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XI

L'impression générale que produit et que laisse le style de la Bruyère, c'est une impression de travail. Bien rares sont chez lui les endroits où l'on subisse l'effet captivant, le charme exquis de la nature naïvement éloquente. « Entre toutes les différentes expressions qui peuvent rendre une seule de nos pensées, il n'y en a qu'une qui soit la bonne. Tout ce qui ne l'est pas est faible, et ne satisfait pas l'esprit qui veut se faire entendre. » C'est lui qui le déclare, et, assurément, dans son livre, ces expressions adéquates et parfaites abondent; mais on sent trop souvent qu'elles ne sont pas contemporaines de la pensée qu'elles expriment, qu'elles n'ont pas éclos de prime abord avec elles, qu'elles n'ont pas été, comme on disait au XVIIe siècle, rencontrées. Elles sont trouvées; elles sont un résultat, une conquête; elles sont le produit artificiel d'une élaboration préparatoire. Et l'effet de cette production qui parfois, sans doute, était laborieuse, persiste et se trahit. Quelque habile que soit l'artiste à dissimuler le passé et l'échafaudage de sa phrase, elle garde trop souvent, de l'effort d'où elle est sortie, je ne sais quelle contraction peineuse, un air un peu fané, une sorte de ride au visage. Elle n'a pas la fraîcheur des roses spontanées. Si heureuse, si parfaite qu'elle soit, ou plutôt qu'elle soit devenue, il manque neuf fois sur dix, à cette perfection, à ce bonheur, cette fleur de grâce aisée ou de force facile qui fait les très beaux styles. Et voilà pourquoi (puisqu'il faut bien que toute critique, si elle veut juger, aboutisse à un discernement et à une hiérarchie) la Bruyère doit être mis, quoi qu'on en ait dit, au-dessous des premiers prosateurs de notre âge classique, au-dessous de Bossuet, de Mme de Sévigné, de Molière, de Saint-Simon et de Fénelon même. La facilité est un don gratuit de la nature, il est vrai, et un privilège qui n'a rien de méritoire, mais dont cependant la primauté souveraine doit être toujours réservée.

REBELLIAU, notice de l'édition Hachette.

LETTRES, DIALOGUES ET PORTRAITS

I

Lettre de Boileau à Racine pour lui recommander la Bruyère dans la prochaine élection de l'Académie française (1693).

(Paris. LICENCE, avril 1861. — Aisne. BREVET SUPÉRIEUR.

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Aspirants, 1890.)

II

Réponse de la Bruyère à un ami qui, par prudence, lui conseillait de ne point publier le livre des Caractères.

(Paris. LICENCE ÈS LETTRES, avril 1863.)

III

Lettre de la Bruyère à un de ceux qui avaient essayé de mettre des noms sous les Caractères.

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La Bruyère va voir Boileau dans sa maison d'Auteuil pour lui lire ses Caractères. Boileau est malade; il écoute cependant, félicite l'auteur, mais ajoute : « Vous n'avez oublié qu'un caractère, celui de l'auteur qui lit sans pitié ses ouvrages aux pauvres malades. »> On décrira la scène, en précisant le caractère esquissé par Boileau. (Paris. BACCALAUREAT.)

V

La Bruyère écrit à l'un de ses amis pour lui annoncer son projet de traduire et d'imiter Théophraste.

(Dijon. BACCALAUREAT.)

VI

La Bruyère avait traduit les Caractères de Théophraste. Un habitué de l'hôtel de Condé l'engage à prendre pour sujet de ses études les Caractères de son siècle.

VII

(Douai. BACCALAURÉAT.)

La Bruyère écrit à Boileau pour lui soumettre le manuscrit des Caractères et lui demander son avis avant de le remettre à l'imprimeur.

(Lyon. BACCALAURÉAT, juillet 1887.)

VIII

Après avoir tracé, à la façon de la Bruyère, le portrait de l'indécis, vous direz quelles peuvent être les causes qui produisent ce caractère.

(Nancy.

BACCALAURÉAT DE L'ENSEIGNEMENT SPÉCIAL, 1888.

IX

Expliquer ce mot de M. de Malézieu à la Bruyère lors de la publication des Caractères : « Voilà de quoi vous attirer beaucoup d'approbateurs et beaucoup d'ennemis. » On pourra traiter le sujet sous la forme d'une lettre écrite à la Bruyère par M. de Malézieu.

(Clermont.

BACCALAURÉAT DE L'ENSEIGNEMENT SPÉCIAL, octobre 1891.)

X

En 1687, la Bruyère proposa au libraire Michallet, dont il fréquentait la boutique, l'impression du manuscrit des Caractères. « Je ne sais, dit-il, si vous y trouverez votre compte; mais, en cas de succès, le produit sera pour ma petite amie >> (la fille du libraire, encore enfant). La vente de ce livre rapporta plus de cent mille francs, qui furent la dot de Mlle Michallet. La Bruyère mourut en 1696.

C. de Litt. - LA BRUYÈRE.

On supposera qu'au lendemain de sa mort, la petite Michallet, devenue Mme de Juilly, fait part, dans une lettre à une amie, de ses regrets. Elle rappellera l'histoire de sa dot, les souvenirs de son enfance, combien l'auteur des Caractères était simple, modeste et bon. Elle le lit, le relit. Elle apprendra à ses enfants à goûter son livre et à chérir sa mémoire.

(Seine. BREVET SUPÉRIEUR.

ΧΙ

Aspirantes, 1888.)

La Fontaine écrit à la Bruyère après avoir lu la première édition des Caractères.

Le Discours sur Théophraste et la traduction que la Bruyère a donnée des Caractères de cet auteur lui ont fait sentir plus vivement que jamais les finesses et les grâces de l'atticisme.

Mais, en imitant un tel modèle, la Bruyère l'a égalé, l'a surpassé peut-être, par des mérites nouveaux. La Fontaine esquissera un parallèle entre l'esprit grec, personnifié par Théophraste, et l'esprit français, personnifié par la Bruyère.

Le parti des modernes, qui voudrait fermer les portes de l'Académie aux partisans éclairés des anciens, les ouvrira sans doute devant un moderne qui n'est pas indigne de devenir luimême un classique.

XII

Le comte de Bussy écrit à l'un de ses amis de la province en lui envoyant la première édition des Caractères.

Au fond de la province on peut revoir la cour en lisant le livre étonnant où elle revit tout entière.

Tous ces originaux que la Bruyère fait passer sous nos yeux, il les a vus jadis, il les reconnaîtra. Bussy atteste l'exacte ressemblance des portraits avec des modèles, et esquisse quelques silhouettes de courtisans.

Il a vu la Bruyère à Chantilly et à Versailles; en quelques traits il peint la physionomie de cet observateur silencieux.

L'œuvre n'est que commencée. Bussy en prédit le succès, et se promet d'y contribuer en grossissant le trésor des observations accumulées par la Bruyère.

XIII

Le 9 août 1687, Boileau, qui se soigne aux eaux de Bourbon

d'une extinction de voix opiniâtre, écrit à Racine: « Je vous envoie un compliment pour M. de la Bruyère. » Les Caractères n'avaient pas encore paru, mais on en pouvait déjà connaître des fragments. On suppose que Racine va porter à la Bruyère le compliment de Boileau, et qu'une conversation s'engage entre eux sur l'ouvrage projeté.

XIV

La Bruyère explique à Bossuet, son protecteur, dans quel esprit il a imité Théophraste. Il ne cède ni au plaisir de la médisance ni à l'attrait de la gloire ; mais il a voulu être utile aux hommes à force d'être vrai, et il espère que sa sincérité ne déplaira pas à l'éloquent dénonciateur des lâchetés humaines.

XV

Bussy écrit à la comtesse de Toulongeon, sa sœur (26 janvier 1689): « Je vous porterai des livres nouveaux; ce sont les Églogues de Fontenelle, qui me ravissent, les Caractères de Théophraste par la Bruyère, les ouvrages de Mme Deshoulières, et la Manière de bien penser sur les ouvrages d'esprit, par le P. Bouhours. Tout cela vous plaira fort. »

Elle lit ces livres nouveaux, que Bussy lui apporte; ils lui plaisent, en effet, mais inégalement, et, dans un dialogue avec son frère, elle dit pourquoi les Caractères lui paraissent fort au-dessus du reste.

XVI

Cl. Fleury, qui remplaça la Bruyère à l'Académie, fait l'éloge de son illustre prédécesseur.

XVII

On sait que la Bruyère devait à Bossuet sa charge de précepteur du petit-fils de Condé. Bossuet le voyait parfois à Chantilly; un jour même, dit-on, il vint assister à l'une des leçons de la Bruyère, qui expliquait les Principes de Descartes, et il se montra, dit-on, fort satisfait de sa visi te. On suppose que, la leçon terminée, l'évêque et le précepteur s'entretiennent, non seulement de l'éducation du jeune prince, mais des règles de l'éducation en général, sujet familier au prélat qui avait fait l'éducation du Dauphin.

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