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DISSERTATION

SUR

L'HARMONIE DU STYLE.

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L'HARMONIE en mufique eft le fentiment que produit fur nous, le rapport appréciable des fons. Si les fons fe font entendre en même tems, ils font un accord; & ils font un chant ou une mélodie, s'ils fe font entendre fucceffivement.

Il est évident que l'accord ne peut pas entrer dans ce qu'on appelle harronie du ftyle: il n'y faut donc chercher que quelque chofe d'analogue au chant.

Or, il y a deux chofes dans le chant: mouvement & inflexion,

Nos mouvemens, fuivent naturellement la premiere impreffion, que nous leur avons donnée ; & il y a toujours le même intervalle de l'un à l'autre. Quand nous marchons, par exemple, nos pas fe fuccédent dans des tems égaux. Tout chant obéit également à cette loi: fes pas, fi je puis m'exprimer ainfi, fe font dans des intervalles égaux, & ces intervalles s'appellent mefures.

Suivant les paffions dont nous fommes agités, nos mouvemens fe ralentiffent ou fe précipitent, & ils fe font dans des tems inégaux. Voilà pourquoi, dans la mélodie, les mefures fe diftinguent par le nombre, & par la rapidité ou la lenteur des tems.

En effet, la nature & l'habitude, ont établi une fi grande liaison, entre les mouvemens du corps & les fentimens de l'ame, qu'il fuffit d'occafionner dans l'un, certains mouvemens, pour éveiller dans l'autre, certains fentimens. Car l'effet dépend uniquement, des mefures & des tems auxquels le muficien, affujettit la mélodie.

L'organe de la voix, fléchit comme les autres, fous l'effort des fentimens de l'ame. Chaque paffion a un cri inarticulé, qui la tranfmet d'une ame à une autre; & lorfque la mufique imite cette inflexion, elle donne à la mélodie toute l'expreffion poffible.

Chaque mefure, chaque inflexion, a donc en mufique, un caractere particulier, & les langues ont plus d'harmonie, & une harmonie plus expreffive, à proportion qu'elles font capables de variété, dans leurs mouvemens & dans leur inflexion.

CHAPITRE II.

Conditions les plus propres, à rendre une langue harmonieufe.

O N conçoit qu'une langue pourroit exprimer toutes fortes de mouvemens, fi la durée de fes fyllabes, étoit dans le même rapport, que les blanches, les noires, les croches, &c. car elle auroit des tems & des mefures auffi variées que la mélodie.

Si cette langue avoit encore des accens, enforte que, d'une fyllabe à l'autre, la voix pût s'élever & s'abaiffer par des inflexions déterminées ; fa profodie approcheroit d'autant plus du chant, qu'il y auroit entre l'accent le plus grave & l'accent le plus aigu, un plus grand nombre d'intervalles appréciés.

La langue grecque, a été en cela fupérieure à toutes les autres. Denis d'Halicarnaffe, qui traite de la profodie avec plus de foin qu'aucun rhéteur, diftingue dans la mufique, la mélodie, le nombre, la varieté, le convenable; & il affure que l'harmonie oratoire a les mêmes qualités. Il remarque feulement, que le nombre n'y eft pas marqué d'une maniere auffi fenfible, & que les intervalles n'y font pas auffi grands.

1°. Le nombre oratoire, n'étoit pas auffi fenfible ni auffi varié que le nombre mufical, parce qu'il ne pouvoit renfermer que deux tems, des lon

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