fance dans les amis, pour faire en plufieurs années bien moins que ne fait quelquefois en un moment un beau vifage ou une belle main! Tant que l'amour dure, il fubfifte de foi-même, & quelquefois par les chofes qui femblent le devoir éteindre, par les caprices, par les rigueurs, par l'éloignement, par la jaloufie: l'amitié au contraire a befoin de fecours; elle périt faute de foins, de confiance & de complaifance. 5. Il eft plus ordinaire de voir un amour extrême qu'une parfaite ami tié. 6. L'amour & l'amitié s'excluent l'un l'autre. 7. Celui qui a eu l'expérience d'un grand amour, néglige l'amitié; & celui qui eft épuifé sur l'amitié, n'a encore rien fait pour l'amour. 8. L'amour commence par l'amour; & l'on ne fauroit paffer de la plus forte amitié, qu'à un amour foible. 9. L'on n'aime bien qu'une feule fois c'est la première. Les amours qui fuivent font moins involontaires. L'amour qui naît fubitement eft le plus long à guérir. II. L'amour qui croît peu-à-peu & par degrés, reffemble trop à l'amitié pour être une paffion violente. 12. Celui qui aime affez pour vouloir aimer un million de fois plus qu'il ne fait, ne cède en amour qu'à celui qui aime plus qu'il ne voudroit. 13. Quelque délicat que l'on foit en amour, on pardonne plus de fautes que dans l'amitié. 14. Il eft trifte d'aimer fans une grande fortune, qui nous donne les moyens de combler ce que l'on aime, & de le rendre fi heureux qu'il n'ait plus de fouhaits à faire. 15. Etre avec les gens qu'on aime, cela fuffit rêver, leur parler, ne leur parler point, penser à eux, penfer à des chofes plus indifférentes, mais auprès d'eux, tout est égal. 16. On confie fon fecret dans l'amitié, mais il échappe dans l'a mour. 17. L'on peut avoir la confiance de quelqu'un fans en avoir le cœur : celui qui a le cœur n'a pas befoin de révélation ou de confiance; tout lui eft ouvert. 18. L'on ne voit dans l'amitié que les défauts qui peuvent nuire à nos amis. L'on ne voit en amour de défauts dans ce qu'on aime, que ceux dont on fouffre foi-même. 19. Il n'y a qu'un premier dépit en amour, comme la première faute dans l'amitié, dont on puiffe faire un bon usage. |