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dix ans. Justinien, ayant conçu la pensée de rendre à l'empire les jours de Constantin et de Théodose, envoya, en l'an 536, une armée pour réduire l'Italie. Elle était commandée par le guerrier qu'on a appelé le Scipion du moyen âge, par Bélisaire; elle fut victorieuse, et Ravennes assiégée livra aux armes romaines toute l'Italie septentrionale : l'eunuque Narsès acheva ce qu'avait entrepris Bélisaire, et soumit la péninsule entière. Totila et Téja, derniers rois des Ostrogoths, périrent successivement les armes à la main. Ainsi finit l'état fondé par Théodoric-le-Grand.

Il est probable que cette révolution fut très-fatale à l'Italie; en effet, quoique les princes successeurs de l'Amale fussent restés loin de lui, on peut dire qu'en général leur gouvernement s'était dirigé d'après les principes qu'il avait établis,, et de manière à opérer une utile fusion entre les deux races principales qui formaient le corps de la nation. Sans doute, le joug de l'empire eût été plus avantageux encore pour ce pays, que cette domination, quelque légère qu'elle fût; mais était-il permis de croire que la nouvelle conquête pût être long-temps conservée par la cour de Constantinople, et ne devait-on pas penser plutôt que dans ces siècles avares de guerriers tels que Narsès et Bélisaire, de nouvelles hordes s'élanceraient encore sur l'Italie, et lui imposeraient un joug plus pesant que celui dont l'Orient venait de l'affranchir.

Le conquérant de l'Italie, Narsès la gouverna pendant quinze ans comme dux ou duc; car l'union des pouvoirs militaires et politiques que nécessitaient les circonstances, introduisait successivement partout ces dénominations modernes, dont la féodalité va bientôt s'emparer. Ce règne fut heureux, et l'Italie respirait encore après les troubles qui avaient accompagné la chute des princes goths; mais Narsès put, en expirant, prévoir le renouvellement de toutes les calamités qu'il avait fait cesser. I rendait à peine le dernier soupir, que déjà les Lombards, sous la conduite d'Alboin, ravageaient l'Italie septentrionale.

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Ces Lombards qu'on croit d'origine Scandinave, avaient habité près d'un demi-siècle une portion de la Pannonie. Leur chef avait eu des relations avec Narsès; il lui avait même envoyé quelques secours dans ses expéditions contre les Goths, et c'est là sans doute ce qui a basé l'accusation portée contre Narsès d'avoir appelé les Lombards en Italie, pour punir l'ingratitude de la cour de Constantinople à son égard (1); accusation dont l'histoire doit sans doute défendre la mémoire d'un grand homme. Quoi qu'il en soit, les conquêtes d'Alboin furent rapides; un très-grand nombre de places importantes lui furent livrées par les of ficiers goths, restés en possession de plusieurs commandemens, depuis la conquête des Grecs; et après un siége de trois ans, il entra dans Pavie, ceignit le diadême de Théo, doric, et fut ainsi le fondateur d'une nouvelle monarchie italienne que Charlemagne détruisit. C'était en l'année 572.

CHAPITRE II.

Lombards. Venise. Duché de Bénévent. République

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romaine.

Voici quelle fut la situation politique de l'Italie, pendant cette période de près de deux cents ans que dura la domination des princes lombards, tout ce que nous pouvons en dire dans cette rapide esquisse, se rapporte à six points principaux: 1° le royaume d'Italie ou de Lombardie, comme nous devons l'appeler désormais; 2° l'état naissant fondé dans les lagunes vénétiques; 3° l'exarchat de Ravennes ; 4° Rome et la puissance papale; 5° la principauté souveraine de Bénévent; 6° les cités libres de l'Italie méridionale. Alboin mourut assassiné peu de temps après son éléva

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(1) Paulus Warucfridus, de gestis Longob., lib. Il, cap. 5.

tion à la couronne d'Italie ses successeurs étendirent ses conquêtes. Autharis, le troisième, traversant l'Italie, vint jusqu'à Reggio, et poussant, dit-on, son cheval jusque dans les flots, frappa de sa lance une colonne élevée sur la plage, en s'écriant que c'était la limite qu'il assignait à la monar chie des Lombards. Toutefois les princes de cette race ne s'emparèrent jamais de toute l'Italie, et leur domination subit diverses vicissitudes jusqu'à son entier anéantissement. Les îles, situées vers le fond de l'Adriatique, étaient habitées au temps de l'empire par une population industrieuse, et que ses habitudes maritimes semblaient plus particulièrement disposer à la liberté. Elles étaient le centre d'un commerce assez important; on pouvait les considérer comme des colonies de la florissante cité de Padoue qui y envoyait tous les ans un magistrat. Quand les Huns envahirent l'Italie vers le milieu du 5° siècle, un grand nombre de Padouans y cherchèrent un asyle contre les barbares. A chaque nouvelle irruption des peuplades septentrionales, de nouveaux réfugiés vinrent se réunir aux premiers, et enfin ces îles se trouvèrent être le centre d'un petit état que sa pauvreté même semblait, autant que sa position, mettre à l'abri des conquérans toujours avides de pillage. Formé sous de tels auspices, cet état devait être libre; les premiers magistrats y étaient en effet élus par la nation, et l'exercice du pouvoir toujours déféré à celui qui semblait le plus susceptible d'opérer le bien public. Douze îles s'étaient ainsi réunies d'abord comme par un pacte fédératif; le nombre en fut porté dans la suite jusqu'à soixante-douze. La prospérité, toujours croissante de cette république, semblait alors faite pour offrir aux peuples de l'Italie un témoignage formel des bienfaits qu'ils pouvaient attendre de la liberté, à côté des maux dont ils devaient être accablés par la tyrannie.

Telle fut l'origine de Venise. Il y eut, en 697, une révoJution dans le gouvernement; chaque île avait jusque-là été en possession d'élire son magistrat annuel ou tribun. Le pou

voir se trouvait ainsi distribué entre un grand nombre d'individus ; c'est-à-dire, qu'il devait nécessairement y avoir peu de concert dans l'exécution des mesures, et que de fàcheuses rivalités étaient à-peu-près inévitables. Les Vénitiens eurent à cette époque le bon esprit de comprendre que s'ils avaient réussi jusque-là par une politique adroite à mettre leur faiblesse à l'abri des Lombards et des Grecs, ils devaient, maintenant que leur existence pouvait exciter de véritables ombrages, concentrer toutes les forces de leur état pour pouvoir les diriger utilement vers un but commun. Une assemblée générale résolut donc de donner un chef à la nation, et le choix tomba sur Paul-Luc Anafeste. Il fut élu duc ou doge souverain, et sa dignité était à vie; la république fut donc convertie en une sorte de principauté, différente de celles qui s'établirent partout vers cette époque, en ce que le titre originaire n'avait rien de féodal et n'était fondé que sur le suffrage de la communauté.

Une portion de l'Italie septentrionale que les Lombards n'étaient pas parvenus à soumettre, était restée sous la domination des empereurs; Ravennes était la capitale de cet état, et la cour de Constantinople y tenait un officier qui, sous le nom d'Exarque, gouvernait souverainement, et maintenait une sorte de suzeraineté sur les autres parties de l'Italie où les Lombards ne régnaient pas ou ne régnaient plus. Le gouvernement des Exarques, en Italie, eut une durée presqu'égale à celle du royaume des Lombards; toujours harcelé par ces peuples, il succomba enfin, et l'exarchat tomba tout entier au milieu du 8° siècle sous le joug. L'exarque Eutychès rapporta à Constantinople les insignes, du patriciat dont il venait d'être dépouillé, et le monarque lombard Astolfe, maître de Ravennes, crut que rien ne devait plus lui résister; que Rome même, souvent menacée par ses prédécesseurs, devait reconnaître ses lois.

Arrêtons-nous sur la situation de cette reine déchue.

Rome n'était plus dans la même situation qu'au temps des empereurs d'Occident. Des calamités sans nombre y avaient, comme dans toutes les autres cités italiennes, ranimé les esprits. Cette froide et constante énergie, que le christianisme attache ordinairement aux grandes adversités humaines, n'attendait qu'une occasion pour se développer. Ses pontifes, dès lors considérés comme chefs spirituels des chrétiens, offraient l'exemple de toutes les vertus, et l'église enrichissait à juste titre ses légendes de leurs noms révérés. Ces noms avaient souvent valu des armées à la cité pontificale, et les piques des barbares s'étaient quelquefois abaissées devant un vieillard qui venait, la croix de Jésus-Christ à la main, livrer sa tête vénérable et réclamer merci pour son troupeau.

De tels bienfaits avaient investi les pontifes d'une influence juste et salutaire. Cette influence suivit long-temps les vicissitudes des divers gouvernemens de l'Italie, c'est-àdire qu'elle était forte quand ces gouvernemens étaient faibles, et puissante quand ils ne pouvaient plus qu'à peine maintenir leur propre autorité. Au reste, depuis la conquête de Narsès, les liens de Rome avec l'empire étaient manifes par deux actes formels de souveraineté : l'exarque lui envoyait un duc ou premier magistrat, et il confirmait l'élection du pontife.

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L'hérésie des iconoclastes qui agitait l'Orient devint une cause de désunion entre les Grecs et les Romains. Quelques empereurs ayant mérité, par leur zèle fanatique contre les images, les censures de l'église d'Occident, des persécutions s'en suivirent. Plusieurs cités de l'Italie se révoltèrent alors, et Rome en prit occasion de secouer définitivement un joug. qu'un reste de respect maintenait encore. En conséquence, le' duc impérial fut chassé, et un gouvernement républicain prit naissance. Le souverain pontife en fut déclaré le chef. Les actes furent portés, comme aux siècles de l'ancienne

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