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Rome, au nom du sénat et du peuple romain (1), et cette sorte de régénération rendit une telle énergie aux esprits, que l'exarque d'une part, et le duc de Naples de l'autre, armèrent inutilement pour rétablir l'autorité de l'empereur. Celui-ci fut tué dans une action glorieuse pour les Romains, et le premier fut battu et obligé de faire la paix. Ainsi fut fondé le nouvel état qu'un Anastase du neuvième siècle appelle sancta respublica. Cet événement se rapporte à l'année 730, et Grégoire II occupait alors la chaire de Saint-Pierre. C'est le premier pas des chefs de l'église vers cette puissance temporelle qui va bientôt grandir et troubler tout l'Occident. Le mouvement régénérateur qui agitait le nord et le centre de l'Italie, s'était aussi fait ressentir dans le midi. Les Lombards, au temps de leur conquête, avaient partagé la péninsule en plusieurs districts à chacun desquels était préposé un duc. Ces ducs, à peu près indépendans sous des princes dont le gouvernement était affaibli par une guerre étrangère presque continuelle, furent même un moment en possession de la puissance souveraine. Ils résolurent, en 574, de ne point élire de roi, et de gouverner de concert les parties soumises à leur nation. Le nombre des souverains fut alors de trente, et l'on doit penser combien un pareil établissement fut nuisible à cet état. La nation le reconnut peu de temps après, et ce gouvernement olygarchique ne dura pas tout-à-fait dix ans. Un roi fut élu en 585. Des trente duchés replacés sous le joug de la couronne de Lombardie, plusieurs furent successivement détruits par les Romains, les Grecs, ou les Lombards eux-mêmes. Un seul, le duché de Bénévent devint, par sa réunion avec quelques autres, une principauté puissante. Il comprenait une portion considérable du royaume de Naples. La partie maritime de ce royaume reconnaissait encore, ainsi que la Sicile, le joug des Grecs; l'empereur n'y exerçait toutefois qu'une ombre de souve

(1) Cenni. Monumenta dominationis pontif., tom. I, pag. 141.

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raineté; ses droits se bornaient, la plupart du temps, à nommer par son exarque, les ducs ou préfets qui gouvernaient les villes et leur territoire. Quelquefois même il n'avait qu'à confirmer l'élection de ce premier magistrat, et souvent on crut pouvoir se passer de cette sanction. Plusieurs cités, Naples, Gaëte et Amalfi entre autres, avaient amélioré leurs institutions municipales, et pouvaient être considérées comme autant de petites républiques florissantes par l'industrie, l'activité et l'énergie de leur population; elles étaient unies par la présence d'un ennemi commun: les Lombards de Béné vent. Ceux-ci les harcelaient sans cesse en effet, et l'histoire de l'Italie méridionale n'est plus, pendant plusieurs siècles, qu'une guerre continuelle entre les républiques et les ducs, dont les détails n'appartiennent pas à ce tableau des grandes révolutions qui ont changé la face de l'Italie.

Telle était donc la situation de la péninsule vers le milieu du 8 siècle : Venise,,sous un duc électif, sortait de l'obscurité, et entrait au rang des principautés italiques; l'exarchat tombait sous le joug des rois lombards; ceux-ci, s'avançant vers les bords du Tibre, voulaient ceindre dans la capitale du monde chrétien la couronne d'Odoacre et de Théodoric; il y avait une autre république romaine qui cherchait dans les successeurs de Saint-Pierre, ses Brutus et ses Publicola; enfin, le midi était le théâtre d'une lutte acharnée entre la liberté et la féodalité naissante, entre les anciens maîtres, et les derniers conquérans de l'Italie.

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Le roi Astolphe ou Aistolphe ayant donc mis fin à l'exarchat, ainsi qu'il vient d'être dit plus haut, en 751 (1), crut, non sans quelque raison sans doute, que sa conquête lui livrait les droits de suzeraineté sur Rome et son territoire, que l'empereur avait exercés jusqu'à ce jour, ou du moins jusqu'à une époque récente; car ce n'était que vingt ans auparavant que la république avait éte instituée; il exigea donc un acte de soumission, et fit marcher des troupes pour appuyer ses réclamations. Le peuple de Rome avait eu le temps de sentir le prix de l'indépendance, et le pontife, de goûter les charmes de la souveraineté cette aggression prochaine inspira de vives alarmes ; on résolut de combattre, et le pape Etienne II, alors chef de la chrétienté, implorant d'abord les secours de la cour de Constantinople ne tarda pas à reconnaître qu'il pouvait obtenir une protection plus utile pour les Romains et pour lui-même, que celle d'un empereur qui ne les eût délivrés que pour les asservir à son tour. Il tourna ses regards vers la France, où l'héritier des maires du palais venait de cloîtrer le descendant de Clovis, et d'usurper sa 'couronne. Il passa les monts, et se rendit auprès de ce Pépin que nos annalistes ont bizarrement surnommé le Bref.

La réunion du prince franc et du pontife romain, tous deux résolus de s'aider mutuellement pour conserver et affermir un pouvoir usurpé, eut d'importans résultats; le pape attacha le sceau de la religion à la royauté de Pépin ; il délia

(1) Muratori, annales d'Italie, année 752.

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ce roi, ses fils et ses leudes, du serment de fidélité qu'ils avaient prêté à Childéric; puis il le sacra, comme si l'huile sainte devait briser un lien tout politique, et effacer le fait de l'usurpation. Enfin, comme pour prouver qu'il se jouait de tous les droits, il le créa patrice (1), titre que les empereurs avaient seuls déféré jusque là; et cet acte est d'autant plus extraordinaire que c'était au patrice d'Italie ( ordinairement l'exarque de Ravenne), qu'il appartenait de confirmer l'élection de l'évêque de Rome. Pepin, ainsi honoré par le pontife, ne crut pas non plus que sa reconnaissance dût se borner à ce qu'il avait simplement droit de faire. En conséquence, non-seulement il promit ses secours, mais encore il donna à l'église l'exarchat qui appartenait de droit aux empereurs, et de fait, aux Lombards. Cette donation est, comme on sait, un point d'histoire contesté. Tout ce qu'on peut en dire ici, c'est qu'Anastase le bibliothécaire prétend qu'elle fut signée en 754 par Pepin et ses deux fils, au château de Chiersi-sur-l'Oise (2), et qu'on trouve dans les lettres d'Étienne à ce prince, des expressions pareilles à celles-ci: Velociter et sine ullo impedimento, quod B. Petro promisisti, PER DONATIONEM VESTRAM, civitates et loca, etc. (3).

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Les Francs passèrent donc en Italie comme les Goths et les Lombards y étaient entrés successivement, et l'humiliation d'Astolphe commença une révolution que Charlemagne devait accomplir. Ce prince, requis par Adrien I«, comme son père l'avait été par Étienne II, d'aider le saint-siége, contre le roi Didier, tourna ses armes vers l'Italie. Les Lombards furent battus, leur roi fait prisonnier, et le territoire conquis incorporé à la monarchie des Francs. Ceci se rapporte à l'année 774. La domination des Lombards en Italie avait duré deux siècles; moins habiles que les Goths, ils n'avaient pas su, comme ces peuples, se mêler avec l'ancienne

(1) D. Bouquet. - Recueil des historiens, tom. V.

(2) Muratori, tom. III, part. I.

(3) Cenni monumenta dominationis pontif., tom 1, pag. 82.

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population italienne, et effacer toute distinction nationale; ce fut probablement une des causes de la répugnance que témoignèrent les Romains à subir leur joug, et, par conséquent, de la chute de leur état par les armes des Francs.

Pépin avait reçu le patriciat du pape Etienne; mais ce n'avait été pour lui qu'un vain titre. Charles, vainqueur des Lombards, associa de lui-même le titre de patrice des Romains à ceux de rois des Francs et des Lombards, et il en exerça les fonctions; il entra à Rome, en cette qualité, l'année même de sa conquête, et il agit comme investi de tous les droits de souveraineté sur Rome et le territoire dont avaient joui les empereurs et les exarques. Tout fléchit, tout se prosterna devant ses armes victorieuses, et il ne fut plus question de la république romaine. Les Romains n'avaient donc fait que préférer un joug à un autre; mais on pouvait avoir une pensée : Charlemagne devait cesser de vivre, et les Alpes se trouveraient placées entre le siége principal de ses successeurs et l'Italie.

Le duc lombard de Bénévent conserva sa principauté moyennant un tribut qu'il promit de payer aux Francs; Charles établit diverses marches auxquelles il préposa des chefs militaires, pour s'assurer une possession paisible; l'Italie entière, aux extrémités méridionales près, lui était soumise. L'événement si mémorable, qui eut lieu le jour de Noël de l'an Soo, ne fut qu'une conséquence naturelle de ses triomphes: ce jour-là il fut salué empereur romain par le peuple, et le pape, Léon III, posa sur son front la couronne impériale. Tandis que, dit Machiavel à ce sujet, les papes avaient fait jusque-là confirmer leur dignité par les empereurs', ceux-ci commençaient alors à avoir besoin des papes » pour leur élection. L'empire perdait son pouvoir; l'église » fondait le sien, et elle empiétait ainsi de jour en jour sur » le temporel des princes (1). ›

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(1) Histoire de Florence, liv. I.

TOM. IV.

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