Page images
PDF
EPUB

Pologne, qui mourut sans enfans, valut la couronne de ce royaume à Louis, qui porta d'un côté ses conquêtes jusqu'à Naples, en Sicile et à Jérusalem; qui, de l'autre, enleva aux grands ducs de Russie une partie de leurs états, et repoussa les Tartares jusques sur les bords du Pont-Euxin.

Louis mourut en 1382, sans laisser d'enfans mâles; mais les Hongrois, dans un mouvement d'enthousiasme, voulurent que sa fille montat sur le trône, à condition qu'elle partagerait les soins de l'administration avec sa mère Élisabeth, jusqu'à ce que son mari Sigismond, roi de Bohême, fût en âge de régner. Il ya dans cette élection une singularité remarquable, c'est qu'afin de ne pas déroger à un usage constant qui jusque - là avait écarté les femmes du trône, les Hongrois donnèrent à la fille de Louis le titre de roi, Rex Maria.

Toutefois l'innovation ne tourna pas à l'avantage de la nation. Le règne de Marie et de Sigismond fut un des plus malheureux que présente l'histoire de Hongrie; il fut agité par des troubles continuels. Un palatin, qui gouvernait l'état sous le nom des jeunes princes, fut le premier qui fit repentir les Hongrois de l'hommage précipité qu'ils avaient voulu rendre à la mémoire de leur dernier roi: sous l'administration de cet officier, les vexations qu'eurent à souffrir les Hongrois n'eurent pas de bornes. Aussi se déterminèrent-ils alors à offrir la couronne à Charles, roi de Naples, et neveu de Louis; mais à peine ce prince' eut-il mis le pied sur le sol de Hongrie, qu'il fut assassiné par le palatin, sous les yeux de Marie et d'Élisabeth, qui l'avaientelles-mêmes attiré dans le piége. La mort de Charles ne resta pas impunie, un ban de Croatie se chargea du soin de la vengeance, et il l'exécuta avec des circonstances atroces; l'assassin tombe d'abord sous ses coups, pendant que ses complices Marie et Élisabeth sont traînées par des chevaux fougueux; Elisabeth est ensuite jetée dans un fleave; sa fille dans un cachot, après avoir été exposée à la brutalité la plus infâme. Cependant Sigismond, parvenu à sa vingtième année,

[ocr errors]

s'avançait avec un corps de troupes pour réclamer sa cou ronne à son approche, la reine est mise en liberté, et lé féroce veugeur de Charles périt à son tour de la manière la plus barbare.

Le règne des jeunes époux s'était ouvert sous les plus funestes auspices, la suite correspond au commencement; toute sa durée ne fut qu'une suite de guerres, de troubles et de calamités pour la Hongrie. Marie mourut en 1392, et cet événement fut le signal de nouvelles divisions, dont surent profiter les Turcs pour s'emparer de la Bulgarie. Enfin, succombant sous les efforts de ses ennemis, le roi est forcé de prendre la fuite; mais les chefs de la révolte s'emparent de lui, le mettent en prison, et offrent la couronne à un nouveau souverain. Sigismond parvint cependant à écarter les obstacles que le sort semblait lui susciter; il recouvra son royaume, et mourut en 1437, ne laissant qu'une fille, dont le mariage avec Albert, archiduc d'Autriche, transféra la couronne de Hongrie dans une nouvelle maison.

S IV.

De la Hongrie jusqu'à l'avènement de la dynastie autrichienne. ( 1437 - 1562, )

Le règne d'Albert fut très-court, et il fut le germe de ces guerres civiles qui désolèrent le royaume sous l'administration des Ladislas et des Corvin; toutefois une des époques les plus glorieuses de l'histoire de Hongrie est celle du règne de Mathias Corvin qui, à peine âgé de seize ans, fut élevé au trône par le choix libre de la nation, en 1458.

Mathias fut la terreur des Turcs durant tout son règne ; il leur enleva les conquêtes qu'ils avaient précédemment faites, il dépouilla l'empereur Frédéric III de l'Autriche; mais avec lui s'éclipsa la gloire de la Hongrie; et sous le règne de ses successeurs, princes faibles et indolens, le royaume fut en proie aux fureurs des factions, et ravagé par les armées des Turcs.

il

Soliman-le-Grand fut celui qui fit le plus sentir le poids de ses armes aux Hongrois; deux fois, en 1521 et en 1526, porta la guerre dans ce pays; c'est lui qui gagna la fameuse victoire de Mohacz où vingt-deux mille Hongrois restèrent sur le champ de bataille; le roi de Hongrie y perdit la vie.

La mort de ce prinçe laissait vacans les deux trônes de Bohême et de Hongrie. Ferdinand d'Autriche, qui avait épousé sa sœur, prétendit avoir des droits à ces couronnes; d'un autre côté, Jean de Zapoyla, vaivode de Transilvanie, éleva également des prétentions; deux partis se formèrent. Les états déférèrent la couronne au dernier qui, poussé vivement par Ferdinand également couronné par la noblesse, à Presbourg, finit par se mettre sous la protection des Turcs. Cependant il fut signé entre les deux princes, en 1538, un traité en vertu duquel, après la mort de Zapoyla, la totalité du royaume de Hongrie devait revenir à Ferdinand; traité qui reçut plus tard une exécution partielle seulement, car les Turcs, protecteurs du fils de Zapoyla, parvinrent à retenir sous leur puissance une partie des pays qui lui avaient obéi, et à obtenir de Ferdinand un tribut annuel pour ce qu'ils lui abandonnaient. Le traité conclu entre Ferdinand et les Turcs est de 1562.

SECONDE PARTIE.

DE LA HONGRIE,

DEPUIS L'AVÉNEMENT DE LA MAISON D'AUTRICHE,

SI.

Rois électifs de la maison d'Autriche. (1562-1705.)

Tour sembla se réunir pour attirer sur la malheureuse Hongrie des fléaux de tout genre, depuis le moment où la couronne passa sur la tête de princes étrangers. La première cause qui attisa le feu des discordes civiles fut l'intolérance que les princes autrichiens eurent l'imprudence de manifester contre le protestantisme; la nouvelle doctrine de Luther et de Calvin avait un grand nombre de partisans dans le royaume, et surtout en Transilvanie. Les vexations dont ils furent l'objet, jointes aux atteintes portées à l'ancienne constitution du royaume, furent un prétexte raisonnable pour les mécontens de lever l'étendard de la révolte; plusieurs seigneurs se constituèrent successivement en rébellion ouverte, et forcèrent les rois de Hongrie, par actes de 1606, de 1622, de 1645 et de 1647, à accorder l'exercice public de la religion protestante et à redresser les griefs politiques, dont on avait à se plaindre.

Ges concessions semblaient devoir établir une paix durable; mais il n'en fut pas ainsi, et après que la liberté civile et religieuse des Hongrois eurent été reconnues, les troubles continuèrent dans ce royaume.

Les Turcs Ottomans partageaient avee la maison d'Autriche la domination de la Hongrie; une guerre éclata entre les

[ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]
[ocr errors]

deux puissances, et fut suivie d'un traité qui déplut beaucoup aux Hongrois, sans le concours desquels il avait été conclu. Leurs griefs contre la cour de Vienne se réveillèrent plus fortement que jamais. Ils se plaignaient nommément de ce que l'empereur entretenait des troupes allemandes dans le royaume, qu'il confiait à des étrangers les principales forteresses, et qu'il mettait des entraves à la liberté du culte. »

La cour de Vienne méprisa ces plaintes : les seigneurs se liguèrent; plusieurs furent accusés d'intelligence avec les Turcs, et condamnés, en 1671, comme criminels de lèzemajesté; ils portèrent leur tête sur l'échafaud: un grand nombre de ministres protestans furent ou exilés ou condamnés aux galères : cette sévérité, la suppression de la dignité de palatin, les rapines et les cruautés de toute espèce exercées par les troupes allemandes achevèrent de soulever tous les esprits; la guerre civile éclata, et avec elle la guerre entre les Turcs et les Impériaux. Ceux-ci, soutenus par la Pologne, Venise et les Russes, remportèrent des victoires éclatantes, qui mirent d'abord en leur pouvoir toute la partie de la Hongrie, que les Turcs possédaient, qu'ils reprirent bientôt après; mais pour la céder enfin définitivement par la paix de de Carlowitz en 1699, lorsque l'Autriche, dégagée de ses guerres avec la France, put tourner toutes ses forces contre la puissance des Ottomans.

C'est surtout depuis le règne de Maximilien II, fils de Ferdinand mort en 1576, qu'on vit la Hongrie dans une opposition constante contre ses souverains dont elle ne pouvait parvenir à secouer le joug; chaque élection nouvelle faisait éclater l'aversion des Hongrois pour des maîtres qui les regardaient comme un héritage. C'est au milieu de ces dissensions que s'écoulèrent les règnes de Rodolphe H, de Mathias II, de Ferdinand II, de Ferdinand III, de Ferdinand IV, enfin de Léopold I". C'est sous ce dernier qu'eut lieu la fameuse bataille de Mosach, en 1687, qui ne fut pour les Impériaux que le prélude de nouveaux succès.

« PreviousContinue »