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Racine. Corneille eft plus moral, Racine plus naturel. Il femble que l'un imite Sophocle, & que l'autre doit plus à Euripide.

I2.

L'on écrit régulièrement depuis vingt années; l'on eft efclave de la conftruction; l'on a enrichi la langue de nouveaux mots, fecoué le joug du latinifme, & réduit le ftyle à la phrafe purement françoife; l'on a prefque retrouvé le nombre que Malherbe & Balzac avoient les premiers rencontré, & que tant d'auteurs depuis eux ont laiffé perdre; l'on a mis enfin dans lé difcours tout l'ordre & toute la netteté dont il eft capable: cela

conduit infenfiblement à y mettre de l'efprit.

13.

Celui qui n'a égard, en écrivant, qu'au goût de fon fiècle, fonge plus à fa perfonne qu'à fes écrits. Il faut toujours tendre à la perfection; & alors cette juftice qui nous eft quelquefois refusée par nos contemporains, la poftérité fait nous. la rendre.

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14.

Le philofophe consume sa vie à obferver les hommes, & il use fes efprits à en démêler les vices & les ridicules s'il donne quelque tour à fes pensées, c'eft moins par une vanité d'auteur, que pour mertre une vérité qu'il a trouvée dans

tout le jour néceffaire pour faire l'impreffion qui doit fervir à fon deffein. Quelques lecteurs croient néanmoins le payer avec ufure, s'ils difent magiftralement qu'ils ont lu fon livre, & qu'il y a de l'efprit; mais il leur renvoie tous leurs éloges, qu'il n'a pas cherchés par fon travail & par fes veilles. Il porte plus haut fes projets, & agit pour une fin plus relevée : il demande des hommes un plus grand & un plus rare fuccès que les louanges, & même que les récompenfes, qui eft de les rendre meilleurs.

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I.

LA curiofité n'eft pas un goût pour ce qui eft bon ou ce qui eft beau, mais pour ce qui eft rare. unique; pour ce qu'on a, & ce que les autres n'ont point. Ce n'eft pas un attachement à ce qui eft parfait; mais à ce qui eft couru, à ce qui eft à la mode. Ce n'eft pas un amufement; mais une paffion, & fouvent fi violente, qu'elle ne cède à l'amour & à l'ambition que par la petiteffe de fon objet. Ce n'eft pas une paffion qu'on a généralement pour les chofes rares & qui ont cours; mais feulement

pour

pour une certaine chofe rare, & pourtant à la mode.

2.

Le duel eft le triomphe de la mode, & l'endroit où elle a exercé fa tyrannie avec le plus d'éclat. Cet ufage n'a pas laiffé au poltron la liberté de vivre; il l'a mené fe faire tuer par un plus brave que foi, & l'a confondu avec un homme de cœur il a attaché de l'honneur & de la gloire à une action folle & extravagante : il a été approuvé par la présence des rois. Il y a eu quelquefois une espèce de religion à le pratiquer il a décidé de l'innocence des hommes, des accufa tions fauffes ou véritables fur des

Morale, Tome XIII. V

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