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J'ai cent ans, cent ans, plus cent ans,

Ma vérité, je vous le dis,

Jamais je n'avais vu tant

De petits pots (1) et de clairies (flambeaux).

La mère aussitôt le porte avec respect au bord de la casse. Le lendemain matin, elle retrouva dans son berceau son enfant frais et plein d'un embonpoint merveilleux.

Les fradets sont de petits êtres qui, en général, aiment à rendre service, mais à la condition de n'être pas vus. Le troupeau qu'ils prennent sous leur protection est toujours le plus gras et le plus prospère. Deux d'entre eux en menaient paître un, toutes les nuits, à Saint-Benoit, et enrichissaient les maîtres de la bergerie. Une nuit, un des hommes de la ferme surveilla les fradets, et les aperçut, au clair de lune, gardant les brebis, pieds nus et couverts de rosée; et il entendit l'un d'eux qui criait à l'autre :

Frère Fradet,

Guette au musset (2)

Le gnas (agneau) eloquet (boiteux).

La fermière apprenant qu'ils étaient pieds nus, mit le lendemain une paire de bas dans la petite fenêtre de la bergerie, mais, la nuit suivante, on entendit un fradet qui disait à son compagnon:

Frère Fradet,

Not' service est fait,

Prends tes claquets (c'est-à-dire partons).

A dater de ce moment, les fradets portèrent leurs soins par ailleurs, et le troupeau dépérit.

(1) C'étaient des coques de limaçons.

(2) Le musset ou la musse est l'endroit où le troupeau passe d'un champ dans un autre, à travers le buisson.

Le hameau de l'Hériette a conservé le souvenir d'une fée nourrissant de ses propres mains la petite fille de la maison.

On prétend qu'il y a un trésor caché dans les environs de la Blanchardière. Le fradet qui le garde l'a soustrait jusqu'à ce jour à la convoitise des chercheurs.

La tradition plaçait un trésor à Lieu-Dieu, derrière une porte de fer. Le hasard a fait découvrir cette année le souterrainrefuge de cet ancien prieuré qui relevait de l'abbaye de LieuDieu en Jard. Nous avons visité nous-même ses longues galeries et nous avons vu dans l'un de ses couloirs, une ouverture taillée en forme d'arc et percée de dix trous pour recevoir dix barres ou traverses. Hélas! les barres avaient disparu, et sans doute avec elles le trésor!

Disons, en finissant, que Saint Benoit était jusqu'à nos jours renommé par le nombre de ses sorciers. La Vau y était fréquentée par des hommes montés sur des loups, et il s'y faisait un réveillon monstre, auquel prenaient part les habitants des alentours, le 27 septembre de chaque année.

Curzon.

L'époque celtique est marquée à Curzon : 1° par la PierrePlate du Châteigner (1), qui n'est détruite que depuis quelques années; 2o par la Pierre-Folle (2), autour de laquelle se forma le cimetière chrétien de la localité; elle se trouvait près de la chapelle de Saint-Georges, dont il ne reste plus de trace, ainsi que de la pierre ; 3° par des monnaies gauloises appartenant à la troisième période, et citées par M. Benj. Fillon dans son ouvrage Poitou et Vendée (3). On attribue généralement

(1) Section A, no 206 du plan cadastral.

(2) Section A, no 339.

(3) Saint-Cyr-en-Talmondais, p. 4.

la même date au tumulus fait de main d'homme, appelé la motte de Curzòn, ou la motte aux fées.

Curzon, si on en croit la légende, fut longtemps une cité florissante, connue sous le nom de Curbon. Lorsqu'elle était baignée par les flots de la mer, ses navires et les barques de ses pêcheurs trouvaient un abri sûr dans son port, et dans l'anse où sont placées la Claye et Mortevieille (Mortua Villa antique villa gallo-romaine à 3 kilomètres en amont). SaintRomain de Blaye (382 de J. C.), le célèbre patron des mariniers de la Gascogne, de la Saintonge et du Poitou, enrichissait å Curbon le prêtre qui desservait l'église qui lui était consacrée. Les fées, de leur côté, avaient pris la ville en affection et y répandaient l'abondance. Leur reine, figure vénérable, disent les anciens, qui en imposait par sa mâle beauté et la majesté dont elle s'environnait, avait choisi pour palais les grottes et salles souterraines de la Pierre-Plate; elle y habitait avec sa cour. Un jour, une fée du Châteigner apparaît à un berger qui frappait avec sa houlette sur la Pierre-Plate. « Jeune homme, lui dit-elle, veux-tu aller tous les samedis au marché de Luçon chercher nos provisions de bouche? Tu seras largement récompensé. - Je le ferais volontiers, répond le berger; mais qui veillera, pendant mon absence, sur mon troupeau? - Ne crains rien, reprit la fée, ton troupeau sera bien gardé. » Le berger alléché par le prix, consentit à faire le voyage hebdomadaire. Le samedi matin, il venait à la pierre, où il trouvait un billet et des pièces d'or et d'argent, et le soir il déposait sur la même pierre les denrées qu'ils avait achetées. Pendant son trajet, l'herbe naissait sous les pieds du troupeau qui engraissait à vue d'œil et qui demeurait immobile dans le pâturage.

D'autres fées peuplaient les souterrains-refuges dont le soussol du chef-lieu est sillonné. Mais, hélas! l'ingratitude de ses habitants fut cause de sa perte et de son malheur. Un jour la reine tint conseil, et décida que, la nuit suivante, les fées, dans l'intérêt de la population, construiraient en trois dornées de pierres, et avant le chant du coq, un pont qui, traversant

l'immense vallée (3 kilomètre de large), où serpente présentement le Lay, couverte jadis des eaux de la mer, relierait Curbon avec Payré et Saint-Denis. Un méchant homme, qui entendit donner cet ordre, en empêcha la complète exécution. Les fées n'avaient apporté qu'une dornée, que l'on montre au lieu dit les Platières, lorsqu'il força un coq de chanter avant l'heure; le pont resta inachevé. Dans le même temps, un fradet de la cave des dixmes, près de la Motte, fut brûlé jusqu'au vif par le maître du logis, dans la maison dite du Pilier (1), rendez-vous des belles fileuses. La fée, sa mère, jura de s'en venger. Un dernier attentat acheva d'exaspérer les fées. Un homme de Curbon tua un fradet dans la forêt de Payré. La fée de cette forêt en ayant prévenu immédiatement la reine de la Pierre-Plate, celle-ci prononça contre la cité l'anathême suivant, en présence de sa cour:

Démési Curbon,

P'tit' ville en grand renom,

Tu t'app'l'ras Curzon.

Curzon, Curzounas,

Le sort en est jeté,

Chaque an tu varieras (diminueras)

D'in' maille et d'in dener (denier).

Curzon, depuis cette époque, a toujours été en déclinant. Toutes ses métairies ont été divisées ou vendues en détail. Un chevalier rouge enlève à minuit l'or amassé par le prêtre de Saint-Romain. «Un bruit de rames et de soupirs se fait entendre au port de la Claye, au moment de la pleine lune; une barque invisible se rend à Mortevieille et descend ensuite avec la marée vers la mer. »

Aux fées ont succédé les devins. Ce sont eux maintenant qui conjurent les sorts que les sorciers jetent sur le pauvre peuple; on y rebaptise parfois les enfants qu'on veut empêcher de courir au sabbat des sorcières.

(1) Le Pilier, qui a donné son nom à un quartier de Curzon, était une colonne, ou une pile, très-ancienne. La municipalité la fit malheureusement détruire en 1817, pour paver la jetée du Port de la Claye.

Saint-Cyr-en-Talmondais.

Saint-Cyr ne possède point de pierres celtiques; mais M. Fillon qui a passé une partie de sa jeunesse dans cette localité, y a recueilli une rouelle dentelée, en plomb, et un petit bronze de la dernière période gauloise, à la légende COVTOVTOS, ainsi qu'une hache de pierre et trois grossières monnaies de potin. On y trouvait aussi autrefois le tènement des Garnes (1), la Dorne (2) de la Dame (3), la fontaine de la Dame, le Grenoil de la Dame et le Champ-Follet.

Un sermon contre les sorciers, cité par M. Fillon, et composé par Pierre Métayer, curé de Saint-Cyr, au milieu du dernier siècle, nous apprend que le zélé pasteur reprochait amèrement à ses paroissiens « de porter le pied gauche du goret fraîchement tué au bras rouge du puits de Fougeré, et la tête d'une poule blanche, avec trois oignons de même couleur, au bouc per (pers? bleu verdâtre) de l'abrouc (abreuvoir) de Valençon, (4), d'invoquer le secours de l'homme luisant des sourdis contre la clavée des brebis; de vouer leurs filles bessonnes à la dame blanche de Pissotte, et de planter des mais sur les fumiers et sur le bord des sources de Gorin, de Noumas, des Fontenelles et de Bébin. Il les tançait, en outre, de faire bouillir la pire pour forcer le sorcier à venir désensorceler sa victime; de jeter le trèfle å la pierre de la Gillerie (pierre levée de Saint-Benoît),

(1) Section B, no 550 du cadastre.

(2) Dorne, Darana, gremium, lieu où la femme tient l'enfant dans ses bras. En sanscrit R dr, tenir. Le R (avec une cédille dessous), est une voyelle en sanscrit; il diffère du R (notre R sans cédille) qui est une consonne. Le Guna, c'est-à-dire, la conversion de la voyelle en dipthongue correspondante (Guna signifie Virtus, renforcement) est ar. Le suffixe Ana exige le Guna, ce qui donne Darana.

Note fournie par M. Cardin. Elle prouve que le mot Dorne est d'origine sanscrite. (3) Section C, no 866 du cadastre,

(4) Valençon, ou vallée d'Anson. Anson paraît être le nom primitif de Saint-Cyr. J'ai visité dernièrement avec M. Fillon une villa qu'il avait découverte la veille sur la hauteur qui domine la vallée.

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