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On attend de leurs nourrissons
Ce qu'un talent exquis et rare
Fait estimer dans nos chansons.
Apollon y joindra ses sons,
Lui-même il apporte sa lyre.
Déjà l'amante de Zéphyre
Et la déesse du matin

Des dons que le printemps étale
Commencent à parer la salle
Où se doit faire le festin.

O vous pour qui les dieux ont des soins si pressants,
Bourbon, aux charmes tout-puissants,
Ainsi qu'à l'âme toute belle;

Conti, par qui sont effacés

Les héros des siècles passés;

Conservez l'un pour l'autre une ardeur mutuelle.
Vous possédez tous deux ce qui plaît plus d'un jour,
Les grâces et l'esprit, seuls soutiens de l'amour,
Dans la carrière aux époux assignée,
Prince et princesse, on trouve deux chemins:
L'un de tiédeur, commun chez les humains;
La passion à l'autre fut donnée.

N'en sortez point, c'est un état bien doux,
Mais peu durable en notre âme inquiète :
L'amour s'éteint par le bien qu'il souhaite;
L'amant alors se comporte en époux.
Ne sauroit-on établir le contraire,
Et renverser cette maudite loi?

Prince et princesse, entreprenez l'affaire.
Nul n'osera prendre exemple sur moi.
De ce conseil faites expérience,
Soyez amants fidèles et constants :
S'il faut changer, donnez-vous patience,
Et ne soyez époux qu'à soixante ans.

Vous ne changerez point. Ecoutez Calliope;
Elle a pour votre hymen dressé cette horoscope :

Pratiquer tous les agréments
Qui des époux font les amants,
Employer sa grâce ordinaire,
C'est ce que Conti saura faire.
Rendre Conti le plus heureux
Qui soit dans l'empire amoureux,
Trouver cent moyens de lui plaire,
C'est ce que Bourbon saura faire.

Apollon m'apprit l'autre jour
Qu'il naîtroit d'eux un jeune Amour
Plus beau que l'enfant de Cythère,
En un mot, semblable à son père.
Former cet enfant sur les traits
Des modèles les plus parfaits,
C'est ce que Bourbon saura faire;
Mais de nous priver d'un tel bien,
C'est à quoi Bourbon n'entend rien.

XXVI. - La Ligue des Ruts.

Une souris craignoit un chat

Qui dès longtemps la guettoit au passage. Que faire en cet état? Elle, prudente et sage, Consulte son voisin: c'étoit un maître rat,

Dont la rateuse seigneurie
S'étoit logée en bonne hôtellerie,

Et qui cent fois s'étoit vanté, dit-on,
De ne craindre ni chat, ni chatte,

Ni coup de dent, ni coup de patte.

Dame souris, lui dit ce fanfaron,

Ma foi! quoi que je fasse,

Seul je ne puis chasser le chat qui vous menace :

Mais assemblons tous les rats d'alentour,

Je lui pourrai jouer d'un mauvais tour.

La souris fait une humble révérence;

Et le rat court en diligence

A l'office, qu'on nomme autrement la dépense,

Où maints rats assemblés

Faisoient, aux frais de l'hôte, une entière bombance.

Il arrive, les sens troublés,

Et tous les poumons essoufflés.

Qu'avez-vous done? lui dit un de ces rats; parlez.

En deux mots, répond-il, ce qui fait mon voyage,

C'est qu'il faut promptement secourir la souris;

Car Raminagrobis

Fait en tous lieux un étrange carnage.

Ce chat, le plus diable des chats,

S'il manque de souris, voudra manger des rats. Chacun dit: Il est vrai. Sus! sus! courons aux armes! Quelques rates, dit-on, répandirent des larmes. N'importe, rien n'arrête un si noble projet :

Chacun se met en équipage;

Chacun met dans son sac un morceau de fromage;
Chacun promet enfin de risquer le paquet.
Ils alloient tous comme à la fête,
L'esprit content, le cœur joyeux.
Cependant le chat, plus fin qu'eux,
Tenoit déjà la souris par la tête.
Ils s'avancèrent à grands pas
Pour secourir leur bonne amie :
Mais le chat, qui n'en démord pas,

Gronde, et marche au-devant de la troupe ennemie.

A ce bruit, nos très-prudents rats,
Cmignant mauvaise destinée,

Font, sans pousser plus loin leur prétendu fraças,

Une retraite fortunée.

Chaque rat rentre dans son trou :

Et si quelqu'un en sort, gare encor le matou.

XXVII. - Daphnis et Alcimadure.

Imitation de Théocrite.

A MADAME DE LA MÉSANGÈRE.

Aimable fille d'une mère

A qui seule aujourd'hui mille cœurs font la cour, Sans ceux que l'amitié rend soigneux de vous plaire,

Et quelques-uns encor que vous garde l'amour,

Je ne puis qu'en cette préface

Je ne partage entre elle et vous

Un peu de cet encens qu'on recueille au Parnasse,

Et que j'ai le secret de rendre exquis et doux.

Je vous dirai done.... Mais tout dire

Ce seroit trop; il faut choisir,

Ménageant ma voix et ma lyre,

Qui bientôt vont manquer de force et de loisir.
Je loûrai seulement un cœur plein de tendresse,
Ces nobles sentiments, ces grâces, cet esprit :
Vous n'auriez en cela ni maître ni maîtresse,
Sans celle dont sur vous l'éloge rejaillit.
Gardez d'environner ces roses
De trop d'épines, si jamais
L'amour vous dit les mêmes choses :
Il les dit mieux que je ne fais;
Aussi sait-il punir ceux qui ferment l'oreille
A ses conseils. Vous l'allez voir.

Jadis une jeune merveille

Méprisoit de ce dieu le souverain pouvoir;
On l'appeloit Alcimadure:

Fier et farouche objet, toujours courant aux bois,
Toujours sautant aux prés, dansant sur la verdure,

Et ne connoissant autres lois

Que son caprice; au reste, égalant les plus belles,
Et surpassant les plus cruelles;
N'ayant trait qui ne plût, pas même en ses rigueurs :
Quelle l'eût-on trouvée au fort de ses faveurs!
Le jeune et beau Daphnis, berger de noble race,
L'aima pour son malheur: jamais la moindre grâce,
Ni le moindre regard, le moindre mot enfin,

Ne lui fut accordé par ce cœur inhumain.

Las de continuer une poursuite vaine;

Il ne songea plus qu'à mourir :

Le désespoir le fit courir

A la porte de l'inhumaine.

Hélas! ce fut aux vents qu'il raconta sa peine;

On ne daigna lui faire ouvrir

Cette maison fatale où, parmi ses compagnes,
L'ingrate, pour le jour de sa nativité,

Joignoit aux fleurs de sa beauté

Les trésors des jardins et des vertes campagnes.
J'espérois, cria-t-il, expirer à vos yeux;

Mais je vous suis trop odieux,

Et ne m'étonne pas qu'ainsi que tout le reste
Vous me refusiez même un plaisir si funeste.

Mon père, après ma mort, et je l'en ai chargé,

Doit mettre à vos pieds l'héritage
Que votre cœur a négligé.

Je veux que l'on y joigne aussi le pâturage,
Tous mes troupeaux, avec mon chien;
Et que du reste de mon bien

Mes compagnons fondent un temple

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<< Daphnis mourut d'amour: Passant, arrête-toi,

>> Pleure, et dis: Celui-ci succomba sous la loi

>> De la cruelle Alcimadure. >>>

A ces mots, par la Parque il se sentit atteint :
Il auroit poursuivi; la douleur le prévint.
Son ingrate sortit triomphante et parée.

On voulut, mais en vain, l'arrêter un moment

Pour donner quelques pleurs au sort de son amant:
Elle insulta toujours au fils de Cythérée,

Menant dès ce soir même, au mépris de ses lois,
Ses compagnes danser autour de sa statue.

Le dieu tomba sur elle, et l'accabla du poids :

Une voix sortit de la nue,

Écho redit ces mots dans les airs épandus :
« Que tout aime à présent: l'insensible n'est plus. >>>
Cependant de Daphnis l'ombre au Styx descendue
Frémit et s'étonna la voyant accourir.

Tout l'Erèbe entendit cette belle homicide
S'excuser au berger, qui ne daigna l'ouïr,
Non plus qu'Ajax Ulysse, et Didon son perfide.

XXVIII. - Le Juge arbitre, l'Hospitalier, et le Solitaire.

Trois saints, également jaloux de leur salut,

Portés d'un même esprit, tëndoient à même but.
Ils s'y prirent tous trois par des routes diverses :
Tous chemins vont à Rome; ainsi nos concurrents
Crurent pouvoir choisir des sentiers différents.
L'un, touché des soucis, des longueurs, des traverses,
Qu'en apanage on voit aux procès attachés,
S'offrit de les juger sans récompense aucune,
Peu soigneux d'établir ici-bas sa fortune.
Depuis qu'il est des lois, l'homme, pour ses péchés,
Se condamne à plaider la moitié de sa vie :
La moitié! les trois quarts, et bien souvent le tout.
Le conciliateur crut qu'il viendroit à bout
De guérir cette folle et détestable envie.
Le second de nos saints choisit les hôpitaux.
Je le loue; et le soin de soulager les maux
Est une charité que je préfère aux autres.
Les malades d'alors, étant tels que les nôtres,
Donnoient de l'exercice au pauvre hospitalier;
Chagrins, impatients, et se plaignant sans cesse :
« Il a pour tels et tels un soin particulier,

» Ce sont ses amis; il nous laisse. >>>

Ces plaintes n'étoient rien au prix de l'embarras

Où se trouva réduit l'appointeur de débats.

Aucun n'étoit content; la sentence arbitrale

A nul des deux ne convenoit :
Jamais le juge ne tenoit

A leur gré la balance égale.

De semblables discours rebutoient l'appointeur;

Il court aux hôpitaux, va voir leur directeur.

Tous deux, ne recueillant que plainte et que murmure,

Affligés, et contraints de quitter ces emplois,
Vont confier leur peine au silence des bois.

Là, sous d'apres rochers, près d'une source pure,
Lieu respecté des vents, ignoré du soleil,

Ils trouvent l'autre saint, lui demandent conseil.
Il faut, dit leur ami, le prendre de soi-même,
Qui, mieux que vous, sait vos besoins?
Apprendre à se connoître est le premier des soins
Qu'impose à tous mortels la majesté suprême.
Vous êtes-vous connus dans le monde habité?
L'on ne le peut qu'aux lieux pleins de tranquillité:
Chercher ailleurs ce bien est une erreur extrême.

Troublez l'eau: vous y voyez-vous?
Agitez celle-ci. Comment nous verrions-nous?

La vase est un épais nuage

Qu'aux effets du cristal nous venons d'opposer.

-

Mes frères, dit le saint, laissez-la reposer,
Vous verrez alors votre image.

Pour vous mieux contempler, demeurez au désert.
Ainsi parla le solitaire.

Il fut cru; l'on suivit ce conseil salutaire.

Ce n'est pas qu'un emploi ne doive être souffert.

Puisqu'on plaide et qu'on meurt, et qu'on devient malade,
Il faut des médecins, il faut des avocats.

Ces secours, grâce à Dieu, ne nous manqueront pas :
Les honneurs et le gain, tout me le persuade.
Cependant on s'oublie en ces communs besoins.
O vous, dont le public emporte tous les soins,
Magistrats, princes et ministres,

Vous que doivent troubler mille accidents sinistres,
Que le malheur abat, que le bonheur corrompt,
Vous ne vous voyez point, vous ne voyez personne.
Si quelque bon moment à ces pensers vous donne,
Quelque flatteur vous interrompt.

Cette leçon sera la fin de ces ouvrages :
Puisse-t-elle être utile aux siècles à venir!
Je la présente aux rois, je la propose aux sages:
Par où saurois-je mieux finir?

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