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étaient alors respectés, quoique sur le déclin de leur puissance, laissèrent les massacres s'accomplir librement au milieu de Paris, parce qu'ils avaient l'ambition et l'espoir d'élever leur domination sur les décombres sanglants de la monarchie.

Les Girondins, sur lesquels un grand poëte a répandu, de notre temps, les couleurs de sa palette et les illusions de son esprit, appartiennent à un type éternel des révolutions humaines : ils étaient de cette variété d'ambitieux qui vont chercher dans les forces extérieures et déréglées un bélier dont ils frappent et renversent le gouvernement de leur pays, lorsqu'ils n'ont pas réussi à le vaincre par le jeu régulier des institutions. Ils détruisent presque toujours les pouvoirs établis et ils ne les remplacent presque jamais, supplantés qu'ils sont habituellement par leurs auxiliaires, devenus rapidement leurs maîtres.

Aux époques spécialement militaires, les grands ambitieux de cette espèce s'appellent Coriolan ou le connétable de Bourbon; sous le régime des assemblées politiques, ils se nomment Caïus Gracchus ou Mirabeau.

Un exemple récent aurait dû éclairer et arrêter

les Girondins dans leur œuvre insensée, si, en politique, les fautes d'un parti profitaient jamais aux

autres.

Les Constituants, pressés de dominer, s'étaient appliqués à vaincre la monarchie, à l'aide de forces extérieures, toujours plus ou moins désordonnées ; ils avaient créé une garde nationale parisienne, pour l'opposer à l'armée, et des clubs pour les opposer aux ministres; mais à peine avaient-ils détruit la puissance royale, qu'ils s'aperçurent que l'ordre, la sécurité et les lois étaient détruits avec elle. Les ambitieux de la Constituante étaient donc arrivés à ce résultat, en fait d'autorité politique: ils avaient remplacé Versailles par le club des Jacobins.

Héritiers des Constituants, les Girondins suivront la même voie et recommenceront les mêmes fautes. Seulement, comme tout s'était aggravé, l'abîme dans lequel ils tomberont sera plus profond; les Constituants n'avaient été qu'exilés, les Girondins seront égorgés.

On pourrait, à côté de chaque page des fautes de la Constituante, placer une page exactement pareille des fautes de la Législative.

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Comme elle, on la vit rompre sans cesse le cercle de ses attributions constitutionnelles, usurper sur les pouvoirs de la royauté; et lorsque Louis XVI lui opposa son droit ou sa conscience, l'Assemblée eut recours, pour le soumettre, aux violences de l'émeute.

Un roi plus habile, plus rompu aux affaires, ayant à la fois une douceur moins débonnaire et une fermeté plus soutenue, aurait usé et affaibli, en les mettant aux prises avec les difficultés du gouvernement, les principaux de ces ambitieux, rêveurs pour la plupart, et dont la plus ardente passion était de servir.

C'est en effet dans un dernier et violent effort pour s'imposer, comme ministres, au monarque vaincu, que les Girondins renversèrent la. monarchie; et comme ils n'avaient pour principes que l'esprit de domination, ils poursuivirent le pouvoir à travers le sang et les apostasies, sans réussir à atteindre autre chose que la proscription, la mort et la honte.

Les massacres de Septembre sont la plus haute expression de ce que des ambitieux peuvent faire ou laisser faire d'horrible, en vue d'ar

river, à tout prix, au gouvernement de leur pays.

Ce livre est le premier, consacré au récit de ce lugubre événement, où la vérité soit dite tout entière, et appuyée sur des preuves irrécusables.

Jusqu'ici, les plus graves historiens de la Révolution française, M. Thiers, M. Mignet, M. de Lamartine, M. Michelet, M. Louis Blanc, acceptant, faute d'avoir pu la contrôler sérieusement, une ancienne tradition sur les massacres de Septembre, les avaient présentés comme le résultat regrettable d'une exaspération populaire, terrible, indomptable et imprévue, produite par la nouvelle répandue à Paris, le dimanche 2 septembre 1792, de l'entrée des Prussiens à Verdun.

D'après cette tradition, les volontaires de Paris, appelés aux armes, auraient résolu, avant de voler aux frontières, d'exterminer les aristocrates enfermés dans les prisons, ne voulant pas qu'ils pussent, en leur absence, égorger leurs femmes et leurs enfants.

L'examen même superficiel des faits aurait peutêtre dû suffire pour discréditer une fable aussi manifeste.

D'un côté, en supposant, contre toute probabi

Paris. - Imprimé chez Bonaventure et Ducessois,

55, quai des Augustins.

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