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Jagellon.-Etablissement des nonces.-Extinction des Jagellon.

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Jagellon reçut le baptême, et fut couronné roi de Pologne à Cracovie, le 17 février 1386, sous le nom d'Uladislas. It voulut d'ailleurs tenir sa parole, et hâter la conversion des Lithuaniens (1); pour cela, il se chargea lui-même de prêcher l'évangile et de baptiser ses sujets ; mais son éloquence ne produisit pas un grand effet sur ces peuples barbares; it imagina alors un moyen moins noble, mais plus sur. Les Lithuaniens ne connaissaient pas encore l'usage des vêtemens de laine, le roi en promit à tous ceux qui se présenteraient pour recevoir le baptême. Ils accoururent en foule, et se retirerent vêtus et convertis (2).

Il faut remarquerque, nonobstant l'avénement de Jagellon au trône de Pologne et la réunion de la Lithuanie, cette province conserva encore long-temps des grands dues particuliers, mais qui reconnaissaient la haute souveraineté de la Pologne.

Le règne de Jagellon fut glorieux; il abaissa la puissance des chevaliers de l'ordre teutonique, éternels ennemis du royaume, et gouverna dans l'intérieur avec autant de sagesse qu'il montra de courage en repoussant les ennemis du dehors. Il voulut, avant de mourir, assurer la couronne à son fils Uladislas; à cet effet il convoqua une diète à Brzescia, en 1433. Ce ne fut pas sans difficulté qu'il obtint les suf frages qu'il sollicitait; il fut obligé d'ajouter de nouveaux priviléges à ceux qu'avait accordés son prédécesseur; il promit de ne donner les grands offices et les grandes dignités

(1) Les Samogites n'embrassèrent le christianisme qu'en 1413. (2) Dlugoss, liv. X, pag. 110.

de l'état qu'aux Polonais qui posséderaient des biens considérables dans les provinces où ces emplois devraient s'exercer, de ne nommer personne à une place avant qu'elle fût vacante, de ne battre monnaie qu'avec le consentement des prélats et de la première noblesse, et de ne jamais faire arrêter un noble avant qu'il eût été déclaré coupable d'un crime dans une cour de justice (1).

Tels sont les principaux événemens du règne de Jagellon', dont la dynastie a régné sur la Pologne jusqu'en 1572 (2).

Avant de présenter la suite des événemens sous les successeurs de ce prince, il convient de s'arrêter sur un point important. Dans le dernier état de la constitution, la diète était composée des nonces ou députés élus dans les diétines tenues dans chaque palatinat, et composées de gentilshommes ayant le droit de voter; mais dans l'origine, la noblesse n'était pas ainsi représentée par des députés. La diète était composée des prélats et de toute la haute noblesse. Ce fut Jagellon qui introduisit ce changement remarquable dans la constitution. En 1404, voulant lever un impôt considérable, il pensa que pour l'obtenir il devait appeler à la diète les députés de toute la noblesse qui, pár reconnaissance de ce nouveau privilége, accorderaient les subsides réclamés (3). Plus tard, et dans une situation à peu près semblable, on eut recours au même expédient, ou plutôt on érigea en loi fondamentale ce qui n'avait été d'abord qu'une mesure de circonstance. En 1466, sous le règne de Casimir IV, on rassembla une diète à laquelle furent appelés deux députés de chaque pa

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(1) C'est la loi : Neminem captivabimus, etc.

(2) Bien que la race de Jagellon se soit maintenue pendant deux siècles sur le trône, le droit d'élection n'en a pas moins été reconnu et mis en usage. Il semble seulement que, par un engagement tacite, les Polonais fussent obligés à ne choisir leurs souverains que dans la même famille.

(3) Dlugoss, liv. X, pag. 181; liv. II, pag. 536.

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latinat, nommés nonces terrestres ; ces députés reçurent des instructions précises, dont il leur fut défendu de s'écarter, et de l'exécution desquelles ils furent obligés de rendre compte (1).

Le calme qui régna dans la diète, la promptitude avec laquelle les affaires furent expédiées, et même la sagesse des réglemens qui y furent arrêtés, ne laissèrent alors aucun doute sur les bons effets de la règle qui venait d'être adoptée. Plus tard, les désordres qu'on croyait désormais impossibles vinrent de nouveau troubler les diètes, des abus qu'on ignorait se joignirent à ceux qu'on avait cru détruire; en sorte que les Polonais eux-mêmes ont douté si la nouvelle composition des diètes et l'institution des nonces ont été 'd'heureuses innovations.

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Ces nonces, a-t-on dit, en sont venus jusqu'à ne plus re» connaître d'autre autorité que la leur; ils se regardent » comme le premier ordre de la république. Au lieu de se ។ » contenter de balancer la puissance du chef et des premiers

» membres, ils l'anéantissent; et l'on dirait qu'ils ne viennent » dans nos congrès que pour faire échouer les desseins du

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roi même sans raison, et pour contrarier les avis du sénat, » par le seul motif de donner des preuves de leur indépendance.

>> Cette hardiesse vient peut-être moins de leur ambition » que de la connivence ou de la paresse de quelques-uns dé nos rois qui, par intérêt ou par lâcheté, leur ont laissé >> briser le frein qui les empêchait d'abuser de leurs forces. » Les sénateurs eux-mêmes, loin de resserrer leur crédit, » travaillent à l'étendre; et, les jugeant aussi utiles à leurs » desseins que faciles à se laisser corrompre, ils s'en servent

(1) Les diétines dans lesquelles étaient nommés les nonces', se nommaient ante-comitiales ( ante comitates), et celles qui suivaient la tenue de la diète, et dans lesquelles les nonces rendaient compte de leur mandat se nommaient post-comitiales (post comitates).

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pour fomenter les divisions ou pour les éteindre, pour ap» puyer les projets de nos rois ou pour les contredire, pour opprimer leurs ennemis ou pour favoriser leurs créatures. » C'est par eux qu'ils soumettent tout à leurs sentimens, et qu'ils viennent à bout de ce qu'ils ne pourraient, ni n’oseraient faire eux-mêmes, sans encourir la jalousie des >> mauvais citoyens, ou l'indignation de ceux qui aiment » véritablement leur patrie.

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Rien ne serait sans doute plus avantageux que la puis»sance des nonces, telle qu'on eut d'abord dessein de l'établir, ils ne s'occuperaient qu'à entretenir, entre les rois » et le peuple, une intelligence si parfaite que l'autorité » royale ne penchât point vers la tyrannie, ni la liberté populaire vers la licence; mais les passions l'emportent sur » la justice, et les intérêts particuliers sur le bien de l'état; l'imprudence prévaut sur le bon sens, l'ignorance sur le savoir, la présomption sur la sagesse; les plus bruyans, les plus hautains, les plus colères font taire la raison et en imposent au mérite; de-là, les troubles, les séditions, les » guerres civiles, l'oppression de la liberté, et, dans le sein » même de la république, presque autant de républiques différentes, qui, aisées à détruire les unes par les autres, » semblent annoncer la ruine entière de celle où elles se sont » formées et que l'on reconnaît à peine, en la voyant sans force, sans défense et presque sans sujets (1).

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La suite des événemens nous montrera la justesse de quelques-unes de ces observations; et nous allons voir se développer successivement les formes et les vices de cette constitution par laquelle un roi décoré d'un vain titre sẹ trouvait placé au milieu d'une république de nobles et d'un peuple d'esclaves.

Jagellon ou Uladislas Ier eut pour successeur Uladislas II;

(1) Histoire générale de Pologue, par M. de Solignac.

Casimir IV, frère de ce dernier, mourut en 1492, après avoir battu les chevaliers de l'ordre teutonique, dans plusieurs occasions; mais ce succès doit être attribué plutôt au courage des troupes, qu'aux talens du roi.

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Jean Albert et Alexandre, l'un et l'autre fils de Casimir IV, héritèrent successivement du sceptre de leur père; le choix des Polonais en faveur d'Alexandre fut déterminé par cette considération qu'il était déjà duc de Lithuanie, et qu'en montant sur le trône de Pologne, les liens qui unissaient la Lithuanie au royaume, et qui étaient près de se rompre, se trouvaient fortement resserrés. Il fut convenù que les Lithuaniens et les Polonais ne feraient qu'un seul et même peuple soumis à un même roi; que ce roi serait toujours élu 'dans la Pologne, que les grands et les nonces de Lithuanie concourraient à le choisir; que les deux nations n'auraient plus que les mêmes conseils, les mêmes prérogatives, les mêmes intérêts, les mêmes monnaies; que tout serait commun entre elles, à cela près qu'elles conserveraient chacune dans leurs tribunaux, les formes de prócédure et les règles de droit qui leur étaient particulières. Toutefois cette réunion ne fut vonsommée qu'en 1569, époque à laquelle on reconnut formellement que la Lithuanie était incorporée à la Pologne, indépendamment des droits antérieurs et personnels que le roi régnant pouvait avoir sur cette province (1).

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Sigismond premier succéda à Alexandre, et lui-même eut pour successeur son fils Sigismond Auguste.

L'esprit de liberté et d'indépendance, qui animait les nobles Polonais, fesait chaque jour des progrès nouveaux ; on peut s'en former une juste idée, en lisant quelques-uns des discours prononcés par les nonces dans la diète et même

(1) Voy. Code des lois, vol. 2, an 1569, pag. 766 et 770, § 4; et pag. 775 et 776.

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