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Si mon avis, Amours, étoit fuivi da vôtre;
Je crois qu'il faudroit obliger
Et la Mufette & le Berger,

A certains devoirs l'un vers l'autre.
Le Berger ne dira rien d'amoureux, de doux,
Si ce n'eft avec fa Mufette :

Elle diftinguera fon Berger entre tous,
Et pour tout autre elle fera muette.
De plus, quelque tendre chanfon
Que le Berger à fa Mufette inspire,
Elle ne pourra fe dispenser de la dire,
Ni de la prendre sur son ton.

On fut affez fatisfait de la harangue du petit Amour ; & tous les Amours fe féparerent, après avoir réfolu qu'on vous propoferoit le nom de Mufette, & à moi le nom de Berger.

Si vous acceptez le vôtre, fongez je vous prie, que le Berger voudroit bien que fa Mufette ne fe fit point employer à des chanfons triftes ni plaintives, mais feulement à celles où l'on marque fa reconnoiffance à l'Amour.

SONGE A IRIS.

1678.

Ris, je rêvois l'autre jour

Que deux petits Amours, envoyés par leur maî

tre,

Nous enlevoient tous deux, pour nous mener paroître

Au tribunal du grand Amour.
Moi qui fentois ma confcience nette,
J'allois gaiment d'un pas délibéré;
Pour vous, vous n'aviez pas le vifage affuré,
Et je vous trouvois inquiette.

Sans ceffe vous difiez : Amours, je fuis Iris,
Dont le cœur n'a jamais connu votre puiffance;
Il faut que l'on fe foit mépris:

Mais on n'écoutoit point vos cris.

De l'Amour en cela la méthode eft fort bonne; Contre fa violence on a beau protefter,

Il vous laiffe tout dire, & loin qu'il s'en étonne,
Va fon chemin fans s'arrêter.

A fon grand tribunal enfin on nous présente
Il n'avoit plus ni l'air foumis & doux,
Ni la figure fuppliante

Qu'il avoit toujours fait paroîtré devant vous,

1

Mais fierement affis comme un Juge févere,
Il ne reffembloit point au plus galant des Dieux:
Un grand regître ouvert qu'il parcouroit des
yeux,

Sembloit exciter fa colere.

C'est là qu'il voit en un moment
Les affaires de fon Empire.

Chaque petit Amour vient chaque mois écrire
Ce qui fe paffe à fon gouvernement;
Un gouvernement, c'eft-à-dire,

Une Belle avec fon Amant.

Par exemple, un Amour sujet à rendre compte De tout ce qui dépend de fon petit emploi, Vient écrire aujourd'hui Climene, sous fa

loi,

:

A fu ranger, fi vous voulez, Oronte:

I

Et puis un mois après: Climene s'attendrit, Reçoit les vœux d'Oronte, & n'en reçoit plus

d'autres.

Le mois fuivant il eft écrit :

La Climene eft des nôtres.

C'est ainsi qu'on trouve à la fois

L'état de tous les cœurs dans ce vafte mé moire.

Heureux les Amans dont l'histoire

Change beaucoup de mois en mois.

Pour le petit Amour que fon devoir engage A veiller fur nos cœurs tombés dans fon par

tage,

Depuis plus de deux ans que j'avance fort peu, Il avoit chaque mois le même compte à rendre Iris promet un aveu tendre,

Iris promet un tendre aveu:

Du couroux de l'Amour c'étoit ici la caufe.
Qu'eft ceci, difoit-il, & chagrin & surpris?
Déja depuis deux ans fur l'article d'Iris,
Je vois toujours la même chofe,

Toujours l'aveu promis, & rien après cela,
Celles qui dès ce temps faifoient même pro-

meffe,

Ont mille & mille fois avoué leur tendreffe ;
Vraiment elles n'en font plus là,
Ce regître, quoiqu'assez ample,
Ne me fournit aucun exemple
D'une affaire qui faffe auffi peu de progrès.
Alors de mon côté, commençant à me plaindre
Je crus qu'avec l'Amour j'allois être d'accord;
Car, que votre parti fût extrêmement fort,
C'est ce que je penfois n'avoir pas lieu de crain

dre.

Taifez-vous, me dit-il; vous lui perfuadez Que votre amour n'en feroit pas moins ten

dre,

Quand elle ne devroit jamais vous faire entendre Cet aveu que vous demandez;

C'est bien là comme il s'y faut prendre,

Aimez d'un amour fi conftant

Qu'il vous plaira, j'en fuis content

Mais faites quelquefois entrevoir à la Belle Qu'en fe défendant trop, elle courroit hasard De ne pas infpirer une flamme éternelle. Suffit-il que l'on foit fidelle?

Il faut l'être avec un peu d'art.

Je n'entends pourtant pas qu'Iris tire avantage Du peu d'adreffe de l'Amant.

Çà donc, Iris, qu'on change de langage;
Qu'on dife, j'aime, en ce même moment,
Mais, Amour, eft-il nécessaire,

Lui difiez-vous d'un air affez foumis ?
Ce tendre aveu dès long-temps eft promis;
Promettre un aveu, c'eft le faire.

Non, en termes exprès, il faut vous déclarer,
Pour la premiere fois, que ce mot coûte à dire!
Vous avez eu deux ans à vous y préparer,
Cela ne doit-il pas fuffire?

Vous tombiez, belle Iris, dans un doux embar

ras;

Mais l'Amour demandoit la chofe un peu plus claire.

Quoi vous vous obftinez, reprit-il, à vous

taire ?

Hé bien, vous allez voir que pour d'autres appas,

Tircis négligera tous les foins de vous plaire.
La menace en nous deux fit un effet contraire.
Vous criâtes: Amour, ah! ne le faites pas.
Je répondis: Amour, vous ne le fauriez faire.
Enfin

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