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A fon retour, avant que d'entreprendre de nouvelles conquêtes; il voulut immortalifer fon nom par l'établissement d'une ville qui répondit à la grandeur de fa puiffance: il l'appella Ninive, & la bâtit fur le bord oriental du * Tigre. Peut-être ne fit-il qu'achever l'ouvrage que fon pere avoit commencé. Son deffein, dit Diodore, fut de rendre Ninive la plus grande & la plus célebre ville du monde, & d'ôter à ceux qui viendroient après lui l'efperance & le moien d'en bâtir jamais une pareille. Elle avoit 150. ftades [fept lieues & demie ] de longueur, fur 90. stades [ 4. lieues & demie ] de largeur: & par conféquent elle faifoit un quarré long. Elle avoit de circuit quatre cens quatre-vingts ftades, qui font vingt-quatre lieues. De là vient que dans Jonas il eft dit que Ninive Jon. 3. 3♪ étoit une grande ville qui avoit trois jours de chemin, ce qui peut s'entendre de fon circuit. ** Les murs avoient

cent

*Diodore dit que ce fut fur le bord de l'Euphrate, en parle ainfi en plufieurs endroits, mais il fe trompe.

**Il est difficile de croire qu'il n'y ait pas de l'exagération dans ce que dit ici Diodore de l'étendue de Ninive. C'est ce qui a porté plu

J

cent piés de hauteur; & une épaiffeur fi confiderable, qu'on pouvoit y conduire à l'aife trois chars de front. Ils étoient revêtus & fortifiés de quinze cent tours, hautes de deux cens piés.

Après avoir achevé ce grand ouvrage, il reprit fon expédition contre les Bactriens. Son armée, au raport de Ctéfias, étoit de dix fepts cens mille homme de pié, de deux cens mille chevaux, & de près de feize mille chariots armés de faulx. Diodore ajoute que cela ne doit pas paroître incroiable, puifque, pour ne point parler des armées innombrables de Darius & de Xerxès, fous Denys le Tyran la feule Ville de Syracufe mettoit fur pié fix-vingts mille hommes d'infanterie, & douze mille de cavalerie, fans compter quatre cens vaiffeaux bien équipés: & que peu de tems avant Annibal l'Italie > en comptant les citoiens & les alliés ; pouvoit armer, près d'un million d'hommes. Ninus fe rendit maître d'un grand nombre de villes, & enfin s'attacha au fiege de Bactre capitale

du

plufieurs Savans à diminuer l'évaluation du Stade de prés de la moitié, en mettant quinze ftades pour le milie Romain, au lieu qu'on n'en met ordinairement que buit.

du pays. Il y auroit peut-être vů échouer tous fes efforts fans le fecours & l'induftrie de Sémiramis, femme d'un de fes premiers Officiers, laquelle étoit d'un courage extraordinaire, & n'avoit rien de la foibleffe de fon fexe. Elle étoit née à Afcalon, ville de Syrie. Je ne croi pas devoir raporter ici ce que Diodore raconte de fa naiffance, & de la maniere miraculeufe dont elle fut nourrie par des colombes, cet hiftorien même regardant tout ce récit comme fabuleux. Sémiramis fournit à Ninus le moien d'attaquer & de prendre la citadelle, & par là de fe rendre maître de la ville, où il trouva des tréfors immenfes. Le mari de Semiramis s'étant donné la mort à lui même pour prévenir l'effet des terribles menaces du Roi, qui avoit conçu une violente paffion pour fa femme, il l'époufa.

De retour à Ninive, il en eut un fils , qu'il nomma Ninyas. Bientôt après il mourut, & laiffa à la Reine le gouvernement du roiaume. Elle lui éleva un fuperbe tombeau, qui fubfifta encore longtems après la ruine de Ninive.

Je ne trouve nulle vraisemblance à
Tom. II.

B

ce

Plut. in ce que difent quelques Auteurs de la

Moral.

1.753.

Diod. 1.

95.

maniere dont Sémiramis monta fur le trône. Si on les en croit, fûre des Grands de l'Etat que fes bienfaits ou fes promeffes lui avoient attachés, elle fupplia fon mari avec les plus vives inftances de vouloir bien lui confier pour cinq jours la puiffance fouveraine. Il fe rendit à fes prieres, & toutes les provinces de l'empire eurent ordre d'obéir à Sémiramis. n'exécuta cet ordre que trop exactement pour l'infortuné Ninus, qui fut mis à mort ou fur le champ même, ou après quelques années de prifon. SEMIRA MIS.

On

CETTE Princeffe ne fongeoit qu'à 2. pag. immortalifer fon nom, & à couvrir la baffeffe de fa naiffance par la grandeur de fes entreprises. Elle fe propofa de furpaffer en magnificence fes prédéceffeurs, & bâtit Babylone, aiant emploié à la construction de cette ville fuperbe deux millions. d'hom

* On ne doit pas être furpris de voir que la fondation d'une même ville foit attribuée à différentes perfonnes. C'est un langage affez commun, même dans les Auteurs profanes, de dire qu'un Prince a bâti une ville, foit qu'il l'ait fondée le premier, foit qu'il l'ait embellie & augmentée.

d'hommes qu'elle ramaffa de toutes les parties de fon vafte empire. Quelques-uns de fes fucceffeurs s'appliquerent encore à orner & à embellir cette ville par de nouveaux ouvrages. Je les réunirai tous ici, pour en donner d'abord une idée plus jufte & plus fuivie.

Les principaux ouvrages qui ont rendu Babylone fi-fameufe, font les murailles de la ville; les quais & le pont; le lac, les digues, & les canaux faits pour la décharge du fleuve; les palais & les jardins fufpendus ; enfin le Temple de Bel: ouvrages d'une magnificence qu'on a peine à comprendre. M. Prideaux a traité cette matiere avec beaucoup d'étendue & d'érudition: je n'ai prefque fait ici que le copier ou l'abréger.

I. Les murailles.

180.

BABYLONE étoit fituée dans une Herod, vafte plaine, dont le terroir étoit ex. Lib. s trêmement gras & fertile. Ses murail- c. 178les étoient d'une grandeur prodigieu- Diod. 1. fe. Elles avoient cinquante coudées 2. P. 95. d'épaiffeur, qui font douze toifes & 96. demie; deux cens de hauteur, qui Q. Curt. font 50. toifes; & quatre cens quatre1.5. c. I. vingt stades de circuit, qui font vingt B 2

qua

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