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Molière avait été pris d'un vomissement de sang sur la scène, ce qui effraya beaucoup les spectateurs, et qu'on l'emporta chez lui aussitôt. Quelques biographes de Molière l'ont répété d'après cette autorité : le fait est entièrement faux. La Grange, dont le témoignage ne saurait être recusé ici, puisqu'il remplissait à cette même représentation le rôle de Cléante, dit seulement dans sa Préface de l'édition des OEuvres de Molière de 1682: « Il fut si fort travaillé de sa fluxion, » qu'il eut de la peine à jouer son rôle ; il ne l'acheva » qu'en souffrant beaucoup ; et le public connut aisé» ment qu'il n'était rien moins que ce qu'il avait voulu jouer en effet, la comédie étant faite, il se retira >> promptement chez lui, etc... >>

mmm.

LIVRE QUATRIÈME.

(1) Nous avons pensé que l'on serait curieux d'avoir des détails sur la vie d'un prélat qui crut devoir refuser les honneurs religieux aux restes d'un homme de bien. En voici quelques-uns que nous avons puisés à des sources authentiques :

HARLAY DE CHAMPVALON (François de), dit l'auteur de l'Histoire de Paris (première édition, t. V, p. 39), était fameux par ses galanteries ou plutôt par ses débauches. Il eut plusieurs maîtresses en titre, parmi lesquelles figurait au premier rang la dame de Bretonvilliers, qui poussait la complaisance jusqu'à lui fournir des doublures dans le rôle qu'elle jouait près de sa grandeur. Voici ce qu'on lit dans une lettre du 12 juillet 1675, de madame de Scuderi (Supplément aux Mémoires et Lettres du comte Bussy-Rabutin, deuxième partie, page 190): « Cela est assez étrange qu'on n'ait souffrir le scandale du.... et de ma>> dame de...., et que l'on souffre celui de M. (l'arche>>vêque) de Paris et de madame de Bretonvilliers : >> car, quoique le mari de celle-ci soit plus docile que >> celui de l'autre, il est toujours contre la bienséance » à un évêque d'être toujours avec une jolie femme. » Une lettre du 27 février 1680, du même recueil, nous fournit l'anecdote suivante : « Madame de Bre

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pu

>>> tonvilliers s'avisa, il y a quelque temps, pour mieux

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régaler M. l'archevêque de Paris, de lui faire venir » la petite Varenne. L'archevêque la trouva plus jolie » que la cathédrale (nom plaisant donné par le public à >> madame de Bretonvilliers), de sorte qu'il l'a mise de >> toutes les parties de Conflans. Pierre Pont, lieute>> nant des gardes-du-corps, amant de la petite Va>> rennes, et jaloux du prélat, s'appliqua à découvrir »> jusqu'où il en était avec sa maîtresse; et, comme le >> curieux impertinent, il la trouva une nuit à une » heure indue, sortant dans le carrosse de son rival: » il se mit dedans avec elle, lui chanta pouille, et le >> dit partout. Cela d'abord a fait grand bruit contre >> l'archevêque; mais enfin celui-ci a fait entendre au >> Roi que Pierre Pont était janséniste; car vous savez » bien que les rivaux des Pères de l'église ne sont pas >> de la vraie religion; et sur cela il a été envoyé en >> son gouvernement. » Ce prélat eut plusieurs autres maîtresses, notamment la marquise de Gourville, sœur du maréchal de Tourville; les chansonniers s'égayèrent sur ses galanteries. On peut citer ce couplet :

Sire, dedans votre ville,

On parle d'un grand malheur :

La sacrilège de Gourville

A gâté notre pasteur;

La donzelle n'est pas saine,

Le prélat en a, etc.

(Histoire de Paris, première édition, tome V, p. 41.) Il allait, dit-on, recevoir le chapeau de cardinal,

>>

quand il mourut presque subitement, d'une attaque d'apoplexie. « Il s'agit maintenant, dit madame de Sévigné (lettre du 12 août 1695), de trouver quel>> qu'un qui se charge de l'oraison funèbre du mort; » on prétend qu'il n'y a que deux petites bagatelles qui >> rendent cet ouvrage difficile, c'est la vie et la mort. >> Mascaron refusa de la faire; le Père Gaillard consentit à s'en charger, à condition qu'il ne parlerait pas du mort.

Nous avons dit plus haut quelle espèce de service madame de Bretonvilliers rendait officieusement à l'archevêque ; cette dame sollicitait un jour très-vivement madame de Sévigné de venir chez elle; celleci lui répondit qu'elle n'avait qu'un fils. (Lettre de madame de Sévigné, du 15 juin 1680).

Harlay de Champvalon était d'une beauté remarquable. Il se trouvait un jour au milieu d'un cercle de jolies femmes; une personne qui entra lui dit en le voyant ainsi entouré :

Formosi pecoris custos.- Formosior ipse,

reprit galamment une des dames, dont on ignorait l'érudition.

Requête à l'archevêque de Paris, et ordonnance pour

l'enterrement.

A MONSEIGNEUR l'illustrissime et réuérendissime archeuesque de Paris.

>>

Supplie humblement Élisabeth-Claire-Grasinde-Béjard (les noms sont ainsi écrits), veufue de Jean-Baptiste Pocquelin de Molière, viuant valet de chambre et tapissier

du Roy, et l'un des comédiens de sa troupe, et en son absence Jean Aubry son beau-frère; disant que vendredy dernier, dix-septième du présent mois de feburier mil six cent soixante-treize, sur les neuf heures du soir, ledit feu sieur de Molière s'estant trouué mal de la maladie dont il décéda enuiron une heure après, il voulut dans le moment témoigner des marques de repentir de ses fautes et mourir en bon chrestien, à l'effect de quoy auecq instances il demanda un prestre pour receuoir les sacremens, et enuoya par plusieurs fois son valet et seruante à Sainct - Eustache, sa paroisse, lesquels s'adressèrent à messieurs Lenfant et Lechat, deux prestres habitués en ladicte paroisse, qui refusèrent plusieurs fois de venir, ce qui obligea le sieur Jean Aubry d'y aller luy-mesme pour en faire venir, et de faict fit leuer le nommé Paysant, aussi prestre habitué audict lieu; et comme toutes ces allées et venues tardèrent plus d'une heure et demie, pendant lequel temps ledict feu Molière décéda, et ledict sieur Paysant arriua comme il venoit d'expirer; et comme ledict sieur Molière est décédé sans auoir reçu le sacrement de confession, dans un temps où il venoit de représenter le comédie, monsieur le curé de Sainct-Eustache lui refuse la sépulture, ce qui oblige la suppliante de vous présenter la présente requeste pour luy estre sur ce pourueu.

que

« Ce considéré, Monseigneur, et attendu que dessus, et ledict défunct a demandé auparauant que de mourir un prestre pour être confessé, qu'il est mort dans le sentiment d'un bon chrestien, ainsy qu'il a témoigné en présence de deux dames religieuses, demeurant en la mesme maison, d'un gentilhomme nommé M. Couton, entre les bras de qui il est mort, et de plusieurs autres personnes; et que M. Bernard, prestre habitué en l'église Sainct-Ger

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