Montrez-lui ce que c'est que cette indifférence Qui régna fi long-temps dans mon cœur endurci; Vous voyez qu'il fe fie en fa perfévérance; Plus l'ennemi vous paroît redoutable, Et plus vous trouverez de gloire à mériter : C'est justement parce qu'il eft aimable, Qu'à de plus grands efforts il faut vous exciter. De plus, quand vous m'aurez laiffée, Si Tircis me laiffoit, à parler franchement, Je ferois bien embarraffée, De n'avoir plus ni vous ni mon Amant. Donnez-moi donc le temps d'éprouver fa conf tance, Avant qu'à vous quitter je puiffe consentir; Souvent les Amans font trompeurs, Et malgré tous leurs foins & toutes leurs dou ceurs, Il eft bon que l'on fe défende : Car dès qu'ils font les maîtres de nos cœurs, On remarque combien la différence eft grande, De ces Amans foumis à des Amans vainqueurs. Mais enfin, fi de moi vous vous trouvez trop laffe, Quand Tircis m'aura fait croire ce qu'il me dit, Alors moi-même je vous chaffe ; Ce Tircis dans mon cœur remplira votre place, Je l'aimerai pour vous faire dépit. APOLLON A IRIS (i). Vos vers, aimable Iris, ont fait du bruit ici, On vous nomme au Parnaffe une petite Mufe. Puifque votre début a si bien réuffi, Vous irez loin, ou je m'abuse. Nos Poëtes galans l'ont beaucoup admiré ; · Les femmes beaux efprits, telles que fut la Suze, Pour dire tout, l'ont un peu cenfuré. Je fuis ravi que vous foyez des nôtres. Etre le Dieu des Vers feroit un fort bien doux, Si parmi les Auteurs il n'en étoit point d'autres, Que des Auteurs faits comme vous. (i) Cette Epitre & la fuivante font partie d'une piéce imprimée dans le Mercure de Décembre 1677, & intitulée Nouvelle à Madame de ......, par l'Auteur du Mercure. Elles font l'une & l'autre de M. de Fon senelle; mais la Nouvelle n'en eft pas. J'ai fur les beaux efprits une puiffance en tiere; Ils reconnoiffent tous ma Juridiction. Dont je fuis dégoûté d'une étrange maniere. Et même quelquefois dans mes brufques tran£ ports, Peu s'en faut qu'à jamais je ne les abandonne; Mais fi les beaux efprits étoient de jolis corps, Je me plairois à l'emploi qu'on me donne. Dès que vous me ferez l'honneur de m'invoquer, Fiez-vous-en à moi, je ne tarderai guère; Je vous dirai pourtant un point qui m'embarraffe. Un certain petit Dieu fripon, Je ne fais feulement fi vous favez fon nom, Que vos vers font de fa façon ; Et pour vous, m'a-t-il dit, confolez-vous, de grace; Ce n'est pas vous dont elle a pris leçon, Quoiqu'il fe pare en vain de ce faux avantage, Il a quelque fujet de dire ce qu'il dit : Vous parlez dans vos vers un assez doux lan gage, Et peut-être après tout l'Amant dont il s'agit, Jugeroit que du cœur ces vers feroient l'ou vrage, Si par malheur pour lui vous n'aviez trop d'ef prit. N'allez pas de l'Amour devenir l'écoliere, Adieu, charmante Iris; j'aurai foin que la rime, Quand vous compoferez, ne vous refuse rien : Mais que ce foit moi feul au moins qui vous anime, Autrement tout n'iroit pas bien. A L'AMOUR A IRIS. 1678. Vez-vous lu mon nom, fans changer de couleur ? Votre furprife, Iris, n'eft-elle pas extrême ? Raffurez-vous; mon nom fait toujours plus de peur Que je n'en aurois fait moi-même. Votre Ouvrage galant, début affez heureux, Franchement, Apollon n'eft pas d'un grand fecours; En matiere de vers je ne le craindrois guere, D'auffi bons écoliers que j'en fais tous les jours. Quels travaux affidus pour former un Poëte, On eft quitte avec moi de tout cet embarras ; |