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fini? J'ai dit dans ma Préface tout ce que je favois. J'avoue qu'il refte toujours quelque obfcurité; mais en vérité il s'en diffipe une grande partie, quand on entre dans le détail étonnant de tous les ufages que la Géométrie fait faire de cet infini. Seroit-il poflible qu'une chimere fût fi exactement fyftématique, fi bien foutenue par tout, fi invariable, &c. Ce feroit bien cette fois-là que Dieu nous tromperoit. Je fuis, &c.

LETTRE XI.

AU MEM E.

Paris, 21 Mars 1744.

E fuis bien flatté, Monfieur, de l'honneur que vous me faites de vous fouvenir encore de moi après un fi long-temps de filence de part & d'autre. M. Vimielle vous dira avec quelle joie je reçus votre Lettre. Je ne fuis point étonné qu'on réimprime votre Livre des Bêtes pour la troifiéme fois, quoiqu'affurément ces fortes de lectures

ne foient pas pour le plus grand nombre, même de ceux qui lifent. Celui-ci eft folidement raifonné pour le fond, & bien ordonné pour la forme; ce qui n'eft pas commun aux bons Ouvrages même.

Vous n'avez pas befoin de M. Vernet pour le raisonnement que je vous ai communiqué par lui, & dont vous pouvez faire tel ufage qu'il vous plaira. Je fus bien aife autrefois de l'avoir imaginé, pour m'en fervir contre un homme d'un grand nom (t), qui ne pensoit pas comme vous. Le voici.

Quand je dis à l'oreille d'un homme, & bien bas: enfuyez-vous; je vois des Archers qui viennent vous prendre; fes jambes prennent auffi-tôt un mouvement trèsviolent pour fuir, & ce mouvement n'eft pas proportionné au petit ébranlement que ma voix a caufé à ses oreilles, mais à une certaine idée que j'ai portée dans fon efprit; car, quand je lui aurois dit les mêmes paroles avec une trompette à augmenter le fon, il n'en auroit pas fui plus vite. Il y a une infinité d'exemples pareils. Or les mou

(t) Le Pere Malebranche.

vemens des animaux ne font point proportionnés aux caufes matérielles qui en ont été l'origine, mais feulement à quelque penfée ou caufe fpirituelle. Donc, &c. Il vous fera aifé, Monfieur, de mettre cet argument dans tout fon jour, & même avec une forte de beauté & d'élégance.

Je me fouviens affez de votre Traité de la certitude morale, pour vous dire que fi vous avez deffein, comme je le crois, qu'il ait trait à la Religion, il faut y ajouter ce qui peut regarder les faits furnaturels; car je ne ferai peut-être pas obligé à croire un miracle fur les mêmes preuves qui me fuffiroient pour la Bataille de Pharfale: mais il me femble, à vue de Pays, qu'en approfon= diffant la matiere, ainfi que vous en êtes très-capable, il peut fe trouver là-deffous quelque chofe de folide, de neuf & d'intéreffant.

Voilà tout ce que je puis avoir l'honneur de vous dire préfentement; car, pour en dire davantage, il me faudroit plus de loifir & de méditation, & même une nouvelle lecture de votre Livre. Ce n'eft pas que depuis que j'ai quitté le Secrétariat de l'Académie des

Sciences, je n'aye plus de temps à moi; mais j'ai pris depuis peu un engage ment, qui, quoique purement volontaire, m'en enleve beaucoup ; & puis pour tout dire, je me fens du grand âge qui me gagne, & je ne me crois plus capable du même travail qu'autrefois. Je fuis, &c.

LETTRE XII.

DE M. BOULLI E R.

AG

Amfterdam, 30 Juin 1741.

Gréez, Monfieur, un petit préfent que je vous envoie au nom d'un de mes amis & au mien. Ce font des Lettres fur les vrais principes de la Religion (u), où je crois que vous trouverez d'affez bonnes chofes. On y défend les droits de la révélation Chrétienne contre les atteintes qu'a voulu lui porter depuis peu un Sophifte des plus adroits, dont l'Ouvrage (x) a fait

(u) Cet Ouvrage eft de M. Boullier même. (x) Lettres fur la Religion effentielle par Ma demoiselle Hubert.

bruit parmi nous, & s'eft attiré plufieurs réponses. L'Auteur de celle-ci m'oblige à taire fon nom, mais il défire qu'elle vous parvienne par mon canal; perfuadé qu'il eft que toutes les matieres font également de votre reffort, & qu'une certaine Théologie ne fauroit déplaire aux vrais Philofophes. Je prends un intérêt plus particulier encore à quelques petites piéces qui font ajoutées à la fin. On y prend la défenfe de Pafcal, & l'on y traite de la nature de l'ame, & de fon immortalité; fujet chrétien & philofophique tout ensemble (y). Auffi oferai-je vous prier, Monfieur, (c'eft ce me femble une forte de droit que je me fuis acquis auprès de vous) de vouloir bien m'en dire votre fentiment.

Les Journaux m'apprennent votre démiffion de l'emploi de Secrétaire de l'Académie des Sciences. En vous félicitant d'un repos qui vous eft juftement dû, fouffrez, Monfieur, que je m'afflige de la perte irréparable que les Sciences font à cet égard, & qu'elles font plu

(y) Ces petites piéces ont été réimprimées féparément à Paris en 1753, fous le titre de Lettres Critiques, &c. On les trouve chez Duchefne. Ce font des réponses à M. de Voltaire.

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