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CONCOURS RÉGIONAL AGRICOLE

DE NAPOLÉON -VENDÉE.

Année 1864

Monsieur Bouscasse ayant été empêché, par une grave indisposition, de se rendre à Napoléon, M. Damourette a été chargé d'être, dans la séance publique, l'organe de la Commission de la prime d'honneur.

DISCOURS DE M. DAMOURETTE.

MESDAMES,

MONSIEUR LE PRÉFET,
MESSIEURS,

« La Commission, chargée par Son Exc. le Ministre de l'agriculture d'explorer les propriétés qui ont concouru à la prime d'honneur, a trouvé votre département mieux favorisé par la nature qu'elle ne le supposait, d'après une antique réputation. Vous possédez, en effet, un sol varié, apte à toutes les productions; un climat qui n'exclut pas la vigne et qui donne, à vos prairies, la haute valeur de celles de la Normandie; une population saine et robuste,

sobre et honnête, dévouée aux intérêts du sol et étroitement attachée aux habitudes rurales; vous avez enfin, une des meilleures races de bêtes à corne de France. Que vous manque-t-il donc ? des chemins de fer !! A notre époque, où, grâce au télégraphe et à la vapeur, il n'y a plus de distances, il n'y a pas de débouchés certains et économiques sans chemins de fer; or, sans débouchés, l'agriculture progressive n'est pas possible. Ayez confiance dans le Souverain qui a mérité d'être nommé le premier économiste de son époque! Rappelez-vous l'appel qu'il adressait à la suite de la grande exhibition de Londres, en 1862, à l'initiative des exposants français! Et bientôt, vous cesserez d'être deshérités de ces puissants moyens de progrès.

« Neuf concurrents s'étaient mis sur les rangs. A la suite d'une première visite, au mois de juillet 1863, il fut décidé que trois d'entre eux seraient visités, de nouveau, au mois d'octobre. Après cette double épreuve, la Commission s'est arrêtée sur le domaine de la Débutrie, commune de Rochetrejoux, canton de Chantonnay, appartenant à M. Majou de la Débutrie qui l'exploite directement.

<< Dans un pays presque entièrement exploité par métayage, un des meilleurs moyens que possède le propriétaire pour déterminer le progrès agricole, c'est d'entreprendre la culture directe d'un de ses domaines; prêcher d'exemple ne peut manquer d'entraîner le métayer et de l'obliger peu à peu à modifier ses vicieuses coutumes.

<< Tel fut le système d'amélioration que, dès 1838, M. Majou de la Débutrie se proposa en prenant la direction de la terre qu'il venait de recevoir des mains de son père. D'une étendue de 600 hectares, cette propriété ne comprenait alors que neuf corps de ferme qui ne rapportaient ensemble que 12,000 fr., c'est-à-dire 20 fr. par hectare. Absence de toute voie de communication, débouchés à peu près nuls, impossibilité d'employer les amendements

calcaires, sol sans égouts, couvert d'ajoncs, de bruyères et de genêts, pauvreté proverbiale des colons, telles étaient les causes de cette déplorable situation.

<< Les premiers soins du propriétaire se portèrent sur la création de bonnes routes, et, pour arriver à son but, il lui fallut déployer les efforts les plus énergiques et les plus persévérants; il reconstruisit presque entièrement quinze corps de ferme, et vint pécuniairement en aide à plusieurs de ses métayers en complétant le cheptel qui leur était nécessaire. Il se préparait ainsi de puissants moyens d'action pour l'avenir.

« C'est en 1850 que M. Majou de la Débutrie fit bâtir le domaine attenant aux servitudes du château de la Débutrie. Les terres les plus voisines, pour la plupart en friches, étaient précisément les plus argileuses et les plus mouillées de toute la propriété. C'est par des nivellements et des transports de terre qui ont créé des pentes bien ménagées, par des saignées ouvertes et de larges empierrements, que l'assainissement a été obtenu, les labours profonds l'ont plus tard complété. Le drainage par tuyaux n'a pas ici rendu les services qu'on en obtient ailleurs; des obstructions par une matière humifère et alumino-ferrugineuse, ont atténué à plusieurs reprises son efficacité.

« Une superficie de 54 hectares fut attachée à cette nouvelle exploitation; 21 sont aujourd'hui en prairies, 30 hectares 33 ares en terres labourables et 2 hectares en vigne; ne sont point compris ici les bois et massifs qui ornent les alentours du château.

« Les prairies permanentes reposent sur un terrain fortement argileux qui conserve longtemps la fraicheur et la fertilité acquise; l'on ne dispose d'aucune eau de source pour les irriguer, mais on les arrose avec les eaux provenant des égouts des terres supérieures, des chemins de servitudes, et du trop plein d'un étang soigneusement ménagé; sur quelques points, des trous dans lesquels on

dépose du fumier sont traversés par ces eaux et les enrichissent, comme cela se pratique en Limousin. L'assainissement est partout suffisant.

« Les cultures reposent le plus souvent sur un sous-sol granitique et le sol a, presque partout, une profondeur suffisante; certaines parties sont imperméables, elles se battent beaucoup par les pluies et se durcissent à la sécheresse.

<< M. De la Débutrie a choisi pour ses terres un assolement de cinq ans où le trèfle remplit une sole, et le froment deux autres; les choux, les betteraves, les pommes de terre et le colza garnissent la première et la dernière.

«La fumure atteint au moins 80,000 kilog. de fumier d'étable par hectare pendant la durée de la rotation, avec la chaux, le terreau et les engrais pulvérulents; l'amélioration foncière doit nécessairement se produire, car la culture du colza est très-limitée, et deux céréales en cinq ans ne peuvent épuiser toute la fumure.

Chasser entièrement la culture du genêt, c'est un progrès immense en Vendée; bien nourrir le bétail à l'étable en est un autre non moins important, en dehors desquels le cultivateur vendéen chercherait vainement à rendre sa culture plus intensive.

« La Commission a eu l'occasion d'apprécier la bonne confection de tous les travaux, ils avaient été exécutés par le maître-valet de la réserve, qui est un ancien élève d'une de nos fermes-écoles; l'ordre qui règne partout et l'aspect général du domaine, lui a toujours présenté un ensemble des plus satisfaisants.

<<< L'installation des bâtiments ruraux est fort convenable et faite sans luxe. L'étable quoique petite est bien aérée, elle contient sur deux rangs: 14 boeufs, 12 vaches et un taureau de la race parthenaise; tous ces animaux sont

d'un excellent choix comme conformation; le taureau de 15 mois, au poil de lièvre, sans être entièrement bon, réunit tous les caractères de la race dans sa plus grande pureté.

<< La porcherie est mieux disposée, comme bâtiment, que bien montée d'animaux; des porcs anglais y ont un peu dégénéré, mais au point de vue de l'engraissement, ils sont encore de beaucoup supérieurs à la race du pays.

<< La bergerie consiste en une vingtaine d'agneaux dishley-mortagnais dans un bon état d'entretien; ils sont achetés, chaque année, chez les métayers auxquels on prête un bélier dishley, ils sont vendus au mois de juin suivant.

« Pourquoi ne parlerions-nous pas, dans cette énumération, du chenil qui a déjà porté au loin la réputation de la Débutrie; Saint-Hubert y est fort en honneur. Aussi le chenil est-il habité par une magnifique meute, composée de 70 chiens qui ont fait l'admiration des amateurs, lors de l'Exposition Universelle des chiens, organisée, il y a quelques années, par la Société d'acclimatation.

« Les dispositions prises pour soigner les fumiers et utiliser les purins peuvent, ainsi que les soins qui leur sont donnés, être cités comme d'excellents modèles à imiter.

<«< Sous un hangar spécial, la Commission a rencontré quelques instruments perfectionnés : l'araire de Roville, des herses Valcourt, un rouleau, une herse norwégienne, un extirpateur, une pelle à cheval, instrument qui a rendu de grands services à M. Majou de la Débutrie, et qu'il a introduit dans le pays.

<< Depuis 1846, la comptabilité a été tenue par M. De la Débutrie père, et depuis 1858, par un de ses fils. C'est depuis 1855, qu'il y a des bénéfices sur cette Réserve; les derniers renseignements fournis par le concurrent ont établi l'inventaire à la somme de 7,394 fr. 25 c.; il y a eu

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