245 DE LA SOCIÉTÉ, ET DE LA CONVERSATION. I. UN caractère bien fade eft celui de n'en avoir aucun. 2. C'eft le rôle d'un fot d'être importun un homme habile fent s'il convient, ou s'il ennuie; il fait difparoître le moment qui précède celui où il feroit de trop quelque part. 3. L'on niarche fur les mauvais plaifans, & il pleut par tout pays de ces fortes d'infectes. Un bon plai fant eft une pièce rare : à un homme qui eft né tel, il est encore fort délicat d'en foutenir long-tems le perfonnage: il n'eft pas ordinaire que celui qui fait rire, fe faffe eftimer. 4. L'efprit de la converfation confifte bien moins à en montrer beaucoup, qu'à en faire trouver aux autres celui qui fort de votre entretien, content de foi & de fon efprit, l'eft de vous parfaitement. Les hommes n'aiment point à admirer; ils veulent plaire : ils cherchent moins à être inftruits, & même réjouis, qu'à être goûtés & applaudis ; & le plaifir le plus délicat eft de faire celui d'autrui. 5. C'est une grande misère que de n'avoir pas affez d'efprit pour bien parler, ni affez de jugement pour fe taire. Voilà le principe de toute impertinence. 6. La politeffe n'inspire pas toujours la bonté, l'équité, la complaifance, la gratitude : elle en donne du moins les apparences, & fait paroître l'homme au dehors comme il devroit être intérieurement. 7. Il me femble que l'efprit de politeffe eft une certaine attention à faire que, par nos paroles & par nos manières, les autres foient contens de nous & d'eux-mêmes. 8. Il eft fouvent plus court & plus ntile de quadrer aux autres, que de faire que les autres s'ajustent à nous. 9. Tout ce qui eft mérite se sent, se discerne, fe devine réciproquement: fi l'on vouloit être eftimé, il faudroit vivre avec des perfonnes eftimables. IO. Il y a de petits défauts que l'on abandonne volontiers à la cenfure, & dont nous ne haïffons pas à être raillés; ce font de pareils défauts Si vous observez avec foin qui font les gens qui ne peuvent louer, qui blâment toujours, qui ne font contens de perfonne, vous reconnoîtrez que ce font ceux mêmes dont perfonne n'est content. 13. C'eft la profonde ignorance qui inspire le ton dogmatique celui qui ne fait rien, croit enfeigner aux autres ce qu'il vient d'apprendre lui-même celui qui fait beaucoup, |