Hercule, lui dit-il, aide-moi; si ton dos Ton bras peut me tirer d'ici. Hercule veut qu'on se remue; Puis il aide les gens. Regarde d'où provient Ote d'autour de chaque roue Ce malheureux mortier, cette maudite boue Qui jusqu'à l'essieu les enduit; Prends ton pic, et me romps ce caillou qui te nuit; Le monde n'a jamais manqué de charlatans: Tantôt l'un en théâtre affronte l'Achéron; Un des derniers se vantoit d'être En éloquence si grand maître, Qu'il rendroit disert un badaud, Un manant, un rustre, un lourdaud ; Oui, messieurs, un lourdaud, un animal, un âne: Et veux qu'il porte la soutane. Le prince sut la chose il manda le rhéteur. Un fort beau roussin d'Arcadie; J'en voudrois faire un orateur. Sire, vous pouvez tout, reprit d'abord notre homme. On lui donna certaine somme. Il devoit au bout de dix ans Mettre son âne sur les bancs : Sinon il consentoit d'être en place publique Et les oreilles d'un baudet. Quelqu'un des courtisans lui dit qu'à la potence Le roi, l'âne, ou moi, nous mourrons. Il avoit raison. C'est folie De compter sur dix ans de vie. Soyons bien buvants, bien mangeants; Nous devons à la mort de trois l'un en dix ans. La déesse Discorde ayant brouillé les dieux, Et fait un grand procès là-haut pour une pomme, On la fit déloger des cieux. Chez l'animal qu'on appelle homme On la reçut à bras ouverts, Elle et Que-si-que-non, son frère, Elle nous fit l'honneur en ce bas univers A celui des mortels qui nous sont opposés, Et qui, se mariant sans prêtre et sans notaire, Pour la faire trouver aux lieux où le besoin La Renommée avoit le soin La Renommée enfin commença de se plaindre Que l'on ne lui trouvoit jamais De demeure fixe et certaine; Bien souvent l'on perdoit, à la chercher, sa peine: Comme il n'étoit alors aucun couvent de filles, XXI. - La jeune Veuve. La perte d'un époux ne va point sans soupirs: Entre la veuve d'une année Et la veuve d'une journée La différence est grande; on ne croiroit jamais Que ce fût la même personne : L'une fait fuir les gens, et l'autre a mille attraits. L'époux d'une jeune beauté Partoit pour l'autre monde. A ses côtés sa femme La belle avoit un père, homme prudent et sage: A la fin, pour la consoler : Ma fille, lui dit-il, c'est trop verser de larmes : Qu'a besoin le défunt que vous noyiez vos charmes? Puisqu'il est des vivants, ne songez plus aux morts. Je ne dis pas que tout à l'heure Une condition meilleure Change en des noces ces transports: Mais après certain temps souffrez qu'on vous propose Un époux, beau, bien fait, jeune, et tout autre chosc Que le défunt. Ah! dit-elle aussitôt, Un cloître est l'époux qu'il me faut. Le père lui laissa digérer sa disgrâce. Un mois de la sorte se passe : L'autre mois, on l'emploie à changer tous les jours En attendant d'autres atours. Revient au colombier; les jeux, les ris, la danse, On se plonge soir et matin Le père ne craint plus ce défunt tant chéri. Où donc est le jeune mari Que vous m'avez promis? dit-elle. ÉPILOGUE. Bornons ici cette carrière; Les longs ouvrages me font peur. Loin d'épuiser une matière, On n'en doit prendre que la fleur. Il s'en va temps que je reprenne Un peu de forces et d'haleine Pour fournir à d'autres projets. Amour, ce tyran de ma vie, Veut que je change de sujets : Il faut contenter son envie. Retournons à Psyché. Damon, vous m'exhortez A peindre ses malheurs et ses félicités : J'y consens; peut-être ma veine En sa faveur s'échauffera. Heureux si ce travail est la dernière peine A MADAME DE MONTESPAN. L'apologue est un don qui vient des immortels; Ou si c'est un présent des hommes, Quiconque nous l'a fait mérite des autels : Nous devons tous, tant que nous sommes, Le sage par qui fut ce bel art inventé. C'est proprement un charme : il rend l'âme attentive, Ou plutôt il la tient captive, Nous attachant à des récits Qui mènent à son gré les cœurs et les esprits. Le temps qui détruit tout, respectant votre appui, C'est de vous que mes vers attendent tout leur prix; Dont vous ne connoissiez jusques aux moindres traces: Mais il faut réserver à d'autres cet emploi; Olympe, c'est assez qu'à mon dernier ouvrage Par qui j'ose espérer une seconde vie : Je ne mérite pas une faveur si grande; La fable en son nom la demande : Un mal qui répand la terreur, Inventa pour punir les crimes de la terre, La peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom), Faisoit aux animaux la guerre. Ils ne mouroient pas tous, mais tous étoient frappés: On n'en voyoit point d'occupés A chercher le soutien d'une mourante vie, Nul mets n'excitoit leur envie : Ni loups ni renards n'épioient La douce et l'innocente proie: Les tourterelles se fuyoient; Plus d'amour, partant plus de joie. Le lion tint conseil, et dit: Mes chers amis, Je crois que le ciel a permis Pour nos péchés cette infortune: Que le plus coupable de nous Se sacrifie aux traits du céleste courroux; On fait de pareils dévoûments. Ne nous flattons donc point, voyons sans indulgence Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons, Que m'avoient-ils fait? nulle offense. Le berger. Je me dévoùrai donc, s'il le faut : mais je pense Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi; . Car on doit souhaiter, selon toute justice, Que le plus coupable périsse. Sire, dit le renard, vous êtes trop bon roi; Vos scrupules font voir trop de délicatesse. Eh bien! manger moutons, canaille, sotte espèce, Et quant au berger, l'on peut dire Etant de ces gens-là qui sur les animaux Du tigre, ni de l'ours, ni des autres puissances, Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples matins, Qu'en un pré de moines passant, La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et, je pense, Je tondis de ce pré la largeur de ma langue. A ces mots on cria haro sur le baudet. Un loup, quelque peu clerc, prouva par sa harangue Qu'il falloit dévouer ce maudit animal, Ce pelé, ce galeux, d'où venoit tout leur mal. D'expier son forfait. On le lui fit bien voir. Selon que vous serez puissant ou misérable, Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. Que le bon soit toujours camarade du beau, Dès demain je chercherai femme : Mais comme le divorce entre eux n'est pas nouveau, Ne trouvez pas mauvais que je ne cherche point. Rien ne la contentoit, rien n'étoit comme il faut; Vous la renvoie à la campagne Avec les gardeurs de cochons. Au bout de quelque temps qu'on la crut adoucie, Ils n'ont des troupeaux nul souci. Je leur savois bien dire, et m'attirois la haine Eh! madame, reprit son époux tout à l'heure, Qu'un moment avec vous, et ne revient qu'au soir, Que feront des valets qui, toute la journée, Que vous voulez qui soit jour et nuit avec vous? Je vous rappelle, et qu'il m'en prenne envie, Les Levantins en leur légende Disent qu'un certain rat, las des soins d'ici-bas, Dans un fromage de Hollande Se retira loin du tracas. La solitude étoit profonde, Notre ermite nouveau subsistoit là-dedans. Il fit tant, de pieds et de dents, Un jour, au dévot personnage S'en vinrent demander quelque aumône légère : Chercher quelque secours contre le peuple chat. On les avoit contraints de partir sans argent, De la république attaquée. Ils demandoient fort peu, certains que le secours Seroit prêt dans quatre ou cinq jours. Mes amis, dit le solitaire, Les choses d'ici-bas ne me regardent plus. Que de prier le ciel qu'il vous aide en ceci? Le nouveau saint ferma sa porte. Qui désigné-je, à votre avis, Par ce rat si peu secourable? Un moine? Non, mais un dervis : Je suppose qu'un moine est toujours charitable. Tous approchoient du bord, l'oiseau n'avoit qu'à prendre. Mais il crut mieux faire d'attendre Qu'il eût un peu plus d'appétit : Il vivoit de régime, et mangeoit à ses heures. Des tanches qui sortoient du fond de ces demeures. Comme le rat du bon Horace : Moi, des tanches! dit-il moi, héron, que je fasse Du goujon! c'est bien là le dîner d'un héron! La faim le prit: il fut tout heureux et tout aise Ne soyons pas si difficiles : Les plus accommodants, ce sont les plus habiles; Gardez-vous de rien dédaigner, Surtout quand vous avez à peu près votre compte. Le Chien qui lâche sa proie pour l'ombre. Certaine fille, un peu trop fière, Prétendoit trouver un mari Jeune, bien fait, et beau, d'agréable manière, Point froid et point jaloux : notez ces deux points-ci. Cette fille vouloit aussi Qu'il eût du bien, de la naissance, De l'esprit, enfin tout. Mais qui peut tout avoir ? Le destin se montra soigneux de la pourvoir : Il vint des partis d'importance, La belle les trouva trop chétifs de moitié : C'étoit tout, car les précieuses Font dessus tout les dédaigneuses. Après les bons partis, les médiocres gens Vinrent se mettre sur les rangs. Elle de se moquer. Ah! vraiment je suis bonne La belle se sut gré de tous ces sentiments. Le chagrin vient ensuite; elle sent chaque jour Puis ses traits choquer et déplaire : Puis cent sortes de fards. Ses soins ne purent faire Se peuvent réparer : que n'est cet avantage Sa préciosité changea lors de langage. Tiennent la maison propre, ont soin de l'équipage, Et quelquefois du jardinage. Si vous touchez à leur ouvrage, Vous gatez tout. Un d'eux près du Gange autrefois Et le jardin surtout. Dieu sait si les zéphyrs, Pour plus de marques de son zèle, A ses pareils si naturelle : Firent tant que le chef de cette république, Le changea bientôt de logis. Ordre lui vient d'aller au fond de la Norvége En tout temps couverte de neige: 3. Qu'un temps fort court, un mois, peut-être une semaine. Employez-la formez trois souhaits; car je puis Rendre trois souhaits accomplis: Trois, sans plus. Souhaiter, ce n'est pas une peine Ceux-ci, pour premier vou, demandent l'abondance. Verse en leurs coffres la finance, En leurs greniers le blé, dans leurs caves les vins : Les voleurs contre eux complotèrent, Au bout de deux souhaits, étant aussi chanceux Qui souhaitent toujours, et perdent en chimères Pour profiter de sa largesse, Quand il voulut partir et qu'il fut sur le point, Sa majesté lionne un jour voulut connoître Le prince à ses sujets étaloit sa puissance. Quel louvre! un vrai charnier, dont l'odeur se porta Sa grimace déplut, le monarque irrité Et la griffe du prince, et l'antre, et cette odeur: Qui ne fût ail au prix. Sa sotte flatterie Fut parent de Caligula. Le renard étant proche: Or çà, lui dit le sire, Alléguant un grand rhume: il ne pouvoit que dire Ceci vous sert d'enseignement: Ne soyez à la cour, si vous voulez y plaire, VIII. Les Vautours et les Pigeons. Mars autrefois mit tout l'air en émute. Met en son char: mais le peuple vautour, Pour un chien mort se fit, dit-on, la guerre. Le vaste enclos qu'ont les royaumes sombres. Dans les esprits d'une autre nation Au cou changeant, au cœur tendre et fidèle. Pour accorder une telle querelle: Tencz toujours divisés les méchants : La sûreté du reste de la terre Dépend de là. Semez entre eux la guerre; IX. Le Coche et la Mouche. Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé, Six forts chevaux tiroient un coche. Une mouche survient, et des chevaux s'approche, S'assied sur le timon, sur le nez du cocher. Et qu'elle voit les gens marcher, Elle s'en attribue uniquement la gloire, Va, vient, fait l'empressée : il semble que ce soit Un sergent de bataille allant en chaque endroit Faire avancer ses gens et hâter la victoire. La mouche, en ce commun besoin, Se plaint qu'elle agit scule, et qu'elle a tout le soin; Il prenoit bien son temps! Une femme chantoit : Et fait cent sottises pareilles. Après bien du travail, le coche arrive au haut. S'introduisent dans les affaires : Ils font partout les nécessaires; Et, partout importuns, devroient être chassés. X. La Laitière et le Pot au lait, Perrette, sur sa tête ayant un pot au lait, Bien posé sur un coussinet, Prétendoit arriver sans encombre à la ville. Notre laitière ainsi troussée Tout le prix de son lait; en employoit l'argent; D'élever des poulets autour de ma maison; S'il ne m'en laisse assez pour avoir un cochon. Le lait tombe; adieu veau, vache, cochon, couvée. Va s'excuser à son mari, En grand danger d'être battue. On l'appela le Pot au lait. Quel esprit ne bat la campagne? Picrocholle, Pyrrhus, la laitière, enfin tous, Autant les sages que les fous, Chacun songe en veillant; il n'est rien de plus doux : |