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Si ton augufte fils n'a point vu le Permesse
Enfanter fous fes loix ce Mortel fi fameux,
Il a dans fes neveux un Sujet que la Grèce
Eût placé dès l'enfance au rang des demi-Dieux.
Je
eune encor, fes écrits excitèrent l'envie;
Mais il en triompha par leur fublimité.
A peine il vit briller l'aurore de fa vie,
Qu'il vous parut déja dans fa maturité.
S'il cueillit en Neftor les fruits de fa jeuneffe,
Dix-fept luftres n'ont point ralenti fes talens ;
L'âge qui détruit tout, rajeunit fa vieilleffe,
Son génie étoit fait pour braver tous les temps.
Albion (a), qui prétend nous fervir de modelle,
Croit que Locke & Newton n'eurent jamais d'é-
gaux;

Le Germain, que Leibnitz compte peu de ri

vaux ;

Et nous que l'Univers n'aura qu'un Fontenelle.
Prodigue en fa faveur, le Ciel n'a point borné
Les préfens qu'il lui fit aux feuls dons du génie.
Minerve l'inftruifit; & fon cœur fut orné
De toutes les vertus par les foins d'Uranie.
Loin de s'énorgueillir de l'éclat de fon nom,
Modefte, retenu, fimple, même timide,
On diroit quelquefois qu'il craint d'avoir rai-
fon,

Et n'ofe prononcer un avis qui décide.

(a) L'Angleterre.

Illuftres Compagnons de ce brave Nestor,
Affemblés pour lui ceindre une double couronne,
Pour la rendre à fes yeux plus précieuse encor,
Parez-la des lauriers que votre main moissonne.
C'est ici le féjour de l'immortalité :

En vain mille ennemis attaquent votre gloire,
Ces Auteurs ténébreux pafferont l'onde noire;
C'est vous qui tiendrez lieu de la postérité.
Si les écrits pervers, la noirceur, l'impudence,
Ont fermé votre temple aux hommes fans hon-

neur;

Les talens, le génie & la noble candeur
Ont toujours parmi vous trouvé leur récompenfe.
Le foin de célébrer le plus grand des mortels,
N'eft pas, quoique conftant, le feul qui vous

anime;

Quelquefois des mortels d'un ordre moins fu→

blime

Ont vu brûler pour eux l'encens fur vos autels. Daignez donc foutenir le zèle qui m'inspire; Pour chanter Fontenelle, il faut plus d'une voix. Ranimez les accens d'un vieux Chantre aux

abois,

Ou du moins un moment prêtez-moi votre lyre.
Affidu parmi vous, dix luftres de travaux
Ont déja fignalé fa brillante carrière;

Mais ce ne fut pour vous qu'un instant de lu

mière ;

Condamnez Fontenelle à dix luftres nouveaux.

X

Pour pénétrer le Ciel & fes routes profondes,
Deftin, accorde-lui des jours fains & nombreux.
Il en fallut beaucoup pour parcourir les mondes,
Il en faut encor plus pour contenter nos vœux.

LETTRE

De M. MATY, Garde de la Bibliothèque
Britannique, à M. DE FONTENELLE,
en lui envoyant le Poëme de Vauxhall *.
AIMABLE & fage Fontenelle,

Toi, que dans le déclin des ans,
Orne une guirlande immortelle
De fleurs que l'Amour renouvelle,
fétrir le temps;

Et que ne peut
Sage Platon, divin Orphée,
Que Minerve & que Cythérée
Empêchent même de vieillir,
Où pourrai-je te découvrir?
Sera-ce au haut de l'Empirée,
Où tu fuis les célestes corps ;
Dans cette profonde contrée,
Où tu fais badiner les morts;
Ou fur les bords d'une fontaine,
Près de Corylas & d'Ismène,

Dont tu fens & peins les transports?

*La Lettre & le Poëme fe trouvent dans le Journal

Britannique, par le même M. Mary, Avril 1750..

30

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D

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T'irai-je chercher au portique,
Dont tu dévoiles les leçons;

Au fond de quelque temple antique,
Que tu dépeuples de démons;
Ou bien au spectacle magique
Dont ta Mufe anime les fons?
Si de ces demeures fublimes,
Encor vers les terreftres lieux,
Tu daignes abaiffer les yeux;
Reçois avec ces foibles rimes,
Mon encens, mon cœur & mes vœux.

Oui, c'est à vous, c'eft au Peintre des Graces & à l'Interprête de la Sageffe, que j'offre des effais dont l'exécution eft peut-être plus imparfaite que l'entreprise ne fut téméraire. Mais l'une & l'autre le fuffent-elles davantage, elles me fourniffent du moins une occafion de m'adresser à l'homme qui, de toutes les beautés » de la France, eft celle que je regrette » le plus de n'avoir jamais vu (a). J'ai d'autant plus de plaifir de vous rendre cet hommage, qu'il ne fera foupçonné de partialité par aucun de > ceux qui ont lu vos Ouvrages

α.

(a) M. Maty eft venu depuis à Paris en 1764.

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Vivez long-temps, vivez toujours aimable,
Entre la fageffe & les ris.

Vous feriez immortel, fi le fort équitable
Vous permettoit de vivre autant que vos écrits.
Londres, le 9 Octobre 1741.

Tout le monde connoît le bel endroit du Temple du Goût de M. DE VOLTAIRE fur M. DE FONTENELLE. Après avoir parlé de Rouffeau & de la Motte, & dit que Rouffeau pafferoit devant la Motte en qualité de Verfificateur, mais que la Motte auroit le pas toutes les fois qu'il s'agiroit d'efprit & de raifon, M. de Voltaire continue de la manière fuivante.

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» Ces deux hommes fi différens n'avoient pas fait quatre pas, que l'un pâlit de colère, & l'autre treffaillit » de joie, à l'aspect d'un homme qui étoit depuis long-temps dans ce Temple, tantôt à une place, tantôt

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» à une autre.

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C'étoit le difcret Fontenelle,
Qui, par les beaux Arts entouré,
Répandoit fur eux, à son gré,

Une clarté douce & nouvelle.

Dans la première Edition du Temple du Goût, il y avoit fage, au lieu de diferet, dans le premier vers; & pure, au lieu de douce, dans le quatrième,

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