les consuls; mais ils n'avaient, dans certaines villes, que de hautes attributions judiciaires. Ils restaient aussi un an en charge, et répondaient, après l'expiration de cette année, aux accusations auxquelles leur conduite avait pu donner lieu. Ils ne pouvaient être choisis que hors de l'état. Il leur était défendu d'y choisir une épouse, d'y avoir aucun parent domicilié, de s'y asseoir même au banquet d'un simple citoyen. La situation de ces républiques divisées en deux partis acharnés, explique le bizarre établissement des podestats. Avec un étranger, entouré de ces jalouses précautions, on pouvait espérer de conserver plus long-temps la paix publique, en maintenant l'équilibre entre les factions. On éritait

ainsi le renouvellement d'une lutte funeste, et le triomphe toujours sanglant de l'une d'elles.

Nous venons de nommer Venise en parlant de la lutte dés républiques contre Frédéric Barberousse. Nous avons vu cette ville assez puissante pour faire accepter sa médiation. Sa prospérité avait reçu de nouveaux accroissemens sous le gouvernement généralement modéré de ses ducs; peu mêlée aux troubles de l'Italie, elle avait pu étendre en paix ses relations commerciales, et améliorer son état intérieur. Orséolo II lui avait acquis, vers la fin du 10° siècle, les villes maritimes de l'Istrie et de la Dalmatie. Au commencement du 12, elle régnait dans l'Adriatique. Le pape Innocent III, pour récompenser les services qu'elle avait rendus à l'Italie contre l'empire, lui en conféra la seigneurie et haute suzeraineté (1). C'est ce qui fit instituer cette solennité annuelle du mariage du chef de la république avec la mer Adriatique, solennité vraiment digne de la bulle par laquelle le saintsiége donnait aux cités une portion des flots de la mer.

Il était naturel qu'à l'époque où toutes les villes de l'Italie assuraient le triomphe de la démocratie, Venise adoptât aussi des formes analogues, et rendit dans son gouvernement plus d'influence au peuple. Une révolution changea, en 1171, le système constitutif. Il y eut un grand conseil élu par les citoyens, et composé de quatre cent soixante-dix membres; dans ce nombre, soixante formèrent un sénat, qui dut être renouvelé tous les ans. Le duc ou doge fut élu au scrutin par onze électeurs choisis parmi les citoyens les plus considé rables de la ville, et il ne put rien décider sans l'assentiment d'un conseil privé composé de six membres, et choisis par le grand conseil. Le peuple conquit de la sorte l'importante prérogative de nommer le doge par ses représentans.

(1) Chronique de Dandolo, dans Murat,, tom. XII.

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Cette constitution populaire amena des troubles fréquens et n'exista qu'un peu plus d'un siècle. En 1298, le doge, Pierre Gradengo, fit passer une loi qui abrogea l'usage des élections annuelles, fixa irrévocablement dans le grand conseil tous ceux qui étaient investis alors de cette dignité, et la rendit même héréditaire dans leurs familles. Ainsi fat instituée l'aristocratie vénitienne qui domína dans la république jusqu'à sa destruction, et ainsi fut renversée cette influence démocratique que la nation n'avait su, comme il arrive" ordinairement, signaler que par des désordres. Au reste ces désordres n'avaient point arrêté cet état dans le développement de sa puissance. Les croisades, où Venise avait pris plus de part qu'aucune autre nation italienne, à cause de' ses rapports avec l'empire grec, avaient été l'époqué d'un accroissement de territoire considérable; au commencement du 13e siècle, à l'issue de la quatrième croisade, Corfou et Céphalonie, les côtes de la Grèce et de la Morée, et Candie, reine de l'Archipel, voyaient flotter l'étendard de Saint Mare. Une autre république doit appeler notre attention.' Gênes subissait aussi diverses réactions où l'aristocratie et le peuple" perdaient et gagnaient tour-à-tour une plus forte part d'influence. Vers la fin du 11° siècle, le consul indigène fut remplacé par un podestat étranger, comme dans les cités lombardes, et le podestat céda la place à un capitaine du peuple en 1257. Peu de temps après on rétablit le podestát; et on le soumit à l'officier nouvellement créé. Il y eut ensuite un capitaine étranger, puis deux capitaines génois, puis un conseil de douze membres, dont six appartenaient" à la noblesse, et les six autres au peuple; et l'on doit remarquer que chacune de ces fluctuations est signalée dans les annales génoises, par un combat ou tout au moins par quelques meurtres. Comme Venise, après tout Gênes s'élevait au milieu des dissensions civiles. Son territoire" italien s'agrandissait, et son influence dans la Méditerranée devenait chaque jour plus imposante. Les princes recher

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