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part dans la recherche que font les hommes des plaisirs, du jeu, de la fociété. Celui qui aime le travail a affez de foi-même.

52.

La plupart des hommes emploient la première partie de leur vie à rendre l'autre miférable.

53.

On s'infinue auprès de tous les hommes, ou en les flattant dans les paffions qui occupent leur ame, ou en compatisfant aux infirmités qui affligent leurs corps. En cela feul confiftent les foins que l'on peut leur rendre de-là vient que celui qui fe porte bien & qui defire peu

de chofes, eft moins facile à gou

verner.

54.

C'est une grande difformité dans la nature qu'un vieillard amoureux.

55.

Ce n'eft pas le befoin d'argent où les vieillards peuvent appréhender de tomber un jour, qui les rend avares; car il y en a de tels qui ont de fi grands fonds, qu'ils ne peuvent guère avoir cette inquiétude; & d'ailleurs comment pourroient-ils craindre de manquer dans leur caducité des commodités de la vie, puifqu'ils s'en privent euxmêmes volontairement pour fatisfaire leur avarice? Ce n'eft point

aufli l'envie de laiffer de plus gran des richeffes à leurs enfans; car il n'eft pas naturel d'aimer quelque autre chofe plus que foi-même, outre qu'il fe trouve des avares qui n'ont point d'héritiers. Ce vice eft plutôt l'effet de l'âge & de la complexion des vieillards, qui s'y abandonnent auffi naturellement qu'ils fuivoient leurs plaifirs dans leur jeuneffe, ou leur ambition dans l'âge viril. Il ne faut ni vigueur, ni jeuneffe, ni fanté pour être avare: on n'a auffi nul befoin de s'empre fer, ou de fe donner le moindremouvement pour épargner fes revenus; il faut laiffer feulement fon bien dans fes coffies, & fe priver de tout cela eft commode aux

vieillards, à qui il faut une paffion, parce qu'ils font hommes.

56.

Il y a des gens qui font mal logés, mal couchés, mal habillés & plus mal nourris, qui effuient les rigueurs des faifons, qui fe privent eux-mêmes de la fociété des hommes & paffent leurs jours dans la folitude, qui fouffrent du présent, du paffé & de l'avenir, dont la vie eft comme une pénitence continuelle, & qui ont ainfi trouvé le fecret d'aller à leur perte par le

chemin le plus pénible : ce font les

avares.

57.

Les jeunes gens,

à caufe des

paffions qui les amufent, s'accommodent mieux de la folitude que les vieillards.

58.

Tels hommes paffent une longue vie à fe défendre des uns & à nuire aux autres; & ils meurent confumés de vieilleffe, après avoir caufé autant de maux qu'ils en ont fouffert.

59.

On voit certains animaux farouches, des mâles & des femelles, répandus par la campagne, noirs, livides & tout brûlés du foleil, attachés à la terre qu'ils fouillent & qu'ils remuent avec une opiniâtreté invincible. Ils ont comme une voix articulée ; & quand ils fe lèvent fur

leurs

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