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Amours jurerent qu'ils vous feroient un méchant parti, fi vous ne décidiez pas promptement cette queftion qui avoit caufé un fi grand défordre.

LES ZÉPHIRS (k).

1680.

CE fut entre les lieux où faifoient leur féjour, L'un de l'autre éloignés, Tircis & fa Bergere, Que deux Zéphirs, députés par l'Amour. Pour exercer un tendre miniftere,

Se rencontrerent l'autre jour. L'un portoit à Tircis les foupirs que la Belle Envoyoit au trifte Berger :

L'autre s'étoit voulu charger

Des foupirs du Berger pour elle. Car l'Amour a toujours mille & mille Zéphirs, Qui, rangés à l'envi fous fon obéissance,

Portent en tous lieux les foupirs

Que les cœurs amoureux pouffent pendant l'abfence,

Vers les objets de leurs défirs.

(k) Il y a une autre piéce avec le même titre & fur le même fujet, parmi les Pocfies de l'Auteur, Tome IV; mais ces deux morceaux font différens..

Nos deux Zéphirs d'abord fe reconnurent, Et voici l'entretien qu'ils eurent.

ZÉPHIR DE TIRCIS.

Je ne demande point, cher Zéphir, où tu vas; Sans doute l'on t'envoie aux lieux que j'aban

donne.

Ton ambaffade eft-elle bonne ? Et portes-tu bien de tendres hélas ?

ZÉPHIR D'IRIS.

Pas trop & franchement j'en voulois davan

tage;

Car le peu de foupirs qu'on me donne à porter, Ne me femble pas mériter

Qu'un Zéphir entreprenne un affez long voya

ge:

Mais dis-moi vîte, es-tu bien chargé, toi

ZÉPHIR DE TIRCIS.

Ah! vraiment je ne puis fuffire

A tout ce que Tircis me veut donner d'em

ploi.

Porter tous fes foupirs! cela de bonne foi
Paffe les forces d'un Zéphire.

Quoique j'aye affez voyagé

Pour les Amans éloignés de leurs Belles, Depuis qu'à ce métier on exerce mes aîles, Jamais je ne fus fi chargé.

ZÉPHIR D'IRIS.

A ce compte, Tircis, grace à l'inquiétude,
Et grace aux peines qu'il reffent,

Fait les devoirs d'Amant abfent
Dans la derniere exactitude.

ZÉPHIR DE TIRCIS.

Sans doute on n'a point vu dans l'empire amou

reux,

De paffion plus exemplaire.

Il ne reffemble point aux Amans du vulgaire, Qui, dans l'éloignement, chagrins en dépit

d'eux,

Peftant contre un Amour fâcheux, Seroient ravis de s'en pouvoir défaire. Tircis, quoique plongé dans un cruel ennui, Ne l'accufe jamais de trop de violence : Les maux que lui caufe l'absence, Puifqu'ils viennent d'Iris, ont des charmes pour

lui.

Iris feule l'occupe ; & quand il la regrette,
Il goûte la douceur fecrette

D'en faire fon feul entretien.
Puifqu'il ne voit point ce qu'il aime,
Il fe fait un plaifir extrême

De ne prendre plaifir à rien.

Je ne fais pas, pour moi, comment on ofe, De cinq ou fix foupirs, payer un tel Amant ;

Et je ne fais non plus comment
Tu lui pourras offrir fi peu de chofe.

ZÉPHIR D'IRIS.

Il fera trop content, va, j'en fuis affurė
Mais vois-tu je me perfuade
Qu'Iris pourroit avoir un peu plus soupiré
Qu'il n'eft dit dans mon ambaffade.
Iris eft un terrible esprit ;

Epargner les aveux, c'eft fa grande maxime.
Elle envoie à Tircis, qui loin d'elle languit,
Quelques légers regrets par maniere d'acquit :
Pour les foupirs trop doux, ia Belle les fupprimne.
Quand, à ce pauvre Amant inquiet, éloigné,
Elle peut dérober une bonne partie

De la peine qu'elle a fentie,
Elle croit avoir bien gagné.

ZÉPHIR DE TIRCIS.

Auffi j'ai remarqué que d'une étrange forte
L'Amour eft défiant fur le compte d'Iris :
Il ne peut croire encor fon cœur affez bien pris,
Témoin les ordres que je porte.

ZÉPHIR D'IRIS.

Quels ordres portes-tu ?

ZÉPHIR DE TIRCIS.

Telle eft expreffément

Dans

Dans le féjour d'Iris la loi qu'Amour impose, Que tout de fon Berger lui parle à tout mo

ment;

Car on craint que fon cœur n'en parle rarement, Si fur fon cœur on s'en repose.

Si la belle Iris rêve à fon tendre Berger, L'Amour veut qu'à l'envi tout flatte la Bergere, Il veut que d'une aîle légere

Les Zéphirs autour d'elle aient foin de voltiger; U veut que les oifeaux, en chantant leurs

amours,

Entretiennent fes rêveries (1);

Mais dès qu'elle ofera goûter d'autres plaifirs
Que ceux de s'occuper d'un Berger fi fidelle,
Il veut que les oifeaux, les ruiffeaux, les Zé-

t

phirs,

Tous, à l'envi, fe déclarent contr'elle,

ZÉPHIR D'IRIS.

Si l'Amour fe défie, il est fûr d'autre part
Qu'Iris n'eft pas fans défiance.

Si tu favois combien de prévoyance
Elle a fait voir à mon départ :
Elle m'a dit cent fois : Ecoute;

Quand tu feras parti, Zéphir, arrête-toi ̧
Si tu ne trouves fur la route
Un Zéphir envoyé vers moi:

(1)

IL manque deux vers pour rimer aux deux précédens, Tome XI.

B b

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