305.

La reconnoiffance dans la plupart des hommes, n'eft qu'une forte & fecrette envie de recevoir de plus grands bienfaits.

306.

Prefque tout le monde prend plaifir à s'acquitter des petites obligations beaucoup de gens ont de la reconnoiffance pour les médiocres ; mais il n'y a prefque perfonne qui n'ait de l'ingratitude pour les grandes.

307.

Il y a des folies qui fe prennent comme les maladies conta gieufes.

308.

Affez de gens méprifent le bien; mais peu favent le donner.

309.

Ce n'eft d'ordinaire que dans de petits intérêts que nous prenons le hafard de ne pas croire aux appa

rences.

310.

Quelque bien qu'on nous dife de nous, on ne nous apprend rien de

nouveau.

311.

Nous pardonnons souvent à ceux qui nous ennuient; mais nous ne pouvons pardonner à ceux que nous ennuyons.

312.

L'intérêt, que l'on accufe de tous nos crimes, mérite fouvent d'être loué de nos bonnes actions.

313.

On ne trouve guère d'ingrats, tant qu'on eft en état de faire du bien.

314.

Il eft auffi honnête d'être glorieux avec foi-même, qu'il eft ridicule de l'être avec les autres.

315.

On a fait une vertu de la modération, pour borner l'ambition des grands hommes, & pour confoler

les gens médiocres de leur peu de fortune & de leur peu de mérite.

316.

Il y a des gens destinés à être fots, qui ne font pas feulement des fottifes par leur choix, mais que la fortune même contraint d'en faire.

317.

Il arrive quelquefois des accidens dans la vie, d'où il faut être un peu fou pour se bien tirer.

318.

S'il y a des hommes dont le ridicule n'ait jamais paru, c'eft qu'on ne l'a pas bien cherché.

319.

Ce qui fait que les amans & les

maîtreffes

maîtreffes ne s'ennuient point d'être enfemble, c'eft qu'ils parlent toujours d'eux-mêmes.

320.

Pourquoi faut-il que nous ayions affez de mémoire pour retenir jufques aux moindres particularités de ce qui nous eft arrivé, & que nous n'en ayions pas affez pour nous fouvenir combien de fois nous les avons contées à la même perfonne ?

321.

L'extrême plaifir que nous prenons à parler de nous-mêmes, nous doit faire craindre de n'en donner guère à ceux qui nous écou

tent.

Morale. Tome XIII. G

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