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dans le péché, je me reprochois déja depuis affez long-temps l'abus que je faifois de votre excès de bonté. Il est vrai que je favois de vos nouvelles, & que je ne manquois jamais de m'en informer à ceux qui pouvoient m'en apprendre; mais cela fuffifoit-il? Oh que non: & quel tort n'avois-je pas encore? Je vous demande donc pardon, Madame, & à deux genoux; ce feront là vos étrennes, quoique peu dignes de vous. Je suis un malheureux, indigne de vivre, mais qui ne puis pas me paffer de votre amitié, que j'efpere pouvoir mériter d'ailleurs. Vous m'en avez flatté, & c'est un bien qui me fera toujours très-précieux.

LETTRE XIII.

J'A

A LA MÊME.

25 Septembre 1746.

AI affez fait, Madame, mon perfonnage de pareffeux. J'ai voulu par politique le faire même à votre égard, afin que perfonne ne fe crût plus en

droit de fe plaindre. Mais enfin il eft temps que cela finiffe, & que je réponde à la plus obligeante Lettre du monde que j'ai reçue de vous. Je vous prie de ne pas douter un moment que je ne la fente comme je dois ; & en tout cas je vous en convaincrois tôt ou tard.

Je n'ai point de nouvelles à vous donner fur ma fanté; c'est toujours la même chofe, & je fuis feulement étonné que ce foit fi long-temps la même chofe; car il faut pourtant, &c. mais je ne veux pas infifter là-deffus.

Mes filles (b) font, comme vous favez, hors de chez elles, fur une branche qui s'eft trouvée là par hafard pour les recevoir, mais parfaitement libres, & peut-être trop ; peut-être fententelles déja les inconvéniens de ce qu'el les ont tant fouhaité. Pour vous, Madame, je vous confeille, mais très-férieusement, d'achever joyeusement votre automne, comme vous l'avez com. mencée ; & quand vous jugerez à propos de revenir ici, comptez que vous ferez reçue dans la grande perfection.

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(b) Mesdemoiselles de Marfilly. Leur aïeule Madame de Marfilly, venoit de mourir.

"

PORTRAIT

DE M. DE FONTENELLE,

Par feu Madame DE FORGEVILLE,
en 1726.

LEs perfonnes ignorées font trops

peu d'honneur à celles dont elles parlent, pour que j'ofe mettre au grand jour ce que je penfe de M. de Fontenelle; mais je ne puis me refuser en fecret le plaifir de le peindre ici tel qu'il me pa roît.

Sa phyfionomie annonce d'abord son efprit; un air du monde répandu dans toute fa perfonne, le rend aimable dans toutes fes actions.

Les agrémens de l'efprit en excluent fouvent les parties effentielles. M. de Fontenelle raffemble tout ce qui fait aimer & refpecter. La probité, la droiture, l'équité compofent fon caractere; une imagination vive, brillante, des tours fins, délicats, des expreffions nouvelles, & toujours heureufes, en font l'ornement. Son coeur est

pur,

fes

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procédés font nets, fa conduite uniforme, & par-tout des principes.

Exigeant peu, juftifiant ou excufant tout; faififfant toujours le bon, & abandonnant fi fort le mauvais, que l'on pourroit douter s'il l'a apperçu ; difficile à acquérir, mais plus difficile à perdre; exact en amitié, fcrupuleux en amour, l'honnête homme n'eft négligé nulle part; propre aux commerces les plus délicats, quoique les délices des Savans; modefte dans fes difcours, fimple dans fes actions. La fupériorité de fon mérite fe montre, mais il ne la fait jamais fentir.

De pareilles difpofitions perfuadent aifément le calme de fon ame; auffi la poffede-t-il fi fort en paix, que toute la malignité de l'envie n'a point eu encore le pouvoir de l'altérer. Enfin l'on pourroit dire de lui ce qui a déja été dit d'un autre grand homme (c), qu'il honore l'humanité.

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LETTRE

De M. DE BREVEDENT à Madame DE FORGEVILLE, qui lui avoit demandé de la part de M. l'Abbé Trublet, s'il n'avoit point quelques Lettres de M. de Fontenelle (d).

JE

11 Mars 1758.

E ne vous ai point crue en l'autre monde, Madame; j'ai fu au contraire par tout ce qui a parlé de vous, combien vous faifiez d'honneur à cedui-ci. J'ai feulement penfé qu'auffi touchée que vous l'avez été de la plus grande des pertes, il vous reftoit peu de fenfibilité pour tout ce qui étoit incapable de la réparer. Vous jugez bien par ce fentiment, que l'apparence de

(d) J'ai cru pouvoir placer cette Lettre à la fuite de celles de M. de Fontenelle à Madame de Forgeville, parce qu'elle m'a paru propre à juftifier ce qu'on y a lu fur M. de Brevedent. Quoique je le faffe fans lui en avoir demandé la permiffion, je me flatte qu'il ne le trouvera point mauvais.

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