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trouve fi peu de gens qui paroiffent raisonnables & agréables dans la conversation, c'est qu'il n'y a prefque perfonne qui ne penfe plutôt à ce qu'il veut dire qu'à répondre précisément à ce qu'on lui dit. Les plus habiles & les plus complaifans fe contentent de montrer feulement une mine attentive, en même tems que l'on voit dans leurs yeux & dans leur efprit un égarement pour ce qu'on leur dit, & une précipitation pour retourner à ce qu'ils veulent dire; au lieu de confidérer que c'eft un mauvais moyen de plaire aux autres ou de les perfuader, que de chercher fi fort à fe plaire à foi-même, & que bien écouter & bien répondre eft

une des plus grandes perfections qu'on puiffe avoir dans la converfation.

140.

Un homme d'efprit feroit souvent bien embarraffé fans la compagnie des fots.

141.

Nous nous vantons fouvent de ne nous point ennuyer; nous fommes fi glorieux que nous ne voulons pas nous trouver de mauvaise compagnie,

142.

Comme c'eft le caractère des grands efprits de faire entendre en peu de paroles beaucoup de chofes, les petits efprits, au contraire,

ont le don de beaucoup parler &

de ne rien dire.

143.

C'eft plutôt par l'eftime de nos propres fentimens que nous exagérons les bonnes qualités des autres, que par l'eftime de leur mérite; & nous voulons nous attirer des louanges lorfqu'il femble que nous leur en donnons.

144.

On n'aime point à louer & on ne loue jamais perfonne fans intérêt. La louange eft une flatterie habile, cachée & délicate, qui fatisfait différemment celui qui la donne & celui qui la reçoit l'un la prend comme une récompense

:

de fon mérite; l'autre la donne pour faire remarquer fon équité & fon difcernement.

145.

Nous choififfons fouvent des louanges empoisonnées, qui font voir par contre-coup en ceux que nous louons des défauts que nous n'ofons découvrir d'une autre forte.

146.

On ne loue d'ordinaire que pour

être loué.

147.

Peu de gens font affez fages pout préférer le blâme qui leur eft utile à la louange qui les trahit.

148.

Il y a des reproches qui louent & des louanges qui médifent.

149.

Le refus de la louange eft un defir d'être loué deux fois.

150.

Le defir de mériter les louanges qu'on nous donne fortifie notre vertu; & celles qu'on donne à l'efprit, à la valeur & à la beauté › contribuent à les augmenter.

151.

Il eft plus difficile de s'empêcher d'être gouverné que de gouverner les autres.

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