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F+ 39.7

HARVARD COLLEGE LIBRARY

INGRAHAM FUND

Joe 11,1926

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Le théâtre représente un salon d'artistes chez Jacques et Charlotte.

SCÈNE PREMIÈRE

JACQUES, CHARLOTTE. (Le premier est assis devant une table et compose des vers, l'autre est au piano.)

JACQUES.

Diable de rime! jamais je ne pourrai finir cette élégie.

CHARLOTTE.

Tu devrais bien finir de m'interrompre, et me laisser apprendre ma romance.

JACQUES.

C'est toi qui troubles ma verve avec ton maudit piano; tes chansons et ta petite voix. - Comment pourrait-on écrire quelque chose de sérieux, de solennel, de pathétique, lorsqu'on entend toute la journée des: tra la la la ?

CHARLOTTE.

(Chantant) Tra la la la; j'aime le chant de l'alouette... (parlé) Tu auras beau dire, mon pauvre petit frère, mes chansons réussiront plus vite que tes poésies lamentables. Fais-moi des couplets bien gais, cela vaudra mieux; et ne te faches pas.

JACQUES.

Tu sais bien que c'est impossible. Quand on est malheureux comme nous, on n'a que des idées noires.

CHARLOTTE.

Il faut chasser cela. Plus de dispute; mettons nos talents d'accord; veux-tu que je te donne la note? (Elle la lui donne).

JACQUES.

Laisse-moi finir mon élégie; trouve-moi une rime distinguée avec cyprès; et je ferai tout ce que tu voudras. CHARLOTTE, gravement.

Il ne faut pas, M. Jacques, avoir du bonnet la tête si près.

JACQUES, impatientė.

Sois donc raisonnable! Ecoute mes derniers vers, et tu comprendras peut-être ce que je demande à la muse. (Déclamant.)

Puis, je m'en vais errer dans des bois de cyprès,
Et je laisse en partant.... (I cherche).

CHARLOTTE.

De bien petits paquets.

JACQUES, en colère.

Sapristi! C'est comme cela que tu m'aides!... Tu vois pourtant bien, entêtée que tu es, que ta musique ne nous conduit qu'à danser devant le buffet.

CHARLOTTE.

Et ta poésie n'y contribue point?... D'ailleurs, il vaut mieux danser que pleurer. Tra, la la la......

JACQUES.

Moi qui comptais présenter cette pièce à la société académique de la Loire Inférieure. J'obtiendrais une médaille d'or, si je la réussissais comme je la rêve. (Montrant son front.) J'ai là un nuage de belles et nobles idées; mais j'ai beau tenailler mon cerveau, l'expression manque au bout de ma plume.

CHARLOTTE.

C'est que tu as une mauvaise plume. C'est une oie qui te l'a fournie.

JACQUES.

Pourtant, quand c'est cette main qui la tient!...

CHARLOTTE.

Justement, il y a trop de rapport entre la plume et le porte-pulme.

Que dis-tu?

JACQUES.

CHARLOTTE.

Je dis qu'il faut que j'étudie ma chansonnette, quoique cela t'ennuie. Je compte donner un concert, et si je ne reçois pas applaudissements, bouquets et couronnes, je pars pour l'Angleterre, l'Amérique, la Chine ou la Russie.

JACQUES.

Tiens, c'est une idée; peut-être que les Chinois trouveront mes vers très-beaux?

CHARLOTTE.

Et ma musique admirable.

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